Présidence de l’UA: les 3 raisons du vote anti-Sénégal (Le monde)

Il a fallu sept tours de scrutin aux chefs d’Etat africains, réunis lundi 30 janvier à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, pour leur 28e sommet, pour désigner le Tchadien Moussa Faki Mahamat comme successeur de la Sud-Africaine NKosazana Dlamini-Zuma à la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA). Donné favori avec le Sénégalais Abdoulaye Bathily et la Kényane Amina Mohamed, le candidat tchadien a misé sur quelques atouts qui lui ont finalement permis de s’imposer à la tête de l’exécutif de l’organisation panafricaine.

En théorie, lors du premier tour, les chefs d’Etat votent pour le représentant de leur région. Soutenu par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), Abdoulaye Bathily n’a pourtant obtenu que dix des quinze voix de son organisation sous-régionale au premier tour. Avec seize voix, Amina Mohamed a fait, quant à elle, le plein des voix de l’Autorité intergouvernementale pour le développement de l’Afrique de l’Est (IGAD), prenant ainsi la première place du premier tour. Le Tchadien Moussa Faki Mahamat est arrivé deuxième à ce stade du scrutin avec quatorze voix, principalement venant de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC).

Déjà mise à mal au premier et au deuxième tour, la logique de vote par bloc sous-régional a totalement été abandonnée aux troisième et quatrième tours. Résultat : Abdoulaye Bathily a été éliminé au quatrième tour avec trois voix seulement, le candidat équato-guinéen Agapito Ba Mokuy a été écarté également avec deux voix, tout comme la Botswanaise Pelonomi Venson-Moitoi, sortie de la compétition avec huit voix.

Moussa Faki Mahamat a ainsi bénéficié du report des voix de la Cédéao et a pu compter sur le soutient de la CEEAC et des pays d’Afrique du Nord, notamment l’Algérie, la Libye et la Mauritanie. Avec 26 voix au cinquième tour, il est arrivé à faire jeu égal avec la candidate kényane Amina Mohamed qui a obtenu 27 voix. Ce n’est qu’au sixième tour que le ministre tchadien des affaires étrangères a pris le dessus sur la candidate qui a obtenu 25 voix, alors que lui en a obtenu 28. Conformément aux règles de l’UA, le candidat tchadien est resté seul en lice au septième et dernier tour du scrutin. Il a ainsi obtenu 39 voix pour et 15 abstentions.

Les dividendes de l’engagement anti-terroriste

Dès le premier tour, plusieurs Etats ont choisi de voter pour le candidat tchadien en reconnaissance de l’action de son pays dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Ainsi, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui appartiennent avec le Tchad au G5 Sahel, ont préféré voter pour le candidat tchadien plutôt que pour celui de la Cédéao, leur organisation sous-régionale. La Mauritanie, autre membre du G5 Sahel, a également voté pour le candidat tchadien. Pays membre avec le Niger, le Cameroun et le Tchad de la Force mixte multinationale (FMM), créée pour combattre la secte extrémiste Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, le Nigeria a aussi choisi la reconnaissance envers l’engagement anti-terroriste du Tchad par rapport à la solidarité à l’égard du candidat sous-régional.

Le vote anti-Sénégal

Le candidat tchadien a tiré profit du fort rejet, non pas d’Abdoulaye Bathily, mais de l’action diplomatique de son pays, le Sénégal. Ainsi, l’Angola, l’Ouganda et le Zimbabwe, qui ne souhaitaient pas le retour du Maroc au sein de l’UA, ont fortement soutenu la candidature de Moussa Faki Mahamat. Car, pour eux, le candidat sénégalais ferait le jeu du Maroc une fois élu à la présidence de la Commission. En Afrique de l’Ouest, les mauvaises relations en ce moment entre le Sénégal et certains pays de la sous-région ont profité dans les urnes au ministre tchadien des affaires étrangères. Ces tensions ont été manifestes lors de la crise post-électorale en Gambie. Alors que Macky Sall poussait pour le déclenchement d’une opération militaire afin de sortir Yahya Jammeh du palais présidentiel, le guinéen Alpha Condé a jusqu’au bout privilégié la voie diplomatique en vue d’obtenir une résolution pacifique de la crise.

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