Au lendemain de l’acceptation de la demande d’adhésion du royaume à l’Union africaine (UA), le roi du Maroc a prononcé mardi un discours historique au sommet d’Addis Abeba. « Vous m’avez manqué ! », a-t-il lancé.
« Il est beau le jour où l’en rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé ! » Les premiers mots prononcés par le roi Mohammed VI devant le sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA), ce mardi 31 janvier, sont pleins d’émotion. « Je rentre enfin chez moi, et vous retrouve avec bonheur. Vous m’avez tous manqué… », a-t-il poursuivi.
Renouer avec l’Afrique
L’adhésion du Maroc avait été acceptée la veille, lundi 30 janvier, au terme d’une séance plénière particulièrement tendue. Sans attendre la finalisation des formalités juridiques et protocolaires, au terme desquelles le royaume siégera à nouveau au sein de l’organisation panafricaine, le roi a tenu à faire le déplacement à Addis Abeba afin de s’exprimer devant l’assemblée pour témoigner de la relation solide qui lie son pays aux autres pays du continent.
NOUS NE VOULONS NULLEMENT DIVISER COMME CERTAINS VOUDRAIENT L’INSINUER
Depuis l’an 2000, le Maroc a conclu près d’un millier d’accords avec les pays africains au cours de 46 visites royales effectuées dans 25 pays du continent. Parallèlement, des ressortissants africains ont pu poursuivre leur formation supérieure au Maroc grâce aux milliers de bourses qui leur ont été accordées, a rappelé le roi. Le Maroc a participé par ailleurs à six opérations de maintien de la paix des Nations-unies en Afrique, déployant des milliers d’hommes.
Des projets intra-africains
S’attardant sur le projet de gazoduc reliant le Nigeria au Maroc, Mohammed VI a déclaré qu’il sera créateur de richesses, tout en relativisant sa portée. « Ce ne sont ni le gaz, ni le pétrole qui satisferont les besoins alimentaires de base de l’Afrique. Le grand défi n’est-il pas sa sécurité alimentaire ? », a-t-il relevé, donnant comme exemple l’initiative Triple A (Adaptation de l’Agriculture Africaine), présentée par le Maroc lors de la Cop 22 à Marrakech. Des unités de fabrication de fertilisants ont depuis été mises en place en Éthiopie et au Nigeria.
« Nous n’ignorons pas que nous ne faisons pas l’unanimité au sein de cette noble assemblée. Loin de nous, l’idée de susciter un débat stérile ! Nous ne voulons nullement diviser comme certains voudraient l’insinuer », a assuré le roi du Maroc. Dès que le Maroc siégera de manière effective, son action sera fédératrice et mettra son modèle d’émergence construit sans ressources naturelles, au profit des autres nations africaines, a ajouté le roi.
L’UMA obsolète
Selon Mohammed VI, la famille africaine est la famille de référence du Maroc, le Maghreb n’ayant pas su l’incarner. « La flamme de l’UMA [Union du Maghreb arabe, NDLR] s’est éteinte, parce que la foi dans un intérêt commun a disparu ! », a relevé le souverain chérifien. Avec un commerce intra-régional de 3%, le Maghreb est de fait loin derrière d’autres sous-régions africaines comme la Cedeao (10%) ou les pays de la Sadec (19%). Le constat est ainsi sans appel pour le roi : l’UMA se dissoudra dans son incapacité chronique.
C’EST À L’AFRIQUE QUE LE ROYAUME CHERCHE À DONNER LE LEADERSHIP ET QU’IL EST TEMPS QUE LES RICHESSES DE L’AFRIQUE PROFITENT À L’AFRIQUE !
Au niveau de la coopération Sud-Sud, Mohammed VI considère que sa vision de la régularisation des migrants clandestins – qui a déjà bénéficié à 25 000 personnes au Maroc, a été mal-interprétée. « Certains avancent, que par cet engagement, le Maroc vise à acquérir le leadership de l’Afrique. Je leur réponds que c’est à l’Afrique que le royaume cherche à donner le leadership et qu’il est temps que les richesses de l’Afrique profitent à l’Afrique ! »
La notion du tiers-mondisme est dépassée
Évoquant les dégâts du colonialisme, le roi a insisté sur le fait que l’Afrique est aujourd’hui dirigée par « une nouvelle génération de dirigeants décomplexés », qui œuvrent en faveur de la stabilité, de l’ouverture politique, du développement économique et du progrès social de leurs populations.
Depuis plusieurs décennies, ce sont les pays du Nord qui dictaient la conduite aux pays du Sud, alors que leur taux de croissance ne dépasse pas celui de nombreux pays africains, tranche Mohammed VI, pour qui la notion du tiers-mondisme est dépassée. « Ces agissements relèvent plutôt de l’opportunisme économique : la considération et la bienveillance accordées à un pays ne doivent plus dépendre des ressources naturelles et du profit qu’on en espère ».
Jeune Afrique