Ces filles et fils de Président qui aspirent au pouvoir (2/2)

Après le patronyme auréolé, le prénom politique

Avec son installation au Flagstaff House, Nana Akufo-Addo deviendra le premier fils de président à être élu président du Ghana. Il rejoindra par la suite la longue lignée des dynasties politiques africaines des fils d’anciens présidents devenus Chefs d’Etat à leur tour. Uhuru Kenyatta au Kenya, Joseph Kabila en RDC, Faure Gnassingbé Eyadema au Togo, Ali Bongo Ondimba au Gabon ont déjà accompli leur « destinée ». Emboîtant le pas à leurs aînés, certains héritiers ou héritières de la nouvelle génération lorgnent le fauteuil paternel avec une appétence pour l’exercice du pouvoir, officieusement assumée ou prêtée, officiellement dissimulée, le plus souvent nourrie par les fantasmes et les rumeurs ou secrètement révélée lors des querelles de succession. (

 

 Emboîtant le pas à leurs aînés, certains héritiers ou héritières de la nouvelle génération lorgnent le fauteuil paternel avec une appétence pour l’exercice du pouvoir, officieusement assumée ou prêtée, officiellement dissimulée, le plus souvent nourrie par les fantasmes et les rumeurs ou secrètement révélée lors des querelles de succession.

 
1- Karim Meïssa Wade[Sénégal] : l’exemple d’une irrésistible ascension et une fracassante chute

1- Karim Meïssa Wade[Sénégal] : l’exemple d’une irrésistible ascension et une fracassante chute

A tous les chefs qui rêvent de se faire remplacer par leur fils, on fait vite d’agiter la fable Karim Wade en épouvantail. Cette fable du fils d’Abdoulaye Wade, le troisième président du Sénégal est le récit d’une incroyable ascension qui commence par les dorures du Palais de la République à Dakar et se termine derrière les barreaux rouillés de la prison de Rebeuss, la plus peuplée du Sénégal. Morale de l’histoire : le rêve de la succession dynastique peut bien se fracasser sur les grilles de la case prison.
Pourtant cette histoire commence plutôt bien. Karim Meïssa Wade de son nom complet grandit avec sa sœur cadette Sindiély à Dakar. Abdoulaye Wade, leur père, avocat de formation et opposant au régime socialiste depuis plus de deux décennies, échoue quatre fois à se faire élire à la présidence sénégalaise. Mais en 2000, les Sénégalais votent massivement pour lui devant l’usure du pouvoir d’Abdou Diouf.
Karim Wade rentre un an avant cette élection avec une solide formation en ingénierie financière et en gestion qui lui vaut d’être directeur associé à la banque UBS Warburg à Londres. Une fonction qui justifie pour son père, sa nomination en tant que conseiller personnel du président puis comme expert financier pour les grands dossiers, le « watchdog » (chien de garde) présidentiel.
De son rôle d’ombre, Karim Wade prend très vite la lumière lorsqu’il est porté en 2004, à la tête de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (ANOCI), chargée de la tenue du 11ème sommet de l’OCI de 2008. Les retards accusés dans la concrétisation des travaux pour accueillir cette rencontre au sommet de pays musulmans motive la convocation en 2007 de Karim devant l’hémicycle par le président de l’assemblée nationale de l’époque, Macky Sall.
La convocation est annulée le président Abdoulaye Wade. Mais Wade fils se retrouve au centre de sa première polémique nourrie par des accusations d’affairisme, de gestion opaque des fonds de l’OCI et de détournements de fonds qui lui valent le quolibet de « Monsieur 10% ». Pour recueillir la sympathie du peuple, Karim Wade se porte candidat à la mairie du Point E, son lieu de résidence pour les élections municipales de 2009. Sa défaite est cuisante tout comme celle de la majorité de son père. Le fils prodige qui ne parle aucune langue nationale sénégalaise pour avoir passé sa jeunesse en France est battu dans son propre bureau de vote.
Pour laver l’affront, le père le promeut ministre d’Etat puis ministre de l’Energie pour tenter de calmer la grogne sociale exacerbée par les coupures d’intempestives d’électricité au Sénégal à l’époque. Mais il échoue à régler la situation et récolte une impopularité croissante. Ce nouveau maroquin s’ajoute à sa nomination un an plus tôt au poste de ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. Une goutte d’eau de plus qui fait déborder le vase social en détestation du fils du président.
En 2012, lorsqu’Abdoulaye Wade échoue à se faire réélire à un troisième mandat après un long débat constitutionnel, Karim Wade va rentrer à nouveau dans l’obscurité. A peine arrivé au pouvoir, Macky Sall déclenche la « traque des biens mal acquis » des pontes du régime. Karim Wade en sera le premier souffre-douleur. Mis en demeure en mars 2013 pour justifier sa fortune estimée à 700 milliards de FCFA (1,1 milliard d’euros) dans un délai d’un mois, il est inculpé pour enrichissement par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI).
Ecroué un mois plus tard, il est condamné deux ans plus tard, en mars 2015, à 6 ans de prison et à une amende 138 milliards de FCFA d’amende (210 millions d’euros). Karim Wade ne dût son salut qu’à la grâce présidentielle accordée par Macky Sall après avoir purgé 8 mois de sa peine. A la manœuvre pour obtenir cette libération, le Qatar où Karim se dirige à sa sortie avec obligation de ne plus revenir à Dakar. Si la procédure de saisie de ses biens en France se heurte au refus du Tribunal de Grande Instance de Paris, Karim Wade a été désigné candidat à la prochaine présidentielle par le parti démocratique sénégalais (PDS), le parti crée par son père. Le fils de l’ancien président n’a pas encore dit son dernier mot et rumine sa revanche. Et de la plus belle des manières. Il compte bien en découdre avec son ancien geôlier, le président Macky Sall, le tombeur de son père. S’achemine-t-on vers une bataille entre le fils biologique d’Abdoulaye Wade et son fils politique. Rien n’est moins sûr. Mais si le vent tournait à l’avantage de Wade fils, Karim deviendrait le premier fils d’ancien président à devenir président.

 

2- Seif al-Islam Kadhafi [Libye] : L’espoir de rétablir la Jamahiriya

 

2- Seif al-Islam Kadhafi [Libye] : L’espoir de rétablir la Jamahiriya

C’est sans doute la grande vedette du clan Kadhafi depuis la mort de Mouammar Kadhafi en 2011. Mais bien avant cet épisode tragique qui dispersa la famille avec des fortunes diverses, Seif al-Islam était le fils adulé des capitales occidentales et de son Gotha. Son séjour en Occident lui permet de cultiver ses réseaux et tisser des liens avec la famille Rothschild ay Royaume-Uni et le Prince Andrew mais aussi avec l’extrême droite autrichienne en fréquentant Jörg Haider (mort en 2008).
Formé en architecture dans les années 1990 à l’Université de Tripoli, le second fils de Kadhafi s’envole pour l’Autriche où il décroche un MBA en économie et management. Il prend ensuite la tête de la Fondation internationale Kadhafi pour la charité et le développement, créée en 1998 et tournée vers la promotion du régime kadhafiste. 
C’est en réalité un poids financier qui permet au fils du Guide de positionner son pays sur les dossiers brûlants internationaux d’une Libye sous embargo notamment l’affaire des indemnisations de l’attentat de Lockerbie et pèse dans l’affaire des infirmières Bulgares. Parallèlement, la Fondation permet à Seif al-Islam de financer à hauteur de 1,8 million d’euros sur 5 ans, la London School of Economics (LSE) où il décroche son doctorat.
De retour au bercail, le fils du Guide libyen tente d’insuffler un changement de l’intérieur du régime, ce qui lui vaut d’être chouchouté par la presse occidentale mais le brouille avec l’aile conservatrice sur fonds de querelles de succession entre les fils Kadhafi. Son rôle se renforce lorsqu’éclatent les premières manifestations anti-régime qui ont dégénéré en émeutes.
Perçu comme le numéro deux du régime depuis sa nomination à la coordination générale des Commandements populaires et sociaux, Seif al-Islam dénonce une manipulation occidentale. Il demande à ses compatriotes de ne pas faire sombrer la Libye dans la guerre civile, puis se faisant menaçant promet des « rivières de sang » aux insurgés qu’ils qualifient de terroristes manipulés par Al Qaïda.
Alors que le régime tombe à la mort de son père sous l’offensive de rebelles soutenus par la France sarkozyste sous mandat de l’ONU, Seif tente de s’enfuir vers le Niger où s’est réfugié un autre de ses frères. Il est capturé par une milice de Zintane (sud-ouest) après avoir été dénoncé par un de ses hommes. Sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI le jugement de Seif al-Islam est au centre d’une passe d’armes entre l’institution basée à La Haye et une double justice libyenne en raison de la partition du pays en deux gouvernements rivaux.
Le premier gouvernement installé à Tripoli a condamné à mort le dauphin Kadhafi en juillet 2015 tandis que son rival de l’Est (à Bayda, près de Tobrouk) a voté une loi d’amnistie. Entre les deux, la milice de Zintane, qui tient entre ses mains, une précieuse monnaie d’échange, refuse de livrer le fils du Guide. Ce dernier serait même libre de ses mouvements dans la ville.
Fin 2015, le Conseil suprême des tribus libyennes désigne Seif al-Islam comme le représentant officiel de ce conseil tribal. Dans une Libye déchirée par la guerre depuis la chute du Guide, la gestion du pays a toujours été fait avec l’approbation des tribus. Il se préparerait, en coulisses, un soulèvement tribal pour renverser les deux gouvernements qui devrait rétablir le pouvoir tribal. De Benghazi pourrait être lancé le mouvement qui va orchestrer le retour au pouvoir d’un Kadhafi : Seif al-Islam (le glaive de l’islam en français) pourrait alors restaurer la Jamahiriya de son défunt père. C’est alors une autre Histoire qui s’écrira !

 

3- Zakaria Deby [Tchad]: Le dauphin civil qui cache le Prince militaire

 

3- Zakaria Deby [Tchad]: Le dauphin civil qui cache le Prince militaire

En mai 2015, un énième malaise d’Idriss Deby, usé par un pouvoir de plus d’un quart de siècle, a fait craindre l’émiettement d’un Tchad pris en sandwich entre Aqmi désormais affilié à l’Etat islamique au nord et Boko Haram plus à l’ouest. Depuis ce malaise, de persistantes rumeurs donnent Idriss Deby malade avec de fréquentes navettes médicales entre N’Djamena et Paris. Une question revient sans cesse au sujet de la succession de l’homme fort de N’Djamena : qui pourrait donc remplacer Idriss Deby et maintenir ce verrou anti-terroriste au cœur de l’Afrique centrale ?  Les candidats se pressent en tout cas au portillon du Palais Rose à N’Djamena. Depuis la mort en 2007 à Courbevoie dans des circonstances troubles de Brahim, son trublion fils préféré issu de son premier mariage et surnommé « petit président », Idriss Deby pense sérieusement à organiser sa postérité. Ce terrible événement a fait monter Zakaria Idriss dans l’estime paternel. Formé à Tunis en relations internationales après des études au Collège Sacré-Cœur de N’Djamena, Zakaria Idriss est promu en 2012 au poste de directeur Adjoint du Cabinet civil à la Présidence. Auparavant en 2010, ce jeune homme à la trentaine entamée, avait été porté à la tête de la Touma Air Tchad, compagnie aérienne nationale qui coula deux ans après l’arrivée de Deby fils. Suffisant en tout cas pour certains qui y voient la preuve de l’incompétence de Zakaria à succéder à son père. Décrit comme très discret, le jeune garçon parle peu et écoute beaucoup. Moins encombrant que « petit président » qui faisait trembler les ministres, Zakaria Deby cultive ses réseaux à l’ombre de son père qui le traîne presque toujours dans ses bagages comme conseiller. Zakaria n’en reste pas moins sournois puisqu’il use de politique comme levier pour ses ambitions : il est le parrain du Mouvement Patriotique du Salut (au pouvoir). Deby fils joue aussi la carte communautaire en courtisant les Zaghawa, la tribu de sa mère qui cultive déjà ses alliances dans la perspective d’une lutte de succession si le paternel venait à trépasser. Mais l’appétence de Zakaria pour le pouvoir pourrait trouver un frein face à un rival de taille. Prêt à usurper sa place, son frère Mahamat Deby, est le dauphin masqué dans cette lutte de pouvoir. A 34 ans, ce général de gallon surnommé « Kaka » (grand-mère) pour avoir été élevé par la mère d’Idriss Deby, aurait la préférence du clan par droit d’aînesse. Formé au Groupement des écoles militaires interarmées du Tchad, Mahamat devient en 2013, commandant en second des Forces armées tchadiennes en intervention au Mali (Fatim). Une nomination de façade. Dans les faits, c’est lui qui dirige les forces tchadiennes dans la lutte antiterroriste au Mali. C’est en réalité, pour se tailler un costume de guerrier au combat, puisque Kaka prendra plus tard les rênes de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE), la garde prétorienne chargée de la sécurité des hautes personnalités étatiques, mais aussi de la surveillance de la fidélité au père. De son fauteuil de Première dame, l’ambitieuse Hinda Deby, l’épouse du chef de l’Etat observe tactiquement tous les mouvements des « frères-princes » et leurs ramifications. Se prépare-t-elle à succéder à son mari ou à peser sur l’issue de cette lutte ? il faudrait peut-être poser la question à Daoussa Deby, le frère d’Idriss Deby, magnat tout puissant dans le carburant et le BTP, qui n’a peut-être pas enterré toutes ses ambitions.

4- Hafedh Caïd Essebsi [Tunisie]: L'héritier familial qui veut monter en politique

 

4- Hafedh Caïd Essebsi [Tunisie]: L’héritier familial qui veut monter en politique

Coup de tonnerre dans le ciel politique tunisien ce 23 janvier 2017 : via un communiqué lapidaire, le parti Nidaa Tounes annonce la radiation son directeur exécutif. L’homme qui venait ainsi d’être éconduit n’est autre que Hafedh Caïd Essebsi, …le fils du président de Tunisie et par ailleurs fondateur de ce parti. Ce fait d’arme retentissant signe-t-il la fin d’un quasi inconnu qui s’est appuyé sur son patronyme pour monter en tête de l’affiche de Nidaa Tounes au point d’y dicter les règles ? Ce ne serait qu’une lecture superficielle. La radiation du fils du président est le véritable déclenchement de la guerre de succession de Beji Caïd Essebsi, le nonagénaire président de la Tunisie avec en toile de fond, la présidentielle de 2019. A 55 ans, Hafedh Caïd Essebsi, surnommé « W » en référence à l’ex-président américain George Bush fils pour avoir été couvé par le népotisme filiale de son père, a connu une ascension fulgurante. Le seul fait d’arme politique de « W » est un bref passage en 1988 au Parti social libéral. Inconnu au bataillon politique, le fils Essebsi est plutôt un homme d’affaires aguerri qui dirigea la société Méditerranée Plastique et possédait un business florissant dans la vente d’alcool. Qu’est-ce-qui a enivré Hafedh Caïd Essebsi au point de quitter le monde des affaires pour une entrée fracassante en politique ? Lorsque Béji Caïd Essebsi lance Nidaa Tounes (« L’Appel de la Tunisie ») en 2012 dans une Tunisie post Ben Ali, le fils qui avait des accointances avec des proches du gendre de l’ex-président, est absent du tableau des membres fondateurs. Adoubé par son père, le fils est le coordonnateur de 4 sections régionales du comité exécutif du parti avant d’organiser sans élection, un hold-up antidémocratique pour se porter à la tête d’un nouveau comité de direction national, écartant ainsi ceux qui voudraient lui faire de l’ombre. Au point de plonger son parti dans une crise dans laquelle elle se débat depuis plus de 2 ans. Taiseux de nature non sans inspecter les stratégies de positionnement de ses détracteurs et les ambitions de ses concurrents, Essebsi Fils affûte ses réseaux et soigne son image ternie par son appétence à vouloir tenir seul le parti de son père. De son paternel, le fils aîné du président ne revendique pas l’héritage familial mais politique. Ce père de deux enfants dont un porte le nom de Béji, ambitionne bien d’évincer des personnalités majeures comme Mohsen Marzouk ou encore Taïeb Baccouche. Pour envisager de s’asseoir sur le fauteuil aujourd’hui occuper par son père, Hafedh doit déjà revenir dans le jeu politique dont il vient d’être prestement écarté par son propre parti en pleine préparation des prochaines élections de 2019. Mais, « petit président », réputé tenace en feignant d’être capricieux, a-t-il dit son dernier mot ?

 

 

 

 

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