iGFM –Dans cette interview express, enregistrée à partir de 4 heures 25 minutes du matin, dans son véhicule aussitôt après la clôture du Festival «Salam», samedi dernier, le Président directeur général du Groupe Futurs Médias (Gfm), Youssou Ndour, par ailleurs, ministre conseiller du chef de l’Etat Macky Sall, revient dans cet entretien sur les raisons profondes qui l’ont poussé à initier ce festival. Après cinq spectacles produits dans plusieurs localités du pays, la star planétaire se dit satisfait de la qualité de l’organisation. Dans détours, il livre les plus petits secrets de l’évènement et tire le bilan : le budget, le parrainage, la mobilisation, les perspectives…
Vous venez d’assister à la clôture de la premièreédition du Festival «Salam», quel sentiment vous anime?
Je suis comblé de joie, vu l’adhésion populaire autour de ce Festival. Je suis ravi du professionnalisme des chanteurs, de tous les participants et de l’engouement que cela a suscité, surtout en ce mois béni de Ramadan. Je suis comblé et je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que je ressens. En tout cas, je suis très content, Dieu merci.
Sur scène, beaucoup d’artistes ont témoigné que l’organisation de ce festival est une promesse que vous avez tenue. Mais qu’est-ce qui a véritablement poussé Monsieur Youssou Ndour à initier le Festival «Salam»?
C’est vrai, ils ont raison de témoigner que c’est une promesse que je leur avais faite, mais la matérialisation de ce Festival, c’est toute une histoire. D’abord, quand j’étais enfant, là où j’habitais à la Médina avec ma grand-mère, il y avait un lieu où se déroulaient énormément de chants religieux, avec des «Tabala» (gros tambours) et autres instruments. On trouvait du plaisir à y assister et j’ai grandi avec cette passion. La deuxième chose, c’est toute une histoire, la question qui, un jour, m’a poussé à créer l’album «Sant». «Youssou, pourquoi vous ne travaillez pas pendant le mois de Ramadan?» Je lui ai rétorqué que c’est naturel, sans pour autant vider cette question de Sidy dans mon esprit. Elle revenait tout temps avec le mois béni de Ramadan, sans que je ne trouve la réponse exacte. D’ailleurs, c’est ce qui m’a inspiré à sortir l’album «Sant» pour le mois de ramadan. C’était déjà un début de réponse à la question de Sidy Lamine. Mais, à la naissance de la Télévision futurs médias (Tfm), j’ai créé personnellement l’émission «Na Bir», avec Mamadou Mbaye Garmy. Cette émission devait donner la possibilité à ces grands chanteurs qui célèbrent en permanence le Prophète (Psl) et nos guides religieux, d’être vus, de bénéficier d’une plus grande visibilité à travers l’opinion, nationale et internationale. Ensuite, avant de devenir ministre de la Culture, je les ai rencontrés pour leur faire comprendre que je souhaitais valoriser le trésor qu’ils détenaient. Parce que c’est la foi, mais aussi, au plan professionnel, ce genre musical avait beaucoup de chances de prospérer sur le plan international. Quelque temps après, je suis devenu ministre de la Culture et à l’occasion d’une rencontre au Grand Théâtre, j’ai instruit la directrice, Youma, d’ouvrir ce joyau à tous les artistes. Puisque le Grand Théâtre n’était pas seulement destiné à promouvoir la musique philharmonique. C’est ainsi que c’est parti avec la Tfm, qui a commencé à dérouler l’initiative depuis longtemps. Mais cette année, les choses ont pris de l’ampleur et j’ai suggéré qu’on structure cela autour d’un Festival. C’est ainsi qu’est né le Festival «Salam», que nous comptons pérenniser.
Ce Festival est-il une réponse à ceux qui croient que l’Islam est une religion de terreur ?
Tous les musulmans, nous devons utiliser tous les moyens pour montrer et dire non à ces gens-là qui ont des idées arrêtées sur la religion et qui estiment que l’Islam est synonyme de terreur. Il faut qu’on communique par tous les moyens pour leur montrer le contraire et leur faire comprendre que la formule la plus connue en Islam : «As salamou Alleykoum» (que la paix soit avec vous) et que «Salam», signifie la paix, au-delà une paix qui transcende toute appartenance. Donc, nous devons travailler à montrer aux Occidentaux que l’Islam est loin des images négatives, comme ils le croient. Autre chose : aujourd’hui, le Sénégal peut compter sur la valorisation et la présentation de l’Islam. Puisque de ce point de vue, nous avons une originalité, avec les confréries religieuses, qui mènent toutes vers Dieu. C’est une diversité extraordinaire, qui mène sur la même voie et culturellement, c’est une chose importante qu’il faut valoriser. C’est dans ce cadre que le Sénégal peut participer à résoudre ce qui se passe à travers le monde, en mettant sur la table une chose concrète capable de prouver que l’Islam est une religion de paix et non le contraire, comme veulent nous le faire comprendre d’autres.
«Il s’agit essentiellement d’une action où je ne recherche aucune autre rétribution que la face de Dieu «Defal Yalla» et l’agrément du Sceau des prophètes»
Quelle est finalité du «Festival Salam» ?
Il y a une philosophie autour de ce festival. Il s’agit essentiellement d’une action où je ne recherche aucune autre rétribution que la face de Dieu «Defal Yalla» et l’agrément du Sceau des prophètes. En résumé, c’est une sorte de Festival d’action de grâce. C’est cela avant tout. Nous ne sommes dans aucune logique mercantile. Bien au contraire. Tout ce qu’on essaie de faire, c’est réussir le défi de la participation effective. Nous n’avons qu’un seul objectif : l’agrément de la Ummah, et la grâce de Dieu.
Parlons maintenant du budget ?
Nous avons dépensé 58 millions 665 mille FCfa dans ce festival. Dans ce budget, il y a une partie technique très importante et une autre partie qui a été dégagée pour payer les artistes. En réalité, il ne s’agit pas de paiement des prestations, mais d’intéressement ou de contribution pour le transport. Mais dans l’avenir, nous comptons revoir cela à la hausse. Il faut aussi ajouter à cela la prise en charge des voyages. Il y a des gens qui sont venus de l’extérieur et nous avons aussi mobilisé beaucoup de monde pour les aspects techniques. Presque 120 personnes, des bénévoles et d’autres, payés par les différentes structures impliquées, ont travaillé sur l’évènement. C’est l’occasion de féliciter et de remercier le Directeur de la Télé futurs médias (Tfm) et toute son équipe. Je n’ai pas l’habitude de féliciter mes jeunes frères, mais Ndiaga Ndour s’est vraiment donné à fond pour assurer les spectacles et la retransmission. Je les remercie tous, ainsi que tous les animateurs religieux, avec à leur tête, Abdou Aziz Mbaye, le coordonnateur du festival. Ils ont fait un excellent travail.
Comment le budget pour le festival a-t-il été mobilisé ?
Cela me permet de revenir à la philosophie du festival. Je l’ai pris en charge et c’est une manière pour moi de rendre grâce à Dieu et de partager ce qu’Il m’a offert. J’ai entièrement pris en charge le budget, avec quelques soutiens, notamment le Crédit mutuel du Sénégal, qui a donné 2 millions FCfa et d’autres personnes qui ont fait des contributions, comprises entre 200 et 500 000 FCfa.
«J’ai entièrement pris en charge le budget, avec quelques soutiens. Nous avons dépensé 58 millions 665 mille FCfa»
Quel a été l’apport des parrains, Macky Sall et le roi Mohamed VI ?
D’abord, ils ont donné leurs noms (à titre symbolique et statutaire), c’est une chose extrêmement importante. Avant de choisir un parrain, je vais d’abord le voir, ensuite je lui écris pour demander sa permission. Le Président Macky Sall nous a répondu par écrit, pour dire qu’il était d’accord et heureux d’être notre parrain, de même que Sa majesté le Roi Mohamed VI. Maintenant, je dois leur prouver la réalité et l’importance de ce festival, tout en les maintenant comme parrains d’honneur de ce festival. A vie. Il y aura d’autres parrains, mais eux, seront les parrains d’honneur. Je leur demande d’appuyer cette culture (islamique) et ce festival, pour que ceux qui s’activent dans ce milieu bénéficient d’un peu plus de moyens. Mais les parrains n’ont pas été choisis pour supporter le financement du festival.
Pourquoi faire d’eux les parrains à vie du festival ?
Ce festival symbolise l’amitié entre le Maroc et le Sénégal, l’idée m’est venue de Fès. A l’époque, c’est Idrissa Seck qui était là. Il était très intéressé et a pu participer, d’une certaine manière, à la réussite du festival à Thiès. L’idée m’est venue à Fès (Maroc), et elle s’est concrétisée cette année. L’amitié entre les deux pays est symbolisée aujourd’hui par le Président Macky Sall et le roi Mohamed VI, voilà pourquoi j’ai choisi ces deux personnalités. Mais ça n’empêche pas qu’il y ait d’autres parrains pour les prochaines éditions.
Vous pensez déjà à quelles personnalités pour parrainer la prochaine édition ?
Nous allons d’abord évaluer cette première édition, faire le point, mettre en place un comité d’organisation et ensuite, commencer à travailler. Le choix va venir de ce comité.
Combien d’artistes se sont produits lors de ce festival ?
Chaque fois qu’un leader est sur scène, il est au moins accompagné de 25 personnes. Ce qui fait entre 300 et 400 accompagnants et une cinquantaine de vedettes. Cela veut dire qu’économiquement, le festival a fait bouger beaucoup choses, du vendeur d’eau au transporteur. Je trouve que c’est quelque chose de très important, qu’il ne faut pas négliger.
Vous voulez donner au Festival une dimension mondiale, est-ce qu’il y a un projet autour de ça ?
Nous avons la visite d’éminents professeurs venant des Etats-Unis, qui sont intéressés par ce Festival dans leurs travaux académiques. Ces Universités américaines sont prêtes à accueillir des festivaliers d’ici un ou deux ans, pour des échanges culturels. Donc ce festival suscite déjà un intérêt sur le plan international. A travers mon expérience et mes réseaux, je peux dire, sans risque de me tromper, que ce Festival ira très loin car ça intéresse beaucoup de gens, aussi bien pour son originalité musicale que pour les messages véhiculés, notamment à travers les poèmes panégyriques en l’honneur du Prophète (Psl) et des guides religieux sénégalais.
«Ces Universités américaines sont prêtes à accueillir des festivaliers d’ici un ou deux ans, pour des échanges culturels»
Est-ce qu’il y a déjà des partenaires qui se sont manifestés sur le plan international ?
Beaucoup de partenaires ont manifesté leur volonté de contribuer au Festival. L’engouement que cela a suscité nous a même surpris.
D’après vous, qu’est-ce qui explique la forte mobilisation et l’engouement autour du Festival, qui en est à sa première édition ?
C’est la foi. C’est également une philosophie que chacun a pour manifester son degré d’implication, mais aussi les appartenances confrériques. Je pense aussi que les gens avaient besoin de revivre ces moments de communion. La question de Sidy Lamine Niass est restée gravée dans mon esprit, elle m’a marquée. Physiquement, durant le ramadan, les gens sont fatigués et ont besoin de se libérer le soir et les week-ends. C’est pourquoi je pense que le moment est bien choisi pour permettre à tout le monde de continuer à vivre sa joie.
«Mon engament personnel, c’est de valoriser la culture sénégalaise sous toutes ses facettes et dans toute sa diversité»
Vous avez parlé des guides religieux, mais comment comptez-vous les impliquer pour les prochaines éditions ?
D’abord, je remercie les guides religieux et tous les marabouts qui m’ont manifesté leur sympathie pour la réussite de cette première édition. Nous avons aussi reçu les félicitations de l’ambassadeur du Sénégal, Abdou Lahat Mbacké. C’est vous dire qu’il y a une cohésion extraordinaire autour de ce Festival car la paix est une chose capitale dans le développement d’une nation. Maintenant, après le bilan, nous allons visiter les guides religieux pour les informer davantage du projet, recueillir leurs suggestions et solliciter leurs prières pour une meilleure organisation. Puisque nous voulons que le «Festival Salam» soit le miroir de la religion musulmane ici au Sénégal, avec ses réalités, sa diversité etc. Il y a un rôle qui m’incombe, c’est de faire en sorte que le pays vive un équilibre à travers la culture. Mon engament personnel, c’est de valoriser la culture sénégalaise sous toutes ses facettes et dans toute sa diversité. Car la culture doit être la base du développement.
Est-ce que vous pensez mettre en place une structure permanente qui va gérer ce projet ?
Personnellement, c’est mon choix, mais comme il y a beaucoup de gens qui ont participé à l’organisation, il faut qu’on en discute pour trouver la meilleure formule. Ce Festival doit disposer de cette structure pour lui donner un cachet économique. Le Festival doit avoir un volet économique, comme cela se passe ailleurs dans le monde.
Comme développer le tourisme culturel…
Oui, c’est ça. Les Américains qui sont venus au Sénégal, ont effectué des visités dans les capitales religieuses, comme Touba, Ndiassane, Yoff, Medina Mbaye, Tivaouane, … Cela n’est pas à négliger.
Est-ce qu’on peut s’attendre à un jumelage entre le Festival «Salam» de Dakar et celui du Fez au Maroc ?
Il faut bien comprendre que le Festival des Musiques sacrées de Fez intègre d’autres religions et je trouve cela très original. Nous, au Sénégal, le Festival « Salam » est centré sur la religion musulmane : l’Islam. Il y a une possibilité de jumelage entre ces deux événements. Je connais bien les organisateurs du Festival de Fez, qui ont beaucoup apprécié le Festival « Salam » de Dakar. Pour des questions techniques et en termes d’expérience, nous aurons besoin de leur expertise et voir ce qu’on peut faire ensemble. Mais nous allons garder notre originalité, c’est la promotion de la diversité dans notre religion.
Pour la première édition, seule la ville de Thiès a accueilli un spectacle, peut-on s’attendre à une décentralisation dans les autres régions ?
Oui, nous l’envisageons. Nous avons reçu énormément d’appels de maires, de présidents de Conseil départemental, d’autorités…, qui souhaitent que le Festival se produise dans leur ville. Le Festival va se produire un peu partout dans le pays, mais nous voulons respecter une démarche basée sur l’équilibre. Donc, je demande à toutes ces autorités de se joindre à nous et qu’on s’organise pour que ce Festival ait d’abord un très grand succès national. Mais il faut que ces autorités soient aussi prêtes à accueillir le Festival, par leur capacité de mobilisation et d’organisation. Je rappelle que les valeurs portées par le Festival pourront aider le Sénégal sur la scène internationale.
Le Festival s’est déroulé dans différentes localités du pays, du 2 au 11 juillet, est-ce que l’organisation a répondu à vos attentes ?
Je suis très satisfait de l’organisation, je suis même impressionné des spectacles et des chanteurs qui se sont produits. C’est pourquoi je tiens à remercier les organisateurs, le coordonnateur et tous les participants. Je pense que la première édition a bien réussi, mais on attend de faire le bilan pour voir. D’ailleurs, on tiendra un point dans ce cadre et juste après, nous allons institutionnaliser le Festival, pour lui donner une dimension mondiale et l’inscrire dans l’agenda culturel du Sénégal. Nous mettrons en place un comité d’organisation, qui va déjà commencer à travailler pour la prochaine édition. Puisque nous avons beaucoup de contacts à l’étranger, de gens qui sont intéressés par le Festival. Donc on peut s’attendre, l’année prochaine, à une plus grande participation de pays de la sous région. C’est pourquoi j’invite tout le monde à apporter sa pierre à l’édifice.
Quel appel lancez-vous ?
Je veux que les artistes qui se sont spécialisés dans les chants panégyriques dédiés au Prophète (Psl) et les guides religieux, soient assistés et accompagnés. Car à travers eux, on peut faire passer énormément de messages et ces concerts le prouvent suffisamment. Durant ces moments de retrouvailles à Dakar et Thiès, il n’y a eu pas de casses, les gens sont restés polis et ont écouté religieusement les messages véhiculés. Maintenant, 2015 est derrière nous, vive 2016 ! Nous appelons à l’union des cœurs de tous les musulmans et prions pour que Allah (Swt) nous préserve de la trahison et nous protège contre les actions des ennemis et nous élève au-dessus de toute passion. Qu’Il renforce notre foi, toujours éclairée par la lumière du Prophète Mouhamed (Psl), par Sa grâce.