L’ambassadeur russe à Ankara Andreï Karlov, a été abattu de plusieurs balles alors qu’il prononçait une allocution lors de l’inauguration d’une exposition d’art dans la capitale turque. Cet attentat est survenu à un moment où les relations turco-russes se réchauffent depuis plusieurs mois, après une grave crise diplomatique née de la destruction en novembre 2015 par l’aviation turque d’un avion militaire russe au-dessus de la frontière syro-turque.
C’est en effet à la faveur d’un accord de cessez-le-feu parrainé par la Turquie et la Russie qu’en Syrie, les quartiers de l’est d’Alep, qui étaient tenus par les rebelles, sont peu à peu évacués depuis jeudi. La Russie est le principal allié du régime syrien, qui est en passe de reprendre Alep, alors que la Turquie soutient les rebelles qui cherchent à le renverser.
Signe de cette volonté de maintenir le dialogue, un groupe de dix-huit enquêteurs, agents des services secrets et diplomates russes était en route mardi pour la Turquie afin d’enquêter sur l’assassinat. «Le groupe opérera en Turquie dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de l’ambassadeur de Russie Andreï Karlov, conformément à l’accord trouvé entre les présidents russe et turc lors de leur conversation téléphonique», lundi soir, a indiqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Les premières réactions à la suite de cet attentat n’ont pas semblé marquer de refroidissement dans les relations entre Moscou et Ankara. Dans des déclarations séparées, les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et russe Vladimir Poutine ont qualifié cet assassinat de «provocation» visant à torpiller la normalisation entre les deux pays. Ils s’étaient parlé au téléphone peu après l’attaque.
«Il se peut que l’objectif des terroristes était de se venger de la Russie pour ses actes en Syrie et faire échouer le rapprochement russo-turc», écrit ce mardi le quotidien russe Kommersant. «Mais compte tenu des premières déclarations des responsables des deux pays, cet objectif ne s’est pas réalisé», souligne-t-il, rappelant que le chef de la diplomatie turque n’a pas annulé sa visite à Moscou où il doit s’entretenir mardi de la situation en Syrie avec ses homologues russe et iranien.
Même son de cloche chez le journal économique RBK, qui estime «peu probable que cet assassinat aboutisse à une nouvelle détérioration des relations» entre Moscou et Ankara. «La Russie et la Turquie ont déjà déclaré que cette tragédie n’avait fait que les unir», rappelle pour sa part le quotidien en ligne Gazeta.ru.
Les observateurs ne croient pas que l’assassinat d’Andréï Karlov puisse affecter le dialogue russo-turc. «Je ne crois pas qu’il y ait de conséquence considérable (ndlr. sur les relations entre les deux pays), mais sur un plan symbolique, ça montre que ce qui se passe à Alep ne passe pas auprès d’une partie de la population musulmane», a estimé Dominique Moïsi, conseiller spécial de l’Institut Montaigne, un think tank basé à Paris.
De son côté, Aykan Erdemir, de la Fondation pour la Défense de la démocratie basée à Washington, estime qu’Ankara «marche sur la corde raide en tentant de trouver un modus vivendi avec la Russie en Syrie», alors que les partisans du parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP, voient d’un mauvais oeil le soutien apporté par Moscou au régime du président Assad. «Quand on voit les manifestations à Istanbul contre la Russie et l’Iran et en soutien à Alep, on voit que les partisans zélés de l’AKP y sont», explique-t-il.
Par ailleurs, ce mardi, un homme a ouvert le feu devant l’entrée de l’ambassade américaine à Ankara sans faire de victime, a indiqué la chancellerie, annonçant que toutes les représentations diplomatiques des Etats-Unis en Turquie seraient fermées pour la journée. L’incident s’est produit à 03H50 (1h50 heure française) devant l’entrée principale de l’ambassade et l’auteur des tirs a été arrêté par la police, a précisé la représentation diplomatique dans un communiqué.
Les réactions dans le monde : Donald Trump se distingue encore
A la suite de l’assassinat de l’ambassadeur russe à Ankara, ls Etats-Unis ont condamné «cet acte de violence, quelle qu’en soit l’origine» et le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon «un acte terroriste insensé». La responsable de la diplomatie de l’Union européenne Federica Mogherini s’est dite «profondément choquée»t, tandis que le président français François Hollande l’a condamné «avec force». Par ailleurs, la Syrie, où la Russie apporte un soutien militaire crucial au régime du président Bachar al-Assad, a condamné un «crime abominable»
Quant au président élu des Etats-Unis Donald Trump, il s’est distingué en voyant dans cet assassinat et dans l’attaque du marché de Noël à Berlin, avant toute confirmation officielle, la marque d’un «terroriste islamique radical». «Aujourd’hui, il y a eu des attaques terroristes en Turquie, en Suisse et en Allemagne, et cela ne fait qu’empirer. Le monde civilisé doit changer sa façon de penser !», a-t-il résumé dans un tweet.