Après l’effervescence du scrutin et de la fête qui a suivi l’élection d’Adama Barrow, les rues des villes de Gambie ont retrouvé leur calme, comme ici à Serekunda.
Mais où est donc passé Yahya Jammeh ? En Gambie, plus de nouvelles du président sortant, depuis qu’il a reconnu sa défaite avant-hier, vendredi 2 décembre. Après les manifestations de joie, on s’interroge alors que le nouveau président Adama Barrow a débuté ses consultations et que le pays prépare son avenir.
Depuis sa dernière allocution diffusée vendredi soir, mais enregistrée plus tôt dans la journée, dans laquelle il a reconnu sa défaite, Yahya Jammeh est silencieux, invisible même. Et son image est également en train d’être effacée. Si les billets de banque sont toujours à son effigie – on ne change pas la monnaie en claquant des doigts – les photos quasi-obligatoires dans les boutiques, les affiches géantes de l’ex-président à l’ego surdimensionné, ont été décrochées, enlevées.
Aladji, un jeune chauffeur de taxi, a lui-même arraché ces photos : « En Gambie, il y a quelques jours, il y avait des photos de l’ancien président Yahya Jammeh partout, car il avait fait de ce pays le sien. Mais tout a changé. Le peuple a pris le pouvoir. Et on a décidé d’enlever toutes ces images ici à Banjul, mais aussi dans tout le pays. »
Yahya Jammeh est-il encore à la présidence au cœur de Banjul ? C’est une possibilité et c’est ce qu’affirment des proches du président élu Adama Barrow. La présence massive de militaires dans la zone laisse supposer que c’est une possibilité. Autre option : l’ex-président pourrait également être dans son village natal, à Kanilai. Il y a fait construire un immense complexe ultra-sécurisé. S’il reste invisible, Yahya Jammeh est par contre dans toutes les discussions.
Quelle justice pour la Gambie post-Jammeh ?
RFI a rencontré il y a quelques minutes l’épouse d’Ousseynou Darbo, le leader de l’UDP, principal parti d’opposition qui est désormais au pouvoir. Celui-ci est en prison actuellement, et sa femme attend désormais sa libération. Elle demande aussi que Yahya Jammeh réponde de ses crimes :
« Je n’ai pas pleuré. Mais je ne pouvais pas imager que c’était le Yahya Jammeh que je connais : arrogant, boudeur, malpoli ! Donc, c’était juste un rêve pour moi. J’avais du mal à croire ce que je voyais à l’écran. Maintenant, c’est à Adama Barrow de décider. Mais à mon avis, Yahya Jammeh doit être reconnu responsable de ce qu’il a fait, notamment des crimes qu’il a commis. »
Durant vingt-deux ans, Yahya Jammeh a contrôlé le système judiciaire. Ousseynou Darbo a été condamné à trois ans de prison en juillet dernier. Hasard du calendrier, son procès en appel est prévu demain, lundi 5 décembre. Le verdict, le premier sous l’ère Adama Barrow, permettra de voir si la Gambie est réellement en train de retrouver sa démocratie.