Lors du dernier scrutin en 2011, il se disait prêt à diriger la Gambie pendant « un milliard d’années », si Dieu le voulait. Le président Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 22 ans, est donc de nouveau en lice pour un autre mandat de cinq ans lors du scrutin de jeudi prochain. La campagne électorale s’achève ce soir et pour l’opposition, elle a été l’une des rares occasions de s’exprimer, de critiquer le président.
Suivre un meeting du président, c’est une expérience assez surréaliste.
Alors qu’une fanfare joue l’hymne national, Yahya Jammeh arrive dans le village de Sukuta, dans la grande banlieue de Banjul, vers 22H30. Tout sourire, son désormais célèbre coran à la main, tel un prophète qui galvanise la foule, femmes, hommes, enfants, vieux.
Assis sur un canapé en simili cuir marron, des centaines de partisans telle une cour royale viennent saluer leur chef. Ensuite, Yahya Jammeh a accepté que les journalistes de la presse étrangère posent quelques questions, lui demandant pourquoi une fois de plus, les Gambiens doivent voter pour lui : « Parce que j’ai sorti la Gambie de l’âge de pierre, et j’en ai fait un pays moderne. Mais je ne suis pas en campagne. Est-ce que vous m’avez vu appeler quelqu’un à voter pour moi ? Je ne veux pas d’un vote sur des critères ethniques et je dis aux gens de voter pour qui ils veulent. »
Une opposition combative
Ce même soir, avec trois ampoules, des sonos fatiguées, le candidat de l’oppositionbattait aussi campagne. Adama Barrow a la très lourde charge d’affronter Yahya Jammeh. Dans un pays où l’opposition est bâillonnée, avec un Etat qui contrôle tout, il a affirmé qu’il n’avait pas peur de celui qui tient le pays depuis 22 ans : « Non, je n’ai pas peur de lui. Il est Gambien, comme moi. Nous sommes en lutte pour la présidence et j’ai de très bonnes chances. »
Et c’est sans doute cela la grande nouveauté, ceux qui s’opposent à Yahya Jammeh n’ont pas peur, et n’ont plus peur de s’exprimer. Comme si ces quinze jours de campagne électorale étaient une fenêtre ouverte, le droit en effet de critiquer le président, sans se cacher, de brandir par exemple un carton rouge en criant « Jammeh, dehors » ou de dire haut et fort que l’on souhaite vivre dans un pays démocratique : « Nous souffrons depuis 22 ans. Nous n’avons pas de liberté en Gambie et nous voulons la liberté. »
One Love, célèbre titre de Bob Marley, sera donc encore joué jusqu’à ce soir dans les meetings de l’opposition. Le score d’Adama Barrow permettra aussi de voir le niveau de la contestation contre Yahya Jammeh. Reste une grande inconnue : personne ne sait aujourd’hui comment le président de la Gambie réagira à toutes ces critiques.