L’OBS – Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni qui s’est ouvert sans détours dans une interview exclusive à L’Obs, parle du «Magal» dans sa ville natale à Thiès, de son nouvel ouvrage, ses rapports avec Macky Sall, du terrorisme, de la peine de mort, entre autres questions de l’actualité…
Qu’est-ce qui explique le choix de célébrer le Magal à Thiès ?
L’organisation du Magal à Thiès est une manifestation du concept «Bamba fëpp», mais aussi «Magal partout». Ce n’est pas une révolution, mais une innovation sur la forme. Touba demeure la capitale du Mouridisme. Le mot Touba vient d’un arbre du Paradis. Lequel ne se dessèche jamais. Touba reste alors la capitale du «Magal» qui s’y perpétue depuis toujours. Le Magal est donc un évènement mondial. Il se célèbre partout à travers le monde. Mon jeune frère est à Darou. Mon fils aîné, Serigne Ousmane, à Touba. Moi, je le célèbre à Thiès. Pourquoi alors Thiès ? L’année dernière, certains pèlerins n’ont pu arriver à Touba, parce qu’il y avait un embouteillage jusqu’à Diourbel. Ils ont dû rebrousser chemin. C’est pourquoi nous avons imaginé célébrer le Magal un peu partout à Touba Chine, Touba Japon et Touba Thiès. Mais, Touba reste le centre du Magal. Comme le dit Serigne Moustapha Saliou, tous ceux qui vont à Touba cherchent l’agrément de Dieu. Je cherche à rependre cette félicité sur les fidèles qui ne vont pas à Touba.
Pourquoi avoir choisi Thiès, alors que vous auriez pu le faire à Dakar ou à Diourbel ?
Je suis né à Thiès. J’ai grandi à Thiès. Thiès est ma ville. Thiès est aussi un carrefour, un centre situé à moins de 70 kilomètres de Dakar. Pour cette édition, j’ai commencé par ma ville natale. Peut-être, pour les autres éditions, les fidèles pourront choisir une autre ville. Mais cela ne veut pas dire que j’y serai forcément. Notre objectif, c’est de perpétuer le concept «Bamba fëpp», «Bamba partout». C’est maintenant «Magal partout».
Quel message donnez-vous aux fidèles ?
Que chacun aime son prochain. Qu’on ne soit pas envieux. Qu’on souhaite la paix et tout le bonheur du monde à notre prochain. La jalousie, la haine, l’égoïsme sont des maux à combattre. Il faut que les musulmans s’approprient les recommandations de Cheikh Ahmadou Bamba. Qui veut que le «Magal» soit une journée de félicité et de remerciement à l’encontre de notre Seigneur. Nous devons avoir la générosité, après avoir magnifié Dieu, de remercier aussi Cheikh Ahmadou Bamba qui est l’initiateur de cette journée. C’est pourquoi dès le début du 18 Safar, tous les jours, je lui dédie un poème. Il y a 3 catégories de mourides : l’aspirant, l’aspirant véridique et l’aspirant intelligent. Serigne Touba montre la voie à l’aspirant intelligent. Ce dernier guide les deux autres. Serigne Touba nous enseigne que la paix découle des bonnes intentions et des bonnes actions. Celui qui veut avoir la paix, c’est celui qui est sur le droit chemin.
Pensez-vous que les gens sont sur la bonne voie ?
Dieu ne nous a pas envoyés sur terre pour échouer dans nos missions. Dieu a tracé le chemin que nous devons suivre. Malheureusement, c’est l’homme qui a quitté ce chemin. Ce qui fait qu’il échoue dans ses entreprises. Il oublie Dieu. Et Serigne Moustapha Sy dit souvent : «Dès qu’on oublie de dire ‘’Bismilahi’’, Satan arrive.» Les gens sont libres de choisir leurs voies. Dieu ne guide pas nos pas. Parce qu’Il avait fait ce pacte avec Satan qui s’est engagé à remplir l’enfer. Toutefois, Dieu promet le Paradis à ceux qui suivent la voie qu’IL a tracée.
Cela justifie-t-il ces meurtres tous azimut au Sénégal et ailleurs ?
Certains meurtriers sont tout juste des malades mentaux. D’autres sont naturellement des malfrats, de véritables bandits. D’autres encore n’ont recours qu’à la violence pour vivre.
«Par rapport à la peine de mort, Serigne Touba n’a jamais fait tuer ni fait couper un bras»
Les chefs religieux doivent participer à la sensibilisation pour que cela cesse. Mais, il faut dire que c’est Dieu qui peut guider l’homme à faire le bien. Tout ne peut pas être en ordre. Il y a toujours les deux faces de la vie : le bien et le mal. C’est ce qui fait l’équilibre de ce monde.
Partagez-vous l’avis de certains chefs religieux qui prônent la peine de mort au Sénégal ?
Je ne suis pas de cet avis. Serigne Touba n’a jamais recommandé qu’on tue quelqu’un, parce qu’il a tué ou qu’on coupe le bras de quelqu’un, parce qu’il a volé. Quand l’Islam prônait la peine de mort du temps du Prophète, c’était pour que cela serve d’avertissement. Le Coran ne dit pas que la peine de mort doit être instituée pour tous les temps. Nous nous en tenons aux recommandations de Serigne Touba qui n’a jamais défendu cette position. Qui n’a jamais fait tuer ni fait couper un bras.