C’est sans doute son plus beau rôle ! Celui du ministre de la République attaqué, pour n’avoir pas voulu rendre politique l’événement républicain des vacances citoyennes et s’être refusée à la logique partisane (un bon prétexte). La candeur révoltée des membres de la COJER et l’invitation adressée aux jeunesses des partis politiques du Senegal était dès lors touchante. Marieme Babou a sans doute ravi ceux qui, écœurés par le choix porté sur Thérèse Faye, applaudissent chaque fois qu’une voix s’élève pour en dénoncer la gestion, alors présenté comme clanique.
Le scénario servi par l’amie de Birame Faye a pourtant la qualité d’une série d’AB Production, du genre d’ »Hélène et les garçons », ou, pour les plus anciens, d’une mauvaise pièce de théâtre de boulevard. Car pour avoir été débauchée pour jouer ce rôle, elle a bien réussi au casting : Elle est de Fatick, manipulable et maniable elle peut servir de marionnette.
Elle connaissait pleinement les règles du jeu dans lequel elle avait plongé voici quelques temps. Ne manquent que les réactions préenregistrées ou suscitées du public de la Cojem. La réalité est tout autre. Mais pour l’apercevoir, il faut cesser de regarder la politique avec ces verres teintés de rose, qui la font apparaître comme le lieu de la confrontation d’idées et de projets menée par des individus désintéressés cherchant par leur investissement personnel l’accomplissement d’un projet collectif. En fait, il s’agit d’un groupe, avec leurs besoins matériels, leurs ambitions, leurs rêves d’ascension sociale et leur égo à satisfaire.
Bref, des personnes de chair et de sang, de peurs et de désirs. « L’intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé », écrivait La Rochefoucauld. Et il avait vu juste. La politique se présente dès lors comme une scène, où les rôles semblent comptés. Et cela d’autant plus que certains n’hésitent pas à les cumuler. Des gens viennent sous les projecteurs médiatiques, y restent le temps d’une scène, d’un acte ou d’une pièce. Ils ont droit à une réplique, une tirade, un échange ou plus, selon la volonté d’un metteur en scène. Et cela, Mariéme Babou a feint de l’oublier. Car si le jeu tolère certaines improvisations, quelques solos non concertés, il n’en reste pas moins sous la direction de ce démiurge dramaturge, le Président Sall, Il décide de la distribution des rôles et du destin de chacun des acteurs de la troupe. Dans la salle, le public apprécie selon ses humeurs, siffle ou applaudit, s’indigne ou s’émeut. Mais il n’a que rarement prise sur le déroulement de la pièce. Un spectacle dont chacun des acteurs veut être partie prenante. Sur la scène, chacun déclame son texte dans ce théâtre d’impro très codifié. En coulisses par contre, cela s’agite, se bouscule et se démène. Il n’y a pas place pour tous. Alors, tous les coups semblent permis, pour peu que cela ne se sache pas dans la salle. Et tant pis s’il faut pousser un tel ou une telle hors des murs du théâtre. L’épisode Marieme Babou, à ce titre, est révélateur de l’ambivalence de la politique, de sa nature à la fois policée et sauvage.
Sous les projecteurs, on déclame en termes châtiés. On fait dans la dentelle. En coulisses, les couteaux sont tirés, les lames affûtées et les scrupules remisés. Cela n’empêche pas les convictions, bien sûr. Mais derrière tout ce jeu de scène subtil se cache une autre réalité : la politique offre une trajectoire sociale à laquelle peu d’élus pourraient prétendre s’ils s’étaient investis dans un autre domaine de la vie professionnelle. Tel juriste n’aurait peut-être été qu’un avocat moyen ; tel universitaire n’aurait jamais atteint les faîtes de sa discipline.
Ils ont trouvé dans la politique un domaine où exploiter au mieux certaines de leurs qualités : la séduction, l’art de la parole et du paraître, l’opportunisme. Et d’ainsi monétiser cette prédisposition quasi naturelle à être sélectionnés. Ils ont, pour paraphraser Pierre Bourdieu, « le sens du jeu ». Et une autre de leurs « qualités » se révèle avec le temps : ils sont prêts à beaucoup de sacrifices, y compris celui de leurs rivaux, pour y arriver. En cela se révèle la nature profonde de cet art dans lequel ils excellent : avant tout, la politique est prédation. C’est ce décor que nous impose les détracteurs de l’ actuelle coordinatrice de la COJER.
Ismaila Badiane Responsable Cojer Thiaroye Sur Mer, Membre de la COJER nationale.