Ils tenaient, chacun, à accéder à la fonction, à répondre au titre de président de la République. A défaut, ces éternels faiseurs de roi sont devenus, avec le concours de Macky Sall, président de l’Assemblée nationale pour le premier, et président du Haut conseil des collectivités territoriales pour le second. L’essentiel est de se faire appeler «président», peu importe l’institution.
De Bss à Bby, une prolongation de la présidentielle
Leur difficile cohabitation aura d’abord entraîné le départ du premier, qui quitta le navire socialiste à la veille de la présidentielle de 2000. Un départ alors mis à contribution pour faire basculer le Parti socialiste (Ps) dans l’opposition, après la défaite de 2000, devant l’opposant Abdoulaye Wade que Niasse quitta peu après l’alternance, pour retrouver Ousmane Tanor Dieng dans l’opposition. Les voilà de nouveau ensemble à la traversée du désert de Benno Siggil Sénégaal (Bss). Objectif commun : faire partir Abdoulaye Wade à tout prix. Mais le procédé et la méthode divisent les deux éléphants, devenus de vieux renards qui n’ont cessé de se disputer la tête de l’opposition d’alors. Nul n’acceptant de se ranger derrière l’autre. Chacun, à la tête d’une frange de Benno, se présente à la présidentielle, multipliant ainsi par zéro, les chances de la coalition Bss d’être présente au second tour.
Macky, un président en «captivité»
En appelant chacun à voter pour le candidat le mieux placé face à Abdoulaye Wade, en 2012, Niasse et Tanor, pour une fois, parlent le même langage. Dans l’espoir de récolter, plus tard, les fruits politiques d’un soutien politique loin d’être désintéressé. Au gouvernement comme aux postes de directions, leurs expériences respectives «mackyllent» les manquements et faiblesses d’une formation politique embryonnaire, arrivée au pouvoir sans aucune connaissance solide de l’Etat. Alliés, ils pèseront plus que les membres du parti présidentiel, des novices en politique qui ont tout un mandat pour apprendre, pour prétendre assurer la relève, en cas de réélection de leur président. Car, une fois son second mandat sécurisé, Macky Sall n’aura plus besoin de s’encombrer de ces vieux politiciens qui le tiennent en «captivité», et qui auparavant, auront mis en veilleuse le devenir de leurs formations politiques respectives, au profit d’intérêts particuliers voire individuels.
Je te tiens, tu me tiens par la barbichette…
Les voilà donc aux côtés de Macky Sall. Un compagnonnage que l’Afp et le Ps paient cash. Velléités de contestation des choix de Moustapha Niasse, exclusions, démissions d’une part. Rébellion à l’endroit d’Ousmane Tanor Dieng, d’autre part. Les voix discordantes tentées de saper les termes de l’accord de non-agression, étouffées, réduites au silence. Exclus de l’Alliance des forces de progrès (Afp), poursuivis en justice pour le cas du Parti socialiste (Ps). Jadis unanimes pour faire partir Wade, Niasse et Tanor, comme en proie à un envoûtement, veulent peser de tout leur poids pour assurer à Macky Sall un second mandat.
Pacte de non-agression
En leur faisant signer un pacte de non-agression, Macky Sall, digne fils d’Abdoulaye Wade, fait d’une pierre deux coups. Il réduit au silence deux adversaires à la tête de formations politiques très expérimentées (au pouvoir comme dans l’opposition). Et raille de la liste de ses challengers à la présidentielle, deux concurrents aux appareils solides, dont les tirs groupés ont eu raison du pouvoir d’Abdoulaye Wade, en 2012. Faudrait-il toutefois relativiser les apports de Niasse et de Tanor, dans un contexte de recomposition politique marqué par un fort désir de changement à la fois à la tête de l’Etat et de certaines formations politiques conservatrices, qui ne connaissent pas l’alternance démocratique, depuis sa création pour l’Afp et depuis la défaite de 2000 pour le Ps.
Les chiens de garde à l’affût
Enfin, savourer le fromage placé dans leur bec par le président Macky Sall, revient, pour Niasse et Tanor à se livrer poings et mains liés à ce dernier qui a fini de les départager tout en les tenant en laisse. D’ailleurs, ils se tiennent tous en laisse. Les trois y trouvent leur compte et peu importe la contrepartie. N’empêche, Niasse et Tanor pour leur part, ont été neutralisés et mis hors d’état de nuire, temporairement.
Président de l’Assemblée nationale et président du Haut conseil des collectivités territoriales, les vieux chiens de garde restent tout de même les béquilles sur lequel repose le pouvoir chancelant de Macky Sall, qui a fait de d’eux, chacun, le président d’une institution de la République. Une reconnaissance du poids politique supposé, attribué aux éternels faiseurs de roi qu’ils sont. Après Niasse, le vieux renard de Nguéniène, à son tour, peut se dire, «enfin président !».