Tantôt saluée, tantôt décriée. La loi sur le retrait des enfants n’a pas laissé grand monde indifférent. Appliquée à ses débuts, elle semble en perte de vitesse, au grand dam des enfants dont une bonne partie est retournée dans la rue.
Sur le trottoir d’une rue de Dakar, on observe une scène assez banale : une femme assise par terre jouant avec ses deux fils, un garçon de deux ans et un bébé de huit mois. Teint clair, léger boubou marron sur les épaules, pagne noir ceint autour des reins, elle profite des embouteillages pour faire la manche auprès des automobilistes, le temps d’un feu rouge ou d’un stationnement. Une insouciance et un certain bonheur se lisent sur son visage. Peut-être le résultat d’un répit qu’elle vit, avec la diminution des arrestations de mendiants, dans le cadre de la mesure de retrait des enfants de la rue. Une politique du Gouvernement qui a fait couler beaucoup d’encre, depuis sa mise en œuvre, il y a quelques mois, mais qui, de plus en plus, semble s’essouffler. Des enfants mendiants étant encore visibles dans les artères de la capitale sénégalaise, la mesure manquant de suivi. «Jusqu’à une semaine après la fête de Korité, il y avait des rafles. Nous étions arrêtées avec nos enfants. Mais je dois dire que ce n’est plus le cas. Nous remarquons une certaine accalmie, ces dernières semaines», relève-t-elle. Une situation qui s’explique, selon le directeur des droits et protection des enfants, Niokhobaye Diouf, par un manque d’effectif et d’implication de tous les bras actifs. «L’équipe de la brigade des mineurs dispose d’un effectif très réduit (quatre personnes) et elle alterne des groupes de jour et de nuit. Les commissariats de police ne sont pas impliqués dans les opérations. Tant qu’ils ne s’y mêleront pas, nous jouerons au chat et à la souris avec les mendiants. Nous avons déjà ramassé près de 650 enfants». La mendiante qui vit au Sénégal, depuis de nombreuses années, a laissé son mari, malade, en Guinée. A Pikine Guinaw-rail, d’où elle vient chaque matin, elle loue une chambre à 10 000 FCfa. Elle vit mal les insultes qu’elle reçoit de quelques passantes qui la trouvent bien portante et à même de travailler, puisqu’elle ne montre aucun handicap physique. «Elles ne savent pas que j’ai six enfants dont j’ai accouché par césarienne. Je n’ai aucun moyen de subvenir à leurs besoins», argue-t-elle. Plus loin, même constat. Un autre groupe de femmes prend une pause, en compagnie de leurs enfants, après une matinée passée à mendier. Une d’entre elles confie : «J’ai été arrêtée durant ces rafles. Ils nous ont demandé d’arrêter de mendier, car c’est désormais interdit par la loi. Ils ne prenaient que les personnes accompagnées d’enfants. Ils nous ont emmenés au Village d’enfants Sos. Après quelques jours, ils nous ont libérés et promis de nous recontacter. On attend toujours.» Entre-temps, elle est retournée dans la rue avec ses enfants.
«Un projet de réinsertion sociale des enfants et un renforcement économique en gestation au Village d’enfants Sos»