Au moins 11 personnes ont été tuées et 19 blessées, lundi 15 août, dans un bombardement mené par la coalition saoudienne à Abs, dans le nord-ouest du Yémen, contre un hôpital où intervient Médecins sans frontières (MSF). Plus de 70 patients, dont 13 nouveau-nés, étaient présents dans ce centre médical de la province de Hajjah, selon l’organisation. Le bombardement a détruit la partie des installations destinée aux urgences. Huit patients et un électricien employé par MSF ont été tués par l’explosion, et deux autres patients ont succombé à leurs blessures durant leur évacuation.
L’ONG a rappelé qu’elle avait partagé avec toutes les parties belligérantes les coordonnées GPS de cet hôpital, qu’elle soutient depuis juillet 2015. Ces informations auraient dû permettre à la coalition de savoir qu’elle visait un centre de soins. Il s’agit de la quatrième attaque contre une installation de santé de MSF depuis un an.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a condamné une« sérieuse violation du droit humanitaire international » et demandé une enquête indépendante et rapide. La coalition a dit l’avoir déjà lancée. Selon Teresa Sancristoval, responsable des programmes d’urgence pour MSF au Yémen, malgré une récente résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à mettre un terme aux attaques contre les installations de santé dans le pays,« rien ne semble être fait pour que les parties impliquées dans le conflit respectent les équipes médicales et les patients ».
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L’hôpital d’Abs est situé à une quarantaine de kilomètres de la frontière saoudienne, où d’intenses combats ont repris depuis juillet, entre l’armée saoudienne et la rébellion houthiste yéménite, alliée aux forces de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Les milices houthistes, chiites originaires du nord du pays, se sont emparées de la capitale, Sanaa, en septembre 2014.
Crise humanitaire sans précédent
Riyad intervient dans le pays depuis mars 2015, à la tête d’une coalition de pays arabes sunnites en soutien au gouvernement exilé à Riyad. Des sources militaires pro-gouvernementales ont laissé entendre, lundi, que des combattants houthistes étaient soignés dans l’hôpital d’Abs.
Les attaques de la coalition ont été responsables, selon les Nations unies, de 60 % des morts civils en 2015, dans une guerre qui a fait plus de 6 400 morts, déplacé plus de 2 millions de personnes et provoqué une crise humanitaire sans précédent dans ce pays qui demeure sous blocus de la coalition.
Depuis l’échec d’une troisième session de négociations de paix, le 6 août au Koweït, les attaques de la coalition ont tué plus de 60 civils, selon un décompte du Conseil norvégien des réfugiés, actif dans le pays. Ces bombardements ont été menés contre un pont reliant Sanaa au port d’Hodeida, sur la mer Rouge, contre une usine alimentaire de Sanaa puis contre une école religieuse proche de Saada, le bastion des houthistes, dans le Nord.
MSF avait dénoncé, samedi, ce dernier bombardement, qui avait fait au moins 19 morts. Dix enfants avaient été tués dans cette école du district de Haydan. Une seconde frappe, qui avait touché la maison du directeur de l’école, Ali Okri, dans le district voisin de Hazi, avait tué la femme du directeur et quatre de leurs enfants, selon le New York Times. Puis, une troisième frappe menée au même endroit aurait tué quatre personnes venues porter secours aux victimes.
L’Arabie saoudite a affirmé avoir visé un centre d’entraînement militaire houthiste, qu’elle accusait de former des enfants soldats. Le major général Ahmed Asseri, porte-parole de la coalition, a affirmé que les rebelles« utilis[aient] des installations civiles comme centre de coordination »de façon systématique pour leurs opérations militaires, sans se référer spécifiquement à ce dernier cas.
Lundi, un représentant de l’Unicef au Yémen, Julien Harneis, a contredit ces affirmations : « Les enfants qui ont été tués étaient âgés de 6 à 14 ans, et la majorité avaient entre 6 et 8 ans. »« Les houthistes ne recrutent pas d’enfants si jeunes dans leurs milices. Nous avons parlé avec les parents, nous avons vérifié leur âge et visité le site, et rien n’indique qu’il s’agissait d’autre chose que d’une école coranique », a-t-il ajouté.
Alors que les réactions internationales au bombardement de l’hôpital d’Abs se multipliaient, la coalition a par ailleurs mené d’intenses bombardements sur la capitale, Sanaa, dans la nuit de lundi à mardi. Les combats ont repris sur les principaux fronts du pays depuis une semaine, avec une vigueur inédite depuis le printemps. A la frontière saoudienne, dans la ville centrale de Taëz et dans la province de Marib, les forces rebelles sont également accusées de mener des bombardements indiscriminés.
Ces fronts n’ont évolué que marginalement depuis 2015, et la plupart des observateurs estiment qu’aucune des parties ne peut espérer obtenir une victoire militaire dans ce conflit.