RACISME – A Niort, un riverain est tombé sur une affiche ouvertement raciste, interdisant un morceau de la rue “aux arabes, noirs et autres fainéants”. Le jeune homme indique avoir déposé une main courante.
Mardi 23 février, Antoine Leroy, habitant de Niort (Deux-Sèvres) âgé de 25 ans, rentrait chez lui quand il a trouvé une affiche sur le trottoir, au sol. Il y était écrit qu’une partie de la rue était “interdite aux Arabes et aux Noirs”. Choqué par ce message raciste, il a décidé de déposer une main courante. Il revient sur son histoire.
Mardi midi, alors que je rentrais chez moi après ma matinée de travail, je suis passé dans la rue Basse à Niort. J’habite juste à côté. Au sol, au niveau du trottoir, j’ai aperçu une affiche en papier.
Il pleuvait, la feuille était mouillée, mais des mots écrits en lettres capitales m’ont tout de suite interpellé :
“Aux Arabes, Noirs… et tout autre fainéant”
En me penchant davantage, j’ai lu l’intégralité du message :
“Depuis quelques mois, j’ai ouvert un commerce, et parce que les clientes ont peur de vous, elles ne viennent pas !
Alors pour que je puisse travailler et continuer à payer vos allocations de fainéant, dites-vous que le bas de la rue Basse à Niort […] est interdite aux Arabes, Noirs… Et tout autre fainéant !
Merci de comprendre qu’il y en a qui bosse.”
Je n’ai pas pu passer mon chemin
J’ai été choqué. L’auteur de ce message accumulait les amalgames, stigmatisait certaines populations. Bref, j’avais sous les yeux une affiche xénophobe, raciste. J’étais écœuré.
Je ne comprenais pas comment quelqu’un pouvait, encore aujourd’hui, tenir de tels propos.
Ce dégoût m’a donné l’envie immédiate de partager ce que je venais de voir. J’ai pris l’affiche en photo et je l’ai partagée sur Twitter en interpellant la municipalité de Niort.
Les réactions ont été immédiates, mais je n’en ai pas eu de la part de la mairie. Toujours incliné devant l’affiche au sol, j’ai commencé à m’interroger : que devais-je faire ?
Passer mon chemin, laisser l’affiche être détruite par la pluie et les piétons, c’était d’une certaine manière laisser faire, accepter que ce genre de propos, condamnables par la loi, puissent être tenus en 2016 sans aucune impunité.
Faire ça, c’était les cautionner. Je n’ai pas pu.
“Monsieur, vous n’êtes pas concerné”
J’ai donc ramassé le papier, puis je suis rentré chez moi pour l’essuyer un peu avant de me diriger au commissariat du centre-ville de Niort. À ce moment-là, je ne savais pas trop quelles démarches je pouvais faire, mais j’y suis allé quand même.
En arrivant au poste de police, j’ai été accueilli par une femme à qui j’ai expliqué la situation. Elle m’a répondu :
“Je comprends bien monsieur, mais vous n’êtes pas directement concerné.”
Je suis resté bouche bée, hébété. Parce que je n’étais ni “noir”, ni “arabe”, je ne pouvais pas me plaindre ?
Elle m’a finalement glissé le numéro de téléphone du Défenseur des droits pour qu’il puisse me donner quelques conseils.
J’ai déposé une main courante
Je suis sorti du commissariat, j’ai passé le coup de fil. Un monsieur m’a alors expliqué que j’avais eu le bon réflexe, que j’avais le droit de porter plainte. C’était même mon devoir. J’ai donc insisté auprès de l’accueil pour qu’un policier prenne ma déposition et j’ai déposé une main courante.
En discutant avec le policier, nous nous sommes dit qu’il était probable que l’auteur de ce message soit un commerçant des environs avec une clientèle féminine. Mais il est fort probable que nous ne le sachions jamais.
Je suis ressorti, puis j’en ai discuté à mes proches. Préparateur physique dans une équipe de rugby, l’un des joueurs d’origine tunisienne m’a d’ailleurs déclaré que lui aussi avait été très choqué par le message que j’avais trouvé.
J’en ai marre qu’on banalise ce genre de propos
Ce que j’ai fait n’est plus ni moins qu’une démarche citoyenne. J’ai fait mon devoir. J’en ai marre qu’on banalise ce genre de propos, qu’on n’agisse pas.
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les gens ne se cachent plus pour déverser leur haine, qu’ils assument le fait d’être racistes sans crainte. Moi, je voulais simplement leur faire comprendre que de tels propos sont condamnables par la loi. Pointer du doigt des populations qui n’ont rien fait, juste en s’appuyant sur leurs origines, ce n’est pas normal.
Dans cette triste histoire, ce qui me rassure, c’est l’écho qu’elle a eu. J’ai été surpris de voir à quel point cette affaire a été reprise sur les réseaux sociaux et les médias. C’est pour moi la preuve qu’il y aura toujours une France qui n’accepte pas ça.