Le Cadeau de Macky à un apériste trempé dans une affaire nébuleuse

macky-parti-1Une info de nos confrères du quotidien « La tribune »

Un inculpé qui se voit offrir un poste de président de conseil d’administration (au Fonds d’entretien routier autonome), c’est assez rare pour ne pas passer inaperçu. C’est arrivé pourtant à El Hadj Seck Ndiaye Wade, l’ex-directeur national des Transports routiers, gravement mis en cause par le juge d’instruction du 1er cabinet au tribunal de grande instance de Louga dans le trafic de documents au Service des mines.

Les faits
Il s’appelle El Hadj Seck Ndiaye Wade. Responsable politique de l’alliance pour la république dans le département de Mbour, il était encore il y a quelques jours le Directeur des transports routiers au ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement. Depuis le 13 juillet dernier, il a été relevé de ses fonctions, mais c’était pour bénéficier d’une promotion particulière. Par décret présidentiel n°2016-985 du 13 juillet 2016, il a été nommé président du conseil d’administration du Fonds d’entretien routier autonome du Sénégal (FERA). C’est dire que le président de la république l’a maintenu dans son domaine de prédilection : les transports terrestres. Mais où est la curiosité ?

El Hadj Seck Ndiaye Wade, nouveau PCA du FERA, est sous le coup d’une inculpation prononcée à son encontre au mois d’avril dernier par le juge d’instruction du 1er cabinet sis au tribunal de grande instance de Louga. Il avait été aussitôt placé sous mandat de dépôt puis écroué à la prison centrale de Louga en mars. Quelques jours plus tard, il bénéficiait d’une liberté provisoire, «sur intervention de bras politiques haut placés», précisent des sources proches du dossier, alors que la plupart de ses co-inculpés sont restés en détention à la maison d’arrêt de Louga.

Permis de conduire, licences de transport, dossiers d’agrément…
Tout est parti d’une longue enquête menée dans la capitale du Ndiambour par l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) au Service des mines de ladite localité. Les découvertes faites par l’Ofnac avaient démantelé un solide réseau de «corruption et de concussion dans le domaine de l’établissement des permis de conduire, du traitement des dossiers d’agrément et de licences de transport», indique le rapport public 2014-2015 de l’organe de contrôle.

«L’enquête a permis de constater qu’il était réclamé aux usagers le montant de cent cinquante mille (150 000) francs Cfa pour le passage du permis en un seul jour et cent mille (100 000) francs Cfa, si c’est au-delà.» Par ailleurs, ajoute la même source, «il était exigé des usagers les montants pour le paiement des droits de mutation et de timbres, pratique qui ne s’expliquent pas pour une administration qui n’est pas une régie financière et qui n’est habilitée par aucun texte à s’immiscer dans cette affaire. De tels faits sont accomplis en violation flagrante du Code général des impôts.»

Le premier fonctionnaire à être pris dans les filets de l’Ofnac est le dénommé Pape Mor Guèye, directeur régional des transports terrestres qui ne se priva pas d’expliciter aux enquêteurs le mode opératoire mis en place pour faire tourner le système de corruption. Son supérieur hiérarchique, El Hadj Seck Ndiaye Wade, est sur la liste des gros bonnets qui perçoivent leur part des sommes «collectées» auprès des usagers du Service des mines de Louga, en compagnie d’une demi-dizaine d’agents, tous dans le coup. C’est quand le dossier d’enquête a été transmis au juge d’instruction que les têtes ont commencé à tomber.

Le successeur d’El Hadj Seck Ndiaye Wade à la direction des transports routiers est Cheikh Oumar Gaye, nommé au conseil des ministres du 13 juillet 2016. Voila les faits.

Destructeur
On voit bien à travers cette nomination vicieuse que le président de la république poursuit inlassablement son œuvre de destruction des principes universels de justice et d’équité, après le deal politique, financier et judiciaire conclu avec le Qatar pour organiser nuitamment la libération de Karim Wade en juin dernier. Quelle meilleure façon pour lui, Macky Sall, d’exprimer encore une fois l’irrespect total qu’il voue aux magistrats et à la Justice de ce pays en promouvant un individu présumé corrompu, inculpé par un juge d’instruction et laissé en liberté provisoire en attendant un éventuel procès !

La défiance du chef de l’Etat cible aussi l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC). Il avait déjà refusé de recevoir solennellement le premier rapport public de cette institution qu’il a mise en place en décembre 2012 et dont, apparemment, les orientations en termes d’investigations ne correspondent pas à ses attentes d’homme politique en devoir de protéger ses amis et ses relais de terrain qui ont la malchance d’avoir chopé le virus de la corruption.

Cette nomination d’un inculpé – responsable de son parti et simplement présumé de corruption en attendant une audience de tribunal – est un message catastrophique envoyé à tous les politiciens corrompus de ce pays qui rejoignent le giron présidentiel afin d’échapper au glaive de la justice ou qui hésitent à le faire, comme pour leur dire, à tous, que le premier magistrat du pays ne laisse jamais tomber ceux qui le soutiennent, quelles que soient leurs conneries contre une «gestion sobre et vertueuse» des deniers publics.

Dans une autre vie pas très lointaine, Macky Sall avait pris l’engagement suivant : «La Crei, c’est pour la reddition des comptes par rapport à la gestion du régime précédent. L’Ofnac, c’est pour nous. Je ne protégerai personne.» Parole ! Sans rien présumer de la suite de ce dossier de corruption, il n’y a pas mieux que l’autorité et l’influence d’un président de la république pour soustraire un partisan des griffes de la justice. C’est pitoyable mais c’est ainsi dans les républiques bananières sous pavillon démocratique.

La Tribune

 

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