“De grâce Monsieur le Président”, Par Dr. Khalia Haydara

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La mesure du gouvernement destinée à faire cesser la mendicité des enfants doit progresser et aboutir à l’éradication absolue de ce phénomène. Depuis des décennies l’État et les Sénégalais ont laissé se développer la mendicité des enfants, un fait significatif en contradiction si flagrante avec la justice et tout simplement avec le bon sens. Quels que soient les motifs qui sous-tendent la décision d’interdire la mendicité des enfants, cette mesure demeure une manifestation réelle de la justice sociale. Cette mesure aura une postérité considérable. Si elle aboutit — et rien n’empêche qu’elle aboutisse — l’histoire la retiendra jusqu’à la fin des temps.

J’ose croire que le retrait des enfants de la rue donnera le coup décisif qui mettra en branle le développement de notre pays. Car le développement humain est un préalable essentiel au développement économique. Ils vous diront que c’est une gageure que de vouloir éradiquer ce phénomène. Ce n’est pas le moment de donner la main aux pessimistes et à ceux qui profitent de la mendicité des enfants. La mendicité n’est pas le destin imparti à ces enfants. Aucun sénégalais qui a le sens de la justice sociale ne vous tiendra rigueur de faire preuve de fermeté et d’audace dans l’application de cette mesure.

Monsieur le président, nous avons trop longtemps souffert de cette cruauté morale, de cette injustice sociale. Aussi dure et honteuse que soit cette vérité il faut avouer que la situation de ces enfants équivaut à celle des bêtes de somme, exploités à des fins économiques par des prétendus maîtres coraniques. S’il fallait à toute force et à toute rigueur les qualifier il faudrait dire qu’ils sont en vérité des chefs d’entreprise à but lucratif. Pourtant, ils ne sont pas les seuls auteurs de ce mal. En pleine et inquiétante conscience des adultes mendiants traînent avec eux leurs enfants dans la rue afin de récolter le plus d’aumônes possible. Ces enfants doivent aussi être sauvés.

Animées par des intérêts purement personnels certaines personnes osent soutenir que la mendicité participe à la bonne formation et à l’éducation de l’enfant. Ce sont des généralités partout répétées qu’il nous faut très vite déconstruire. L’éducation est un processus “d’humanisation” dont l’objectif est de doter l’enfant de valeurs morales qui feront d’elle ou de lui un être sociable, un agent moral au service de son peuple et de toute l’humanité. L’éducation doit faire passer l’être humain d’un état à un état meilleur. S’il est encore vrai que l’éducation proprement dite doit conduire l’enfant de la dépendance à l’autonomie, alors il faut avouer que la mendicité va à l’encontre d’une bonne éducation. Car il se trouve dans la mendicité une composante psychologique qui ôte à l’enfant aussi bien son indépendance que sa fierté. La mendicité contribue à la corruption précoce de l’esprit du jeune enfant. Elle en fait un être dépendant, docile. N’oublions pas que la nature d’un enfant n’est pas déterminée apriori. Elle est malléable à volonté. Si tel est le cas, qu’attendons-nous pour mettre du bien, du beau et du vrai dans l’enfance de ces futurs adultes?

Ainsi Monsieur le président, l’État ne doit ni reculer ni céder d’un pas mais combattre de pied ferme afin que triomphe la justice. C’est une mesure destinée à paraitre injuste aux yeux de ceux-là qui profitent de la mendicité des enfants. De toute évidence ils la dénonceront. Certaines personnes commencent déjà à déblatérer cette décision et à faire des remarques scandalisées. Elles disent qu’elles auraient dû être consultées et que “l’organisation des daraas aurait dû être un préalable au retrait des enfants de la rue”. Comment rectifier une injustice en comptant sur la collaboration de ceux qui la pratiquent et la justifient au nom d’intérêts personnels? Ils disent que “la mendicité enfantine est un mal nécessaire” et que “la pauvreté des parents et le manque de moyen du maitre coranique suffisent à la justifier”.

Posons-nous ces deux questions: Combien de parents pauvres gardent, malgré tout, leurs enfants à la maison, et s’évertuent à prendre soin d’eux avec les moyens du bord? Pourquoi un maitre coranique prendrait-il la responsabilité de recueillir des enfants qu’il ne peut pas nourrir et dont il ne peut assurer ni la sécurité encore moins l’éducation? Aussi disent-ils qu’ils vont réciter le Qoran et observer des séances de prières pour “refroidir l’ardeur du chef de l’État”. Savent-ils seulement qu’une ardeur orientée vers le rétablissement de la justice ne peut être “refroidie” par la lecture du coran, mais que celle-ci l’intensifie ? Alors nous disons Amin.
Monsieur le président voici la vérité qui trahit cette grogne: avec l’interdiction de la mendicité des enfants des centaines de prétendus maîtres coraniques cesseront de s’enrichir et devront aller à la recherche d’un vrai travail.

Par ailleurs, n’est-il pas plus terrifiant quand c’est nous-mêmes, Sénégalaises et Sénégalais, qui participons à la justification de la souffrance de ces enfants, en les utilisant comme moyen de conjuration du mauvais sort. Par nos folies, nos caprices et nos superstitions, notre égoïsme, nous avons plongé ces enfants dans une obscurité sans fin. Dorénavant, donnons notre sachet de biscuit, nos colas, nos morceaux de sucres et notre “mètre de tissu percale” à nos enfants biologiques. Oui, l’idée est terrifiante, n’est ce pas? Le but est donc de donner ces aumônes qui conjurent le mauvais sort à l’enfant d’autrui? Mais cela ne suffit pas, n’est ce pas? Faudrait-il qu’il sillonne les rues de l’aurore jusqu’au coucher du soleil, à la recherche du quota journalier imposé par un adulte en pleine et inquiétante conscience? Faudrait-il aussi qu’il soit pieds nus et sales, visiblement souffrant de plaies infectées et de bien d’autres maladies dues aux conditions pénibles dans lesquelles il vit? Bref, pour que notre aumône réalise notre désir nous faudrait-il un “bon talibé” comme nous en voyons des centaines quotidiennement?
Par conséquent, nous devons nous garder de chercher les responsabilités ailleurs qu’en nous-mêmes. C’est à nous Sénégalaises et Sénégalais de rendre efficace la mesure présidentielle, c’est à nous de nous agenouiller devant ces enfants et de leur demander pardon, c’est à nous Sénégalaises et Sénégalais de faire passer ces enfants d’un état à un état meilleur. C’est à nous et à personne d’autre de montrer au monde entier que nous sommes de bonnes mères et de bons pères pour ces enfants, c’est à nous de leur assurer un avenir meilleur, avec l’aide de Dieu.
Célébrons les enfants!

 

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