C’est un Modou Fall alias « Boy Djinné », à la limite de l’arrogance, sourire aux lèvres, histoire de narguer les policiers qui l’entouraient qui a été acheminé au commissariat de Tambacounda. Menottes aux poignets, il a levé les mains en signe de victoire avant de lancer : « Je suis innocent. On m’a accusé à tort. Dites à Macky Sall (le Président de la République : NDLR) et à Sidiki Kaba (le ministre de la Justice : NDLR) de me juger, sinon je ne vais pas durer en prison ».
Ses évasions spectaculaires avaient mis le pays sens dessus dessous et même exacerbé les relations diplomatiques, déjà tendues, entre le Sénégal et la Gambie. Si « Boy Djinné » se paie le luxe d’en rajouter une couche, c’est soit parce qu’il est trop sûr de lui, soit parce qu’il n’a rien compris de ce qui l’attend.
Avant lui, un caïd plus coriace nommé Alioune Abatalib Samb alias « Ino » (as des évasions et des cambriolages, qui avait même braqué le magasin d’armes du camp militaire de Thiaroye : NDLR) avait osé narguer les forces de sécurité. Il s’est retrouvé six pieds sous terres et n’a plus humé l’air de la liberté. Il a rendu l’âme au pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec, terrassé qu’il est par une « insuffisance rénale ». La même « maladie » qui a emporté son acolyte Abdou Konteh alias « l’homme à la Kalachnikov ».
Évadé de la prison centrale de Rebeuss, pour la seconde fois, le 8 juillet 2001, à la suite d’une mutinerie, Ino avait été repris quelques mois plus tard, par les gendarmes de Kébémer à Lompoul, village situé à environ 150 km au nord de Dakar. Comme « Boy Djinné » qui a été récupéré par la Division des investigations criminelles (Dic), Ino avait été acheminé à Dakar par des éléments de la Section de recherches (le pendant de la Dic à la gendarmerie) renforcés par une escouade du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (Gign).
Menottes aux poignets, habillé d’un tee-shirt blanc, d’un pantalon et de sandales, il s’était permis de former avec ses mains entravées le signe de la victoire (la même attitude que Boy Djinné). Le dernier geste qu’il fera en public.
Placé sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt de Rebeuss, il avait automatiquement été isolé en cellule punitive durant 38 jours. Lorsqu’il en sortait, il avait perdu son embonpoint, son sourire narquois, sa vigueur et avait les pieds qui enflaient de jour en jour. Des pieds qu’il avait montrés au juge Marième Diop Guèye, lors de son procès pour évasion en 2004, en lui disant : « même un oiseau en cage cherche à se libérer. Si l’occasion se présente à nouveau, je m’évaderais ». Une déclaration qui ressemble fort à celle de « Boy Djinné ». « Ino » ne s’est plus jamais évadé jusqu’à sa conduite au cimetière musulman de Yoff. Il est décédé le vendredi 29 janvier 2005, vers les coups de 11 heures. Qu’en est-il de « Boy Djinné » dont on dit qu’il a des pouvoirs mystiques ?
Une chose est au moins sûr : le même Daouda Diop (à la tête de la gendarmerie de Kébémer en son temps) qui avait mis Ino hors d’état de nuire à Lompoul trône aujourd’hui à la tête de l’administration pénitentiaire…