Au Sénégal et en Afrique si la célébration de la naissance du Prophète Mouhammed (Psl) ou Gamou est devenue une institution au point qu’elle soit fêtée dans toutes les familles religieuses, c’est grâce à Seydi El Hadj Malick Sy. En ce jour , date d’anniversaire de sa disparition (27 juin 1922 – 27 juin 2016 ) , souvenons-nous de l’homme qui a fait de Tivaouane l’épicentre de la Tidjaniyya en Afrique et dans le monde entier.
On était au beau milieu du XIXe siècle, les premiers coups de boutoir des troupes coloniales commençaient à faire chanceler les royaumes de la Sénégambie. Dans toutes les couches de la société, le désarroi et le doute s’emparaient déjà de tous. C’est dans ce contexte de crise que naquit vers 1855 à Gaya, dans le Walo, Seydi Hadji Malick SY, de Thierno Ousmane et de Fawade Wéllé.
SON ENFANCE
Sa lignée paternelle est originaire du Boundou, c’est de là – bas qu’elle essaima vers Souima (dans la commune de Podor actuelle) et le Djoloff. Son père fit une partie de ses études en Mauritanie, mais s’arrêta également à Gaya pour étudier un ouvrage auprès d’un érudit du nom de Malick Sow. Il y connut une veuve, Fatimata Wade dite Fawade Wéllé et la prit comme épouse. Elle se signalait par Sa Sainteté et sa sollicitude envers les Talibés (élèves des écoles coraniques) de la contrée. Pour eux, elle était une véritable Ndeyi daara (parent d’élève). Thierno Ousmane Sy devait mourir avant la naissance de Malick Sy, durant un séjour au Djoloff. Il put laisser cependant en héritage une bibliothèque et comme testament des instructions concernant l’éducation de l’enfant à naître. Il demanda également que le nom de son marabout à Gaya, Thierno Malick Sow fut donné à l’enfant qui naîtrait s’il était garçon. Sa mère et son oncle Alpha Mayoro Wéllé ne ménagèrent aucun effort pour l’éducation du jeune Malick. El Hadji Malick écrit lui-même dans son ouvrage Ifhâm al munkir al – jâni : « je fus recommandé à ses détenteurs -des sciences islamiques- les plus éminents et les plus compétents par mon oncle maternel… »
C’est ainsi qu’après avoir appris le coran qu’il mémorisa tôt, il sillonna le pays de long en large, d’Est en Ouest. Une quête obstinée qui dura vingt – cinq longues années lui permit d’asseoir de solides connaissances dans tous les domaines des sciences religieuses et même profanes (mathématiques, astronomies, prosodie et poésie).
SA FORMATION
Les principaux foyers de la culture islamique d’alors l’accueillirent. C’est à Gaya qu’il s’initia à la théologie et à l’exégèse puis à Ndombo pour le fiqh. À Bokhol, il commença son droit qu’il alla terminer à Keur Kodé Alassane et à Taiba Sèye. Ainsi se termina le premier cycle de ses études ; c’est alors que l’accueillit Saint – Louis pour l’étude de la littérature et de la grammaire. Ensuite il fit cap sur le Ndiambour, à Ndiabali chez Mor Barama Diakhaté où il étudia le Tome 1 du Khalil et Ibn Ishaq. Puis à Thilla Dramane pour le Tome 2 du Khalil et l’ Alfiyya à Ngade Demba.
Keur Kodé Alassane l’accueillit de nouveau pour la Risala, Thilogne ensuite pour l’Ihmirar et enfin la Mauritanie, chez Mouhammed Ali al Yaqubi pour le mysticisme. Il y reçut des capacitations dans ce domaine comme dans celui des sciences exotériques : les hadiths, le tajwid (orthoépie). La liste de ses ijâza peut être consultée dans l’introduction de son ouvrage ifhâm al munkir al jâni. Elle est simplement impressionnante au point qu’il est permis de dire que la silsila de Maodo est incomparable. Ses études qui ont duré vingt cinq ans étaient parfois entre coupées de séjours au Walo.
PELERINAGE A LA MECQUE, VOYAGE EN ARABIE ET EN EUROPE
S’adonnant en même temps à l’agriculture, les produits de son champ de Ngambou Thillé qui lui permirent de faire le pèlerinage aux lieux Saints de l’Islam. C’est alors qu’il se trouvait à la Mecque que naquit sa fille Fatoumata, de Mame Safi NIANG qu’il avait épousée un an plus tôt. C’était le vendredi 17 Août 1888, jour d’Arafat, El Hadji Malick avait 35 ans. Après La Mecque, il fit un périple dans d’autres cités du Moyen Orient comme Alexandrie, Jérusalem, Les republiques d`Asie Centrale ( Boukhara, Samarkand ).
L’occasion lui fut donnée de rencontrer des sommités intellectuelles, et de nouer des relations solides avec celles-ci. Il revint chez lui avec un projet : revivifier la pratique religieuse chez lui. Ce projet se déclinait en quatre points : -enseigner et fonder des daara (écoles coranique) -bâtir des mosquées -avoir un champ pour travailler la terre et gagner sa vie.
-avoir un lieu où il pourrait réunir les musulmans annuellement.
Convaincu que sa mission ne pouvait plus avoir le Walo comme cadre, il se mit à la recherche d’un endroit plus propice. C’est Ndiarndé qui l’accueillit, le village de Mame Magoumba AMAR, il s’y fixa avec l’insistance de ce dernier.
On était en 1895 et l’Administration coloniale essoufflée par les différentes résistances et soucieuses de pacifier la colonie interdisait la circulation des chefs religieux. Il s’installa donc à Ndiarndé et pendant sept ans anima une sorte de séminaire où il dispensait un enseignement supérieur et d’où sortit un corps d’élite de plus de deux cents hommes de sciences religieuses en trois promotions.
Ils venaient de partout, attirés par la réputation de ce puits de savoir qu’était Seydi El Hadji Malick SY. Ils en repartaient avec une part de la mission : « enseigner, construire des mosquées et gagner sa vie à la sueur de son front ». Ce défilé incessant vers NDiarndé, aux environs de Kelle devint une source d’inquiétudes pour les colons ; Mame Massamba Diéri DIENG son beau père, un notable Saint-louisien qui avait ses entrées chez les colons, fut informé des menaces qui pesaient sur le saint homme. El Hadji Malick dut quitter NDiarndé en 1902, pour Dakar, il passa par Rufisque, mais ne s’y installa pas. Il fit un travail remarquable chez les Lébous dans le sens de l’affermissement de leur foi et de l’équation de leurs pratiques religieuses teintées jusqu’ici de vestiges du paganisme. Sa principale préoccupation fut l’Islam en général, sa vulgarisation plutôt que la diffusion de la Tijaniya. C’est ainsi que lorsque certains parmi les Lébous voulurent renier la Qadriya pour prendre le Wird Tijani, il refusa, par élégance, de leur accorder l’initiation pour éviter toute animosité ou rivalité inter confrérique, mettant en avant la fraternité religieuse. Il ne dut céder que devant l’insistance des Lébous. L’accueil enthousiaste qu’il reçut des Lébous permit une diffusion formidable de la Tijaniya dans ce milieu. Il furent nombreux les érudits Lébous qui se formèrent à son école. C’est ainsi qu’en 1920 sur les trente daaras recensées dans la région du Cap vert, les vingt sept étaient tenues par ses anciens disciples. Il fonda une Zaouïa à Dakar en 1914.
Désormais sa résolution est prise, il cherche à s’installer dans les villes pour : D’une part, se rendre visible de l’administration coloniale et se mettre à l’abri de toute calomnie : agir au grand jour pour que ne lui soient pas prêtées des intentions qu’il n’aurait pas, ce qui contrecarrerait sa mission.
D’autre part, conscient que c’est dans les villes que ses concitoyens sont le plus susceptibles de se dépouiller de leur identité du fait de la présence des colons, il entreprit de leur disputer les âmes des citadins. Ainsi la Tijaniya devint- elle une confrérie essentiellement urbaine.
On était au début du XXe siècle, des traitants Lébous Djibril Guèye et Djibril Top, installés à Tivaouane, l’invitèrent en 1900. Il allait s’y installer lui aussi, à leur demande. Et comme toujours le premier réflexe fut pour lui la construction d’une mosquée, ce fut fait en 1904. C’est deux années plutôt qu’il commença à convier les musulmans à la célébration du Maouloud même s’il est attesté qu’auparavant il l’a toujours célébré avec ses disciples comme El Hadji Rawane NGom. Il semble être le précurseur de la célébration du Maouloud dans notre pays.
Etudiant déjà il était ami des lettres, mais c’est surtout durant la première guerre mondiale, période marquée par beaucoup de restrictions sur les mouvements du fait des menaces de conscription et concomitamment par la diminution de l’afflux d’étudiants qu’il se mit alors à écrire ses ouvrages majeurs sur la charia et la tarîqa : kifâya et ifhâm. Il entreprit la construction dans cette même période de sa zawiya de Saint-Louis, capitale du Sénégal. Les séances de wazifa à l’aube et au crépuscule commencèrent à déranger l’Administration coloniale qui le convoqua pour des explications. Les colons se rendirent vite compte de qui ils avaient affaire et cherchèrent alors à se le concilier. Il cohabita avec l’Administration coloniale dans le respect mutuel, mais il évita toute compromission et « tout contact dissolvant avec eux », comme l’écrit Cheikh Anta DIOP. Il put faire un travail remarquablement efficace dans les milieux urbains, évitant ainsi aux citadins et aux cadres indigènes comme assimilés de se laisser séduire par la civilisation et la religion apportées par le colon. De même, il réussit à quadriller le pays par des érudits bien formés qui développèrent l’enseignement de la religion musulmane ainsi que les préceptes de la Tijaniya. Il envoya certains de ses cadres hors du pays, notamment au Mali, en Côte d’Ivoire et au Gabon.
Un jour, il fit appeler Sérigne Babacar SY de Saint- Louis, El Hadji Mansour SY et Thierno Saidou Nourou TALL, réunit leurs mains dans la sienne et leur demanda de ne plus jamais se quitter. Sérigne Babacar écrivit une note à Sérigne Hady Touré, précepteur de Abdoul Aziz SY à venir. Le patriarche alité, Abdoul Aziz était chargé de rester pour réciter la sourate « Ya Sîn » au chevet de son père.
Le mardi 27 juin 1922, le pôle parfait, le chantre du prophète, celui que El Hadji Abdoulaye NIASS surnomma Maodo, quitta ce bas monde vers le paradis de son Seigneur. Un de ses disciples, Thierno Saidou Nourou aurait dit qu’il a vu l’ange de la mort envelopper l’âme de son maître dans une serviette blanche pour l’amener au Paradis. Cet homme qui forma un nombre impressionnant d’érudits et de saints, celui dont Destaing a écrit qu’il était le Marabout le plus instruit de la colonie du Sénégal, celui qui hérita de El hadji Omar le khalifat de la tijanniya avant même de venir au monde, aura vécu selon le modèle prophétique. Une vie faite de modestie et de simplicité, dédaignant la réalisation de prodiges et de miracles. El Hadji Malick n’était pas un thaumaturge, mais un gnostique pur qui n’a jamais eu qu’une seule prétention : « être un humble serviteur de la miséricorde. », marcher sur les pas du Prophète (P.S.L). À son décès, de nombreux poèmes furent composés par ses disciples du Sénégal, de Mauritanie et d’ailleurs pour lui rendre hommage. Il continue de tenir d’outre-tombe l’Islam au Sénégal par les mosquées qu’il a construites et les écoles qui ont été fondées par lui ou par ses disciples disséminés aux quatre coins du pays.
À l`approche du Mawloud célébrant la naissance du Prophète PSL tous résonnent pendant 10 jours aux sons de Glorification de l`Envoyé de Dieu : « Mawlaya Salli wa Salim Daa Imane Abadane Alaa Habibika Khayril Khalkhi Koullihimi Seigneur, accorde ta Bénédiction et ton salut, toujours et à jamais, à ton Bien-Aimé Mohammed, la meilleure d`entre toutes les créatures ». Cela nous le devons au patriarche, Maodo, à ses successeurs et disciples, tous hommes de science et de vertu.
On peut citer parmi les écrits de Seydi hadji Malick SY :
1-Hidâya al- wildân fî fann at- tawhid (Théologie)
2-Rayy az- Zamân fî mawlid sayyid banî Adnân (Biographie du prophète plus connue sous le titre de Nûniya)
3-Khilâs ad-dahab fî sîrat khayr al- Arab (Biographie du prophète, plus connue sous le titre de Mimiya)
4-Kifâya ar Râghibîn fî-sh- Sharîa (Droit musulman)
5-Al-kawkab al -Munîr fîl-mîrath (Ouvrage de Droit portant sur l’héritage)
6-Manzûma fî ilm-al arûd wa-l-Qawâfi (Métrique)
7-Ihdâ-l-Husnayayn fî ilmay al-arûd wa-t- Tasawwuf (Métrique et Soufisme)
8-Ifhâm al-Munkir al-Jâni fî-l Haqîqa wa-t-Tarîqa (Soufisme)
9-Fâkiha at -Tullâb fî fiqh at- Tarîqa-at- Tijâniyya (Soufisme)
10-Zajr al-Qulûb fî-l- akhlâq wal- waz wa-l-irshad (Morale)
11-Risâlat-al-Latîf fî-t-tawjîh wa-l-irshâd (Morale)
12- Qantara al -murîd fî-l-ilm wa fadâ’ilihi wa kayfiyati-tahsîlihî (Pédagogie)
‘ « WA LAYSSA LI HANMALOUNE ALKHAA KA YA AMALI SIWAL MAHABATI WA TAHZIMI WA SALAMI ‘ »
Je n`ai aucun acte qui pourra me permettre de Te rencontrer Oh mon Espoir !
Si ce n`est mon amour et mon hommage ainsi que ma confiance envers le Prophète ‘«
Si un malheur te frappe montre toi satisfait, cette joie te vaudra de la part de Dieu Grâce et faveur. Si le temps te fait tomber dans la misère, supportes avec patience car, au bout du chagrin il ya de la joie. Récites la sourate du Coran qui commence par : « N’avons nous point ouvert », et tu te réjouiras toutes les fois que les soucis t’assaillirons. Que tu sois riche ou pauvre, sois modéré, pensif et silencieux. En justice, maintiens la balance entre tes amis et tes ennemis. Quel que soit l’hôte que tu reçois, accueille le avec honneur et respect. Nous ne faisons que passer dans ce monde le temps que l’on sait, et puis après la terre se sert de nous pour montures. Malheur à nous, ce bas monde est pareil au criquet, si tu lui coupes la tête, tu ne risques pas plus rien : crains ce bas monde avant qu’il ne l’emporte sur toi. L’amour de ce bas monde en constitue la tête. Bien heureux ceux qui y renoncent. Car c’est dans le renoncement que réside le repos de quiconque est résolu à aller vers dieu. Gardes toi des fréquentations (intéressées) car elles ne récolteraient que préjudices pertes et vexations. Ne fais pas un pas qui ne soit dirigé vers ton Seigneur, car toute chose hormis, le Clément, n’est-elle pas périlleuse ? Un esclave qui trouve tout ce dont il a besoin chez son maître ne doit plus rien convoiter. Les gnostiques ont bâti le temple de la sainteté sur quatre piliers : la faim, le silence, la veille et la retraite