Au Sénégal le mois béni du Ramadan constitue une occasion pour les femmes mariées d’offrir des cadeaux (repas copieux, tissus, argent ou des paniers remplis de denrées alimentaires) à leurs belles familles. C’est le «suukeru koor». Aujourd’hui, si certaines apprécient ce geste de solidarité et de partage entre familles unies, d’autres, par contre, trouvent que c’est uniquement une arme que les femmes utilisent pour «acheter» l’estime de leurs belles familles.
Le Mois béni du Ramadan est un moment de prières et de privations pour la communauté musulmane. Au Sénégal ce mois béni a aussi une particularité pour les femmes mariées. En effet c’est une occasion pour elles de renouveler ou d’obtenir l’estime et entrer dans les bonnes grâces des beaux parents en leur offrant des cadeaux (repas, tissus, paniers bien garnis ou argent). Elles dégainent souvent de gros moyens pour faire plaisir aux belles mères, belles sœurs et autres. Si certaines femmes apprécient cette pratique qu’elles considèrent comme un geste de solidarité et de partage, d’autres trouvent plutôt que c’est une arme utilisées par certaines femmes mariées pour acheter la bénédiction de la belle famille.
Rencontrée dans une rue de Baobab, Ndèye Astou Sow trouve que cette pratique est une bonne chose dans la mesure où elle permet de renforcer la cohésion sociale. «C’est une bonne pratique car elle permet de raffermir les liens entre familles. Mais il faut éviter le gaspillage que font certaines femmes en donnant des sommes exorbitantes à la belle famille», propose-t-elle.
Selon elle, cet argent pourrait être utilisé à d’autres fins. « Au moment où elles offrent des 50.000 F Cfa, 200.000 F Cfa à des gens qui sont aussi riches qu’elles, il y a, à coté, des pauvres qui ont du mal à trouver de quoi mettre sous la dent. Il serait mieux de penser à cette couche de la population. Si l’objectif visé par le «suukeru koor» c’est uniquement la solidarité et le partage, ces gens le méritent plus», a-t-elle laissé entendre.
Et de poursuivre: «souvent, ce sont les beaux parents qui encouragent ce gaspillage. Par exemple s’il y a deux femmes dans une même famille, l’une donne 10.000 F Cfa alors que l’autre a remis 50.000 F Cfa, c’est cette dernière qui sera plus considérée et plus respectée par la belle famille».
Tout comme Mme Sow, Mariama, une habitante des parcelles assainies dénonce le gaspillage auquel se livrent certaines femmes durant le mois de Ramadan à travers le «suukeru koor». Mariée depuis 5 ans, elle trouve que ce n’est pas une obligation pour une femme mariée de s’adonner à cette pratique durant tous les mois de Ramadan.
Pour sa part, Adja Marème Diop, couturière de son Etat, la quarantaine, déconseille aux femmes de s’endetter pour du «suukeru koor», une pratique aujourd’hui dévoyée ou presque. «Si on n’a pas les moyens de le faire, on ne doit pas s’endetter ou faire du n’importe quoi. Je vois qu’il y a meilleur que le «suukeru koor», c’est le respect envers la belle-mère», soutient-elle.
Néanmoins, elle confie que, durant ce mois de Ramadan, elle envisage donner le «suukeru koor» à ses beaux parents. «J’ai l’intention d’offrir le «suukeru koor», mais je le ferais selon mes moyens. Comme je suis nouvellement mariée, j’ai décidé de remettre 50.000 F Cfa à ma belle mère qui va se charger de les répartir dans la famille. Avant, nos grands-mères préparaient de bons repas en guise de «suukeru koor», mais aujourd’hui c’est le temps qui fait défaut. Car la plupart des femmes travaillent», a-t-elle soutenu.
Toutefois, elle précise que «cela ne veut pas dire que chaque année je vais le renouveler. Mais il faut essayer de le faire ne serait-ce qu’une seule fois parce que si tu ne l’a jamais fais, le jour où tu auras une coépouse qui s’adonne à cette pratique, tu te retrouveras dans un dilemme. Et, si tu le fais à partir de ce moment, cela n’aura pas de sens aux yeux des beaux parents».