Abdoul Mbaye peut-il bénéficier de la victimisation à l’instar d’Idrissa Seck, Malick Gakou, Moustapha Niasse, Djibo Leyti Ka et autres Macky Sall ? Rien n’est encore sûr. Ce, pour la bonne et simple raison que le patron de ACT n’était pas membre à part entière de l’Alliance pour la République, mais plutôt de la société civile. Il a été promu Premier ministre par le président Macky Sall avant d’être défenestré pour « insuffisances de résultats ». Toutefois, la levée de bois vert de la part des tenants du pouvoir, qui a suivi sa décision de créer son parti, risque, si l’on en croit aux analystes politiques, de lui propulser au-devant de la scène et gagner davantage en sympathie de la part des Sénégalais. Si le journaliste-analyste politique, Momar Seyni Ndiaye voit en lui, le Patrice Talon du Sénégal, Dr Momar Thiam, expert en communication et marketing politique soutient, que les attaques contre Abdoul Mbaye sont « dans l’ordre normal de la chose politique ».
MOMAR SEYNI NDIAYE, JOURNALISTE FORMATEUR ET ANALYSTE POLITIQUE : « Abdoul Mbaye incarne une forme de nouveau leader à l’image de Patrice Talon au Bénin »
« Cette situation n’est pas nouvelle. À chaque fois qu’un membre politique quitte son parti ou une coalition, il est souvent l’objet d’attaques personnelles. Parfois on personnalise les attaques et on les subjectivise. Évidemment, à partir de ce moment, on sort du cadre politique. Il faut dire aussi que cela dépend de la manière dont cette personne a quitté le parti, et de ce qu’il dit par la suite. J’étais personnellement présent à la conférence d’Abdoul Mbaye quand il lançait son parti politique. Franchement, je n’ai pas senti qu’il ait vraiment fait des attaques personnelles contre le président. Il a parlé de son bilan en disant que les dix-sept premiers mois que lui a passés au gouvernement, ça c’est très bien passé et que par la suite, il a senti que le Président dérouté un peu pour sortir de la voie des ruptures qu’il avait promis de faire. Donc, il n’a fait que soulever des difficultés qui, à mon avis, dépendent aussi de son bilan. Et en décidant d’en parler, je dirais qu’il assume un peu sa responsabilité.
Maintenant, je ne comprends pas la violence avec laquelle les partisans de l’Apr s’en prennent à Abdoul Mbaye d’autant plus qu’il n’a rien dit de grave, il n’a rien dit de ce qu’ils présentent comme attaques personnelles contre le président. On lui accuse d’une attitude parce qu’on l’a fait partir, ensuite il a créé son parti comme si c’est parce que Macky Sall l’a choisi comme Premier ministre, Abdoul Mbaye n’a pas le droit de s’opposer à lui. Si Macky Sall ne s’était pas s’opposer à Abdoulaye Wade, il ne sera pas président. Il faut quand même qu’ils le sachent. Macky Sall est bien sorti des flancs de Pds. Et aujourd’hui, Abdoul Mbaye a parfaitement le droit de partir et d’expliquer les raisons pour lesquelles, il est parti. C’est aux Sénégalais de juger de la pertinence de son départ et de l’importance de ses propos. Mais, organiser des attaques comme ça, contre lui, ça ne me parait pas important du jeu démocratique…
Toutefois, il faut souligner que les cas d’Idrissa Seck, Moustapha Niass ne sont pas la même chose que celui d’Abdou Mbaye. Pour la simple raison que ce dernier n’était pas un membre à part entière de l’Apr. C’est quelqu’un de la société civile, du milieu professionnel qu’on a choisi pour devenir Premier ministre. Il ne fait pas partie des membres fondateurs de ce parti l’Arp encore moins militant actif de ce parti. Donc, il a été limogé pour insuffisance de résultats et peut être aussi qu’il ne partageait pas le même point de vue que le président de la République sur certains sujets. Donc, Abdoul Mbaye a quitté le pouvoir depuis longtemps, deux ans ou deux ans et demi, il a fait un livre dans lequel il a montré ses réalisations… Il a le droit maintenant de sortir et partir…
Maintenant, est-ce que ces attaques vont lui faire une bonne publicité ou le plonger dans ce qu’on appelle la victimisation, d’autant plus que les Sénégalais n’aiment pas les injustices ? Effectivement, si les Sénégalais voient que les partisans du président Macky Sall s’attaquent avec acharnement contre Abdoul Mbaye, ils vont en faire une victime. De la même manière que Macky Sall a bénéficié de l’indice de la victimisation pour pouvoir aujourd’hui devenir président de la République, Abdoul Mbaye peut aussi quelque bénéficier de cette mesure d’autant plus qu’il n’a rien dit de mal contre Macky Sall à part, “le président Macky, je ne lui reconnais plus…”. Il faut comprendre qu’Abdoul Mbaye est sur la voie des nouveaux leaders africains, moi, je ne le connais pas je ne suis pas de son parti et je n’ai pas l’intention d’y militer, mais, il incarne aujourd’hui une forme de nouveau leader à l’image de Patrice Talon au Bénin. De mon point de vue, je pense qu’il va réussir ».
DOCTEUR MOMAR THIAM EXPERT EN COMMUNICATION ET MARKETING POLITIQUE, DU CABINET CONSEIL EN COMMUNICATION WellCom’IN ET DG du Groupe HEIC Dakar : « Le fait d’être réfractaire à l’initiative d’anciens partenaires est inhérent… »
« L’attitude qui consiste à attaquer d’anciens collaborateurs qui se lancent en politique c’est, je dirais, de la politique. Le fait d’être réfractaire à l’initiative d’anciens partenaires est inhérent même à la pratique politique et je dirais même qu’elle est consubstantielle à celle-ci. Des exemples et non des moindres, sont derrière nous. Moustapha Niasse, quand il a rompu les amarres avec le Parti socialiste (PS) pour créer l’Alliance des forces de progrès (AFP), Djibo Ka, au moment de créer l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), Malick Gakou qui claque la porte de l’AFP pour créer le Grand Parti (Gp) et plus manifeste encore, l’actuel Président de la République, Macky Sall quand il a fallu mettre sur pied une organisation politique (Apr) pour la bataille présidentielle de 2012. Aujourd’hui l’ancien Premier Ministre Abdoul Mbaye s’est inscrit dans la même dynamique essuie les foudres de ses anciens amis et collaborateurs. C’est presque je dirais “dans l’ordre normal de la chose politique”.
Forcément ses premiers adversaires ce sont ses anciens partenaires ou collaborateurs membres de l’Apr avec qui, il a géré la chose publique avant d’être débarqué et remplacé par Madame Aminata Touré. La création de son parti politique Act participe d’une volonté manifeste, et somme toute légitime de marquer ses différences d’appréciation des priorités de gestion du pays, mais aussi de la méthodologie et des démarches à entreprendre face aux défis qui nous guettent. Ses prises de position autour du référendum constituaient la première salve qui annonçait, à mon sens, une volonté d’ouvrir une nouvelle page dans le versant de l’opposition. Donc, il ne faut nullement s’étonner que ses anciens amis se positionnent comme ses pires ennemis politiques. Il y a forcément une levée de boucliers de la part du pouvoir, parce que c’est un ancien premier ministre du Président Macky Sall qui vient grossir davantage les rangs de l’opposition.
Le traitement de cette actualité politique participe forcément à la promotion et à la communication du concerné, en l’occurrence Monsieur Abdoul Mbaye et vous savez mieux que moi que la presse a besoin de ces événements politiques qui, à force d’être traités substantiellement autour du registre “petites phrases”, amplifie la donne et occupe l’agenda médiatico-politique. La petite phrase ou la petite formule qui égratigne (chargée émotionnellement) du genre : “Je ne reconnais plus mon Macky”, participe inéluctablement à la promotion et à la vulgarisation du discours de son auteur. Seulement, dans une démocratie apaisée comme la nôtre, l’adversité ne devrait pas dépasser le cadre de la politique pour s’installer dans les méandres de l’injure, de la calomnie et de la méchanceté gratuite. Tout peut se faire dans une perspective constructive qui grandirait le pouvoir comme l’opposition. »