L’Afrique fait face à un double fardeau sanitaire. Si le sida et le paludisme restent endémiques, les affections « non transmissibles », généralement associées aux pays riches, pèsent de plus en plus sur les populations du continent. Elles devraient même monter sur la première place du podium des causes de mortalité en 2030. « Les pathologiescardiovasculaires, le diabète, les maladies pulmonaires chroniques et les cancers ne connaissent pas de frontières, souligne le docteur Cherian Varghese, coordinateur à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces pathologies affectent désormais de manière disproportionnée les Etats à faible revenu : 86 % des décès prématurés, avant l’âge de 70 ans, qui leur sont imputables surviennent dans ces pays. »
Tueuse silencieuse
Les raisons de ce désastre sont les mêmes que dans les pays plus développés. « Des facteurs de risque, qui agissent seuls ou en se combinant : le tabac, la sédentarité et une consommation excessive d’alcool. Sans oublier une alimentation transformée, trop riche en sel, en sucres et en matières grasses. Dans le contexte de la mondialisation, se nourrir de ces produits industrialisés est devenu, en Afrique, l’option la plus économique », déplore le docteur Varghese.
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Conséquence directe, le nombre d’événements aigus comme les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) explose. « Il y a dix ans, la première cause de consultation en neurologie était les infections du système nerveux central, comme les méningites, la toxoplasmose ou les abcès », note le docteur Laho Diallo, médecin chef du service de neurologie à l’hôpital de Kipé, en Guinée.« Désormais, la tendance a complètement changé. L’AVC est devenu la première cause d’admission aux urgences mais aussi la première cause d’hospitalisation en neurologie en Guinée. Les autres pays de la sous-région, comme la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore le Ghana, sont dans la même situation. C’est un véritable problème de santé publique. » En cause : l’hypertension artérielle, tueuse silencieuse qui abîme le cœur et les vaisseaux. C’est en Afrique qu’elle sévit le plus : en 2014, plus de 30 % des Africains de plus de 18 ans souffraient d’hypertension.
Des cancers mal traités
Le cancer est aussi devenu un problème de santé publique. « L’Afrique est concernée par tous les types », constate le docteur Varghese. Les cancers du col de l’utérus et du sein sont les plus fréquents chez les femmes. Les hommes, eux, sont touchés en premier lieu par le cancer de la prostate. Les cancers colorectaux et du poumon sont en train d’émerger, en lien avec l’adoption du tabagisme et de mauvaises règles diététiques. Mais la maladie a, sur le continent, ses spécificités : 25 % des cas sont dus à des infections virales chroniques. Les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C exposent particulièrement les populations au cancer du foie. Le virus du sida peut, lui aussi, provoquer certains cancers, comme le sarcome de Kaposi, qui se manifeste par des tumeurs malignes sur la peau et dans les viscères.
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Le manque de moyens financiers, techniques et humains vient assombrir le tableau. En Afrique, la majorité des cancers sont diagnostiqués à un stade avancé, en raison d’un défaut de dépistage précoce, mais aussi d’une méconnaissance des signes de la maladie, tant du côté des populations que des professionnels de santé. En outre, dans la plupart des pays, les malades ne peuvent pas avoir accès aux traitements. Sans surprise, la mortalité est donc très élevée. A titre d’exemple, le taux de survie à cinq ans dans le cas du cancer du sein est inférieur à 50 % en Gambie ou en Ouganda, alors qu’il est de presque 90 % en France.
Diabète et obésité
Le diabète a également gagné énormément de terrain. Selon le dernier rapport de l’OMS sur l’épidémie, 3,1 % des Africains étaient diabétiques en 1980. Ils sont désormais 7,1 %, soit 25 millions de personnes. C’est pourtant une maladie encore largement méconnue : environ 70 % des malades ignorent qu’ils en sont atteints. Par ailleurs, les traitements, à base d’insuline et d’hypoglycémiants, ne sont accessibles que dans une minorité de pays. Le diabète non traité est source de très graves complications telles que la cécité, les accidents cardiaques, l’insuffisance rénale ou la gangrène des membres inférieurs. « C’est aussi un facteur de risque majeur d’accident vasculaire cérébral », rappelle le docteur Diallo.
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L’obésité est en progression sur le continent où persistent paradoxalement de graves problèmes de malnutrition. Conséquence du développement socio-économique et du changement des habitudes de vie, on estime que 20 % à 50 % des populations urbaines africaines sont en surpoids ou obèses. De plus, des représentations et croyances favorisent la prise pondérale volontaire. Plusieurs études confirment que l’obésité est non seulement un critère de beauté en Afrique mais est aussi souvent perçue comme un signe de richesse, voire de bonne santé. Et la jeune génération a de quoi inquiéter : le nombre d’enfants africains de moins de 5 ans en excès de poids ou obèses a presque doublé entre 1990 et 2014, passant de 5,4 millions à 10,3 millions.
Beaucoup de décès dus aux maladies non transmissibles, de par les facteurs de risque qui les sous-tendent, pourraient être évités. Sur les 38 millions de décès provoqués par ces maladies en 2012, l’OMS estime que 16 millions, soit 42 %, étaient prématurés et évitables.
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