La mode «afro» est de retour. Les tignasses ont encore de beaux jours au Sénégal. Car, les Sénégalais en ont fait leur coiffure préférée ces derniers mois. Ce qui laisse présager que cette coiffure, riche en histoire, restera certes temporaire, mais qu’elle résistera toujours au temps. Parce que culturelle et historique, selon les connaisseurs.
La mode «afro», tant prisée dans les années 70, serait-elle en train de renaître de ces cendres ? En tout cas, il y a lieu de se poser la question. Certes, cette mode n’a jamais totalement disparu dans le monde. Mais force est de souligner que depuis plusieurs mois, elle est revenue au devant de la scène dans bien des parties du monde. Et le Sénégal et plus particulièrement sa capitale Dakar n’échappe pas à ce retour de la mode «afro». Ainsi, le constat est frappant, vu le nombre impressionnant de jeunes qui ont fini d’adopter ce style.
Cependant, le style que préfèrent ces jeunes maintenant, est très loin de se limiter à la «coupe afro» volumineuse, caractéristique des années 1970. Ils ont donc choisi la formule de la coiffure «afro» bien particulière, avec une tignasse moyenne, et pas énorme comme pratiquée aux temps par leurs aînés. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les formes sont diverses et variées.
En effet, c’est une mode «afro», avec une tignasse bien peignée, certes touffue, mais quand même bien taillée, un peu désordonnée pour laquelle énormément de jeunes Dakarois ont opté ces derniers mois. Un tour dans quelques coins et recoins de la ville, nous a permis de nous imprégner davantage des raisons de ce choix et de constater l’allure que cette coupe est en train de prendre.
C’est ainsi que, effectuant une ronde au niveau du terrain de football des Hlm-Grand-Yoff, nous y avons croisé les jeunes Alpha Oumar Ka et Baye Bia Guèye. Deux joueurs de football réputés dans ce quartier pour leur talent immense et aussi pour leur touffe qui ne laisse personne indifférent.
Bien avec sa tête, bien dans sa peau
Interpellé, sur les raisons de ce choix, Alpha Oumar Ka, le footballeur de teint clair, déclare : «Je suis Peulh et nous sommes réputés pour une poussée rapide de nos cheveux, même si à l’époque je me coupais les cheveux constamment. C’est après, avec le football, que je me suis dit qu’il me faut un look particulier qui me permettra de me démarquer du lot. Et c’est ainsi que j’ai décidé d’opter un mode plutôt classique en faisant un flash-back sur l’Afro, un choix rendu facile également par mon désir de ressembler sur le terrain à mon idole, Marouane Fellaini, le milieu de terrain belge de Manchester United».
Quant à Baye Bia Guèye, il explique qu’il a toujours aimé ce look. Et d’ailleurs, il se rappelle de son cursus scolaire, durant lequel il a eu toutes sortes de problèmes, à force de vouloir inlassablement laisser pousser ses cheveux. Devenant au fil du temps, un peu indépendant dans sa vie, par rapport à ses choix et s’adonnant au foot, il a fini par prendre sa liberté et se choisir une coiffure qui le mettait bien dans sa peau, dit-il.
«Ça me fait un énorme plaisir de prendre soin de mes cheveux, d’en faire ce que bon me semble. Je me sens très à l’aise dans cette coupe, car je suis bien dans ma peau. Pourtant, l’année dernière j’avais des tresses. Mais là, c’est la mode ‘afro’ avec laquelle je me sens vraiment très bien à l’aise. C’est en tout cas mieux que les tresses, surtout pour un homme. Parfois même, rien le fait de jouer avec mes cheveux bien touffus me permet de refouler le stress», affiche-t-il.
Une mode temporaire…
Toujours dans le même secteur, mais à quelques encablures du terrain de foot, tout juste de l’autre côté du quartier, vers les cours privés «Les Pédagogues», bien des jeunes élèves qu’on y a croisés se présentent dans la même coupe «afro». C’est le cas notamment de ce jeune élève, qui, malgré le fait qu’il porte une casquette, laisse apparaître sa chevelure bien garnie. Sa casquette n’empêche, en effet, pas ses cheveux de déborder.
Interpellé sur son look, Ahmed, l’élève en question, qui est en classe de Terminale, confie, tout en enlevant sa casquette : «Je refuse toujours de me coiffer à l’approche de l’hiver. C’est pourquoi j’avais laissé pousser ses cheveux vers la fin de l’année, en novembre dernier. Y ayant pris goût, j’ai laissé pousser et j’en suis là aujourd’hui. Car, malgré la taille de mes cheveux, mon dernier tour chez le coiffeur remonte au début du mois de novembre 2015. J’aime ce look, surtout si c’est modernisé. Parce que, quoi qu’on en dise, c’est très joli et c’est purement africain. Malheureusement, je vais devoir me coiffer bientôt. Parce que mon ‘afro’ commence à devenir impressionnant et on est dans un pays où les gens n’y voient que du négatif. En plus de ça, cette année, on ne peut pas parler de froid, donc avec la chaleur qui est déjà là, je devais faire un tour sous peu chez le coiffeur pour passer à autre chose».
Après avoir mené notre ronde au bout à Hlm-Grand-Yoff, nous avons fait cap sur Yoff, quartier populeux réputé de Dakar. Ici, notre pérégrination nous conduit au même constat. Beaucoup de jeunes que nous avons abordés sont en mode «afro». Et ils disent tous se sentir bien dans cette coiffure, surtout qu’elle est à la mode dans le monde entier. Soulignant que, quand on est jeune on doit vivre avec son temps, nombre d’entre eux disent avoir adopté cette mode de manière passagère. Donc, dès qu’elle ne sera pas d’actualité, ils vont passer à autre chose.
…Qui résistera toujours au temps
Parlant au nom de ses amis, Alassane Fall dit Alzeus, guitare à la main, déclare : «J’ai créé un groupe appelé ‘Afrostars’ où nous nous sommes regrouper en tant qu’artistes. Et tout en nous s’identifiant au concept du groupe, nous avons opté pour cette coupe de cheveux ‘Afro’. Nous sommes au nombre de 5 et nous comptons à travers notre musique et notre concept de ‘Afrostars’ revaloriser cette coupe de cheveux qui est purement africaine. Cette coupe avait une symbolique politique et culturel. La lutte pour les droits civiques et l’affirmation culturelle des descendants d’Africains aux Etats-Unis, dans les années 50, 60 et 70. Et aussi, avec le mouvement ‘Black is Beautiful’ qui a consacré la culture noire comme indépendante, sous plusieurs aspects et qui refuse catégoriquement la dépendance aux canaux de l’époque».
Apparemment grand connaisseur en matière de mode «afro», Alzeus de renchérir en expliquant qu’«en ce qui nous concerne, nous Africains, l’origine de cette coiffure remonte à l’époque de l’occupation italienne du Kenya. De vastes réseaux de rebelles s’organisèrent à l’époque pour résister. La coiffure crépue bouffante traditionnelle de ces combattants devint alors un modèle pour le style ‘afro’».
Toutefois, il signale aussi que le symbole du peigne «afro» a été marqué par la cristallisation des affrontements interraciaux des années 1970, avec la doctrine du ‘Black Power’ lancée, entre autres, par Malcolm X, pour faire le tour de la planète. Cela, avant d’être déprécié vers les années 1980, sous Ronald Reagan et George Bush père, qui ont eu à amener une relative intégration. Et ainsi, on a eu à voir diminuer le nombre d’amateurs de cette coupe ‘afro’ qui avait fini d’envahir les Etats-Unis, sans pour autant qu’elle ne disparaisse. Je crois d’ailleurs qu’elle ne disparaîtra jamais, parce que c’est à la fois culture et historique. Ça résistera toujours au temps, parce que éternelle. Il y aura des époques où ce sera à la mode et d’autre où ce sera moins visible».
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