Pour les primaires du Delaware, qui ont lieu mardi 26 avril, les deux favoris du scrutin, Hillary Clinton pour les démocrates et Donald Trump pour les républicains, ont de quoi se sentir chez eux. Les deux candidats ont en effet immatriculé plusieurs sociétés dans cet Etat, qui fait office de paradis fiscal pour les États-Unis.
L’ironie de l’histoire est que les adversaires politiques vont jusqu’à partager la même la même adresse : 1209 North Orange Street à Wilmington, selon le quotidien britannique The Guardian. Ils ne sont pas les seuls : cet immeuble de briques jaunes n’abrite pas moins de 285 000 sociétés, soit 15 fois plus que les 18 000 enregistrées dans un petit bâtiment de cinq étages situé dans les îles Caïman que Barack Obama avait pris en exemple pour dénoncer les subterfuges de l’évasion fiscale.
M. Trump et Mme Clinton sont en bonne compagnie avec Apple, American Airlines, Coca cola ou en encore Walmart. Des sociétés qui font partie des cinquante plus grands groupes américains, qui selon l’association Oxfam America détiennent ainsi plus de 1 600 filiales dans des paradis fiscaux, qui totalisent des avoirs de 1 400 milliards de dollars.
Un million de sociétés pour 935 000 habitants
L’intérêt du Delaware est de bénéficier de règles strictes sur le secret des affaires, d’une simplicité sans égal pour l’enregistrement d’une société et de ne pas être imposé sur les revenus non-physiques générés en dehors de l’Etat. En 2012, le New York Times avait évalué le manque à gagner pour les autres États à plus de 9 milliards de dollars sur la décennie précédente. Une bonne raison pour que le Delaware abrite plus d’un million de sociétés pour seulement 935 000 habitants, selon l’Institut on Taxation and Economic Policy.
Parmi celles-ci, ZFS Holdings LLC, une société enregistrée par Mme Clinton en février 2013, un peu plus d’une semaine après avoir quitté le secrétariat d’Etat pour y loger les 16 millions de dollars qu’elle a gagné grâce à ses conférences données pour des grandes entreprises et les droits d’auteure de son livre. Son mari, Bill, s’était livré à la même opération dès 2008 au travers d’une société baptisée WJC LLC. Un porte-parole de la candidate a assuré au Guardian qu’« aucun impôt fédéral ou local n’a été économisé par les Clinton grâce à ces structures », précisant qu’elle avait été créée pour « gérer les revenus de ses discours et de son livre ». Mme Clinton a promis qu’une fois élue présidente, elle mènerait une lutte « contre les paradis fiscaux et les failles que les super-riches exploitent à travers le monde, au Panama et ailleurs ».
Donald Trump, lui possède 378 sociétés immatriculées dans le Delaware sur les 515 qu’il possède. Un chiffre qu’il a évoqué vendredi 22 avril, lors d’un meeting à Harrington (Delaware) en expliquant : « Cela signifie que je vous verse beaucoup d’argent. Je ne me sens pas coupable. » Parmi ces sociétés, la tour du 40 Wall Street, dans le sud de Manhattan, et le Trump Carousel à Central Park. Le candidat républicain n’a pas dit si ces immatriculations dans le Delaware lui permettent de payer moins d’impôts qu’à New York. Le fait de disposer d’une adresse dans cet Etat n’a rien d’illégal, mais dans le contexte électoral actuel et après le scandale des « Panama papers », la situation fiscale des candidats va être plus que jamais regardée à la loupe.