Point de vue d’un spécialiste ( Mamadou Gomis, photographe et chercheur)

Dans un monde obsédé par l’image, les photographes jouent un rôle crucial en capturant des moments, des histoires à travers leurs images qui nous parlent. Et la photographie permet de briser la relation souvent hiérarchique entre image et texte. Seulement, à la suite de la grande quantité d’images de blessés et de cadavres qui ont été photographiquement documentées et diffusées dans les médias et les réseaux sociaux au cours des dernières décennies, des questions liées à la construction de paysages de mort émergent de jour en jour avec beaucoup de force. La lutte contre ce fléau est une bataille politique et philosophique. La photographie n’est pas seulement un métier, c’est une noblesse. L’ère numérique a élevé des questions liées à la construction de paysages de mort vers de nouveaux sommets. La force et la puissance sont associées à la mort. La photographie aussi.

L’invention de la photographie a considérablement influencé la façon dont les gens se souviennent et/ou pleurent les morts. Les progrès technologiques de la photographie ont également bien influencé – et influencent encore – la manière dont les conflits, les accidents et les atrocités sont documentés, diffusés et reçus. Toutefois, la photographie ne reflète pas nécessairement et simplement la représentation de la mort, les conflits ou les atrocités. Elle ne s’en limite pas non plus. Elle joue un rôle plus pertinent dans la recherche, la publication et la diffusion. Malheureusement, la photographie semble toujours s’engager directement dans ce qui paraît être un domaine contemporain de crises, d’atrocités et de conflits qui nous affecte tous et soulève des questions importantes qui sont non seulement historiquement pertinentes, mais qui semblent davantage refaire surface, aujourd’hui plus exigeantes en Afrique et ailleurs.

Depuis les premières années de sa création, la photographie vise également, et plus important encore, à ouvrir la discussion à diverses perspectives pour offrir un aperçu des paysages culturels et sociaux variés du deuil, de la mémoire, de la mémorialisation, ainsi que les significations symboliques changeantes inscrites dans les rituels, l’esthétique, les technologies et les divers lieux. Pour cela, être photographe implique bien plus que maîtriser la technique de l’appareil photo ; c’est une vocation qui demande de la passion, du dévouement et une capacité exceptionnelle à bien communiquer à travers des images de blessés et de cadavres.

Mamadou Gomis, photographe et chercheur, président de la Fédération africaine sur l’art photographique (FAAP).

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