Aide à la presse : Ces bizarreries dans la répartition

On en sait désormais un peu plus sur l’aide à la presse. Un sujet longtemps objet de discussion sans que le public ne dispose de chiffres. Mais avec la sortie vendredi du ministre de la Communication et la publication d’une liste dans l’édition de ce lundi du journal Libération, on a désormais une idée beaucoup plus nette de ce qui se passe. Et c’est là qu’on découvre des pratiques jusqu’ici insoupçonnées.

 
Certes chaque année, il y a eu une polémique sur le sujet, mais on entendait toujours les patrons des groupes de presse comme Sidy Lamine Niass, son fils Cheikh Niass, Bougane Guèye ou alors des figures de la presse écrite comme Mamadou Oumar Ndiaye, Mamadou Ibra Kane ou Madiambal Diagne.
 
Mais on était loin de se douter de ce qui se passe. Voyons d’abord les autres rubriques, c’est-à-dire l’argent qui n’est pas allé à la presse. Par exemple, la rubrique ‘’fonctionnement’’ a bouffé 190 millions. Autrement dit, un tel montant rien que pour distribuer l’aide. Pour la publicité et les supports, 50 millions ont été dépensés, alors qu’un simple communiqué aurait mobilisé tout le patronat de la presse. 226 millions ont été dépensés pour la rubrique ‘’étude, formation, forum et salon’’ contre 70 millions pour les ‘’recours et omissions’’. Le ministre disait qu’il y a 800 millions qui ne sont pas allés à la presse. Avec ces chiffres, on y voit un peu plus clair.
 
S’agissant de l’argent attribué à la presse, on note des chiffres totalement différents d’un organe à l’autre, surtout du côté de la presse écrite. Par exemple, des journaux comme EnQuête, Le Quotidien et Le Témoin ont eu chacun 8 millions en 2023. Pendant ce temps, des quotidiens comme Bes-bi, Source A et les Echos ont 10 millions pour le premier nommé et 12 millions pour les deux derniers nommés.
 
Rappelons que EnQuête est né en 2011, Le Quotidien en 2003 alors que Le Témoin fait partie des pionniers de la presse indépendante des années 1980. Comment justifier 8 millions pour Le Témoin, un journal qui date de 40 ans presque et 12 millions pour SourceA, né en 2018 ou alors Besbi né en 2021 ?  Ceux qui sont dans la presse savent que Source A n’a ni un meilleur contenu, ni plus de ressources humaines que Le Témoin.
 
Du côté de la presse en ligne, un site comme Senego a eu 1 million contre 12 millions pour Leral, 16 millions pour PressAfrik, 24 millions pour Dakaractu et 26 millions pour Seneweb. Là aussi, difficile de comprendre les critères d’attribution. Le patron de Senego a beau avoir des méthodes décriées (il n’est pas le seul d’ailleurs), il a quand même un site bien suivi. Même des sites comme Toutinfo (4 millions), Wannel Tv (2,5 millions), Surleterrain.net (1,5 million) ont eu plus que Senego.
 
Mais il reste encore une curiosité : c’est le site almassirah.sn qui a bénéficié de 10 millions, alors qu’il est inconnu du paysage médiatique. Nous avons fait des recherches sur Google, mais ce qu’on nous propose n’a rien à voir avec un site d’information au Sénégal. Le site Almassirah qui traite de l’information est plutôt basé au Yémen. Pendant ce temps, un site d’information économique comme LeJecos, bien connu au Sénégal, a eu 1 million.
 
S’agissant des groupes de presse, on a vu que Walf qui dispose de tous les supports médiatiques a eu 20 millions en 2023 contre 69 millions pour Gfm, 47 millions pour Emédia et 40 millions chacun pour Dmédia et 3M universel, le groupe de Maïmouna Ndour Faye. A titre comparatif, Dmédia et Walf ont chacun une télé, une radio, un journal et un site internet. Maïmouna Ndour Faye qui n’a qu’une télé et un site internet se retrouve à égalité avec Bougane et encaisse plus que Cheikh Niass.
 
Ce même Walf passe de 70 millions en 2022 à 20 millions en 2023. L’explication est à chercher auprès de l’ancien ministre de la communication, Moussa Bocar Thiam. « L’aide à la presse c’est pour pousser l’organe de presse à être plus rigoureux dans le traitement de l’information (…) Les sanctions de Walf sur certains de ses programmes par le CNRA peuvent expliquer cette baisse sur la répartition du fonds d’appui à la presse », disait ce ministre qui avait pris Walf comme cible du fait de sa couverture des évènements politiques.
 
On comprend pourquoi de 2000 à maintenant, les gouvernements qui se sont succédé ont toujours refusé de publier l’arrêté de répartition tant réclamé par certains patrons comme Mamadou Ibra Kane de Africom.   

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