Le chef de l’Etat, Macky Sall, a surpris plus d’un, ce lundi 3 juillet, en déclarant qu’il ne se présentera pas à la prochaine présidentielle de février 2024. Il compte donc organiser des élections auxquelles il ne prendra pas part en tant que président en exercice. Une première dans l’histoire politique du Sénégal. Seneweb regarde dans le rétroviseur.
« Mes cher(e)s compatriotes, ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024 (…) Contrairement donc aux rumeurs qui m’attribuaient une nouvelle ambition présidentielle, je voudrais dire que j’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. C’est cela que j’avais dit et c’est cela que je réaffirme ce soir. J’ai un profond respect pour les Sénégalais et les Sénégalaises qui m’ont lu et entendu. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole ». C’est en ces termes que le chef de l’Etat, Macky Sall, par ailleurs patron de l’Alliance pour la République (Apr) a décidé de renoncer à une éventuelle troisième candidature qui lui avait été prêtée depuis longtemps. Ce, malgré les nombreux appels de gros pontes du pouvoir l’invitant à tenter le coup pour un « second quinquennat».
Ce qui fait que sa décision est fortement saluée par les Sénégalais et la classe politique, notamment dans le camp de l’opposition. Car, si on se fie à sa déclaration de ce 3 juillet, Macky Sall sera le seul président sénégalais à se limiter à n’exercer que deux mandats et à organiser des élections auxquelles il ne prend pas part. « Le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders capables de pousser le pays vers l’émergence », a-t-il ainsi réaffirmé aux Sénégalais.
Senghor et Diouf se « partagent » 7 mandats, Wade tente un troisième
Il a fait mieux que ses trois prédécesseurs. En effet, poète, écrivain, homme politique sénégalais, Léopold Sédar Senghor, premier Président de la République du Sénégal (1960-1980) est resté 20 années (quatre mandats 1963, 1968, 1973 et 1978) avant de démissionner de la Présidence, avant le terme de son cinquième mandat, en décembre 1980. Abdou Diouf, Premier ministre d’alors, le remplace à la tête du pouvoir, en vertu de l’article 35 de la Constitution.
Ce dernier en a exercé trois mandats (1983, 1988 et 1993). Mais Abdou Diouf sera déchu en 2000 par Abdoulaye Wade (Pds), alors qu’il tentait le coup pour un quatrième mandat comme son idole et prédécesseur Senghor, du même camp politique. C’est le début de la première alternance politique.
Toutefois, Abdoulaye Wade, réélu en 2007, a, lui aussi, voulu tenter « un mandat de trop » en 2012. Ce qui suscita une vague de contestations portées par le Mouvement du 23 juin (M23) composé d’opposants politiques, d’activistes et de membres de la société civile sénégalaise.
Wade est battu en avril 2012 par son ancien Premier ministre Macky Sall, qui a claqué le 9 novembre 2008, la porte au PDS et démissionné de tous les mandats électifs acquis sous la bannière du parti au pouvoir d’alors. Moins d’un mois plus tard, il crée, avec une trentaine de cadres libéraux, l’Alliance pour la République (APR).
Commence alors pour le natif de Fatick une « longue marche » dans les régions les plus reculées du pays, avec en ligne de mire la présidentielle de 2012. Celui qui n’a jamais pensé être président de la République nourrit désormais des ambitions.
« Lorsque je suis entré en politique, je n’avais pas pour ambition d’être président de la République. Cette ambition, je l’ai eue lorsqu’on m’a imposé un combat à l’Assemblée nationale. Même étant Premier ministre, je n’y pensais pas », disait-il lors d’un forum sur la citoyenneté en 2017.
Candidat de la coalition « Macky 2012 », il mène campagne à travers le pays sans couper avec le mouvement d’opposition du 23-Juin (M23). Il arrive en deuxième position du premier tour, avec 26,58 % des voix contre 34,81 % au président sortant.
Dans l’entre-deux-tours, il parvint à réunir tous les autres candidats battus dans la coalition Benno Siggil Sénégal et emporta le second tour le 25 mars avec 65,80 % des voix contre 34,20 %.
En 2016, une révision de la constitution de 2001 est adoptée par voie référendaire sous l’impulsion du président Sall. Il ramène le mandat présidentiel de 7 à 5 ans.
Macky Sall: « La constitution m’en donne le droit, mais… »
Lors de sa campagne électorale, le président Macky Sall avait promis que cette réduction s’appliquerait à son magistère. Mais le Conseil constitutionnel a donné un avis contraire. Seul son deuxième mandat sera un quinquennat, ont d’ailleurs précisé les « Sept Sages ». Conséquence, Macky Sall est réélu pour un nouveau mandat de 5 ans en 2019. Et cet argument a toujours été brandi par Macky Sall et ses proches qui affirmaient que le président peut bel et bien briguer un troisième mandat.
Si lors de plusieurs apparitions, le chef de l’Etat avait déclaré que son mandat en cours est le dernier qu’il briguait, sa position a changé depuis longtemps.
Lors de plusieurs rencontres avec la presse, il estime qu’il a le droit de se présenter comme candidat lors de la prochaine présidentielle prévue en 2024. Selon lui, le Conseil constitutionnel « a estimé que (son) premier mandat était intangible et qu’il était hors de portée de la réforme ».
Une position qu’il a réitérée ce lundi 3 juillet en ces termes : «(…) et cela, même si la constitution m’en donne le droit. En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2016, le débat juridique a été définitivement tranché par la décision du Conseil Constitutionnel n°1-C-2016 du 12 février 2016 ».
Il a, enfin, instruit son gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires pour le bon déroulement du scrutin du 25 février prochain. Sa volonté sera-t-elle traduite en actes concrets ? En attendant, il faut admettre que celui qui n’a pas encore dévoilé son candidat à cette élection est définitivement entré dans l’histoire politique du Sénégal.