Situation du pays: La Sortie inespérée de Madicke NIANG

Mes chers compatriotes,

J’ai été tenté de me taire et de vivre, dans le silence, ma souffrance de voir le pays que j’aime tant sombrer dans la détresse, mais une voie intérieure m’a interpellé pour me dire que mon mutisme risquerait de laisser des traces négatives et indélébiles dans ma conscience. Ce qui m’emmène à m’adresser à vous pour proposer, en toute humilité, des pistes de réflexion pour une sortie de crise dans le but exclusif de servir notre cher pays.

Au lendemain des manifestations violentes qui ont eu lieu entre le 1er et le 3 juin 2023, le bilan officiel communiqué par les autorités compétentes fait état de 16 décès et près de 400 blessés. Plusieurs de nos médias révèlent que l’Université Cheikh Anta Diop, des chaînes de grande distribution, des réseaux de station d’essence, des infrastructures et moyens de transport, des banques et institutions financières ont été attaqués. La liste est loin d’être exhaustive.

Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal une manifestation a causé autant de pertes en vies humaines, autant de dommages corporels, autant de dégâts matériels dans autant de secteurs vitaux de notre économie. Le Sénégal pays de dialogue qui, avant les ressources minières, pétrolières et gazières, avait considéré comme ses principaux atouts la paix, la stabilité et l’hospitalité, vient de servir au monde entier une image particulièrement négative.

En tant qu’ancien Ministre chargé des Affaires étrangères qui, pendant trois années durant, ai eu à présenter au monde l’image d’un Sénégal havre de paix et réserve infinie d’opportunités pour les investisseurs, je ne peux que ressentir une tristesse infinie et un profond malaise. Tristesse incommensurable de voir des pertes en vie de jeunes sénégalais qui constituaient un espoir de prospérité pour eux-mêmes mais aussi pour leurs parents.

Malaise sans fond d’assister à la destruction en quelques jours de tant de biens appartement à des nationaux et des étrangers qui ont eu le seul tord d’avoir choisi le Sénégal, sur la base de sa réputation de pays de paix et de stabilité, pour y investir.

Je présente mes sincères condoléances à la nation sénégalaise ainsi qu’aux parents et amis des victimes. Je compatis sincèrement à la douleur immense que vous ressentez. J’exprime ma profonde désolation pour les personnes dont les biens ont été saccagés. Pourtant, dans mes précédents messages, notamment dans celui que j’ai lancé à l’occasion de la Korité 2023, j’avais suffisamment tiré la sonnette d’alarme en disant que la seule issue pour préserver la paix au Sénégal était un dialogue sincère et inclusif.

Mais l’heure n’est pas aux remontrances. L’heure est à l’écoute. L’heure est à la recherche de voies de sorties de crise avant qu’il ne soit trop tard. Je ne peux d’abord que joindre ma modeste voie à celle de Monsieur Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies qui « exhorte tous les acteurs (…) à la retenue » et à celle de Monsieur Moussa Faki Mouhamed, Président de la Commission de l’Union Africaine, qui appelle « tous les acteurs à un dialogue pour surmonter leurs divergences ».

Nous sommes tous des sénégalais, nous avons tous fondamentalement été éduqués dans les valeurs cardinales de paix et de respect de la vie humaine. Dès lors que notre ennemi commun, la colère, nous a poussés à agir contre notre nature, l’instant de calme actuel doit nous conduire, de part et d’autres, à une sérieuse introspection pour arrêter de porter atteinte à la vie, à l’intégrité et aux biens des sénégalais comme des étrangers.

La Communauté internationale nous regarde. Nous sommes à la croisée de notre destin de nation. Nous pouvons choisir de nous enfoncer pendant des dizaines d’années dans les basfonds de la terreur partagée, mais j’ai confiance au génie pacifique de notre peuple, il ne choisira pas cette voie.

Mes chers compatriotes, vous qui exercez le pouvoir par la volonté divine, mes chers compatriotes, vous qui aspirez à diriger ce pays en proposant aux sénégalais d’autres voies de prospérité, la seule urgence du moment est la recherche du salut pour notre peuple.

Vous le savez, je le sais, notre salut du moment réside exclusivement dans notre engagement, avec courage et responsabilité, dans la voie d’un dialogue inclusif regroupant tous les acteurs politiques. Je suis convaincu qu’au fond de chacun d’entre nous s’est installée une profonde meurtrissure qui n’en sortira que le jour où la paix reviendra définitivement au Sénégal.

Donnons-nous la chance de laisser à l’histoire la plus belle page de hauteur et de sacrifice pour remettre le destin de notre pays sur les rails de ses valeurs intrinsèques de  paix, de solidarité et d’humanisme (jamm, ndimbal ak yeurmandé). Je vous en conjure par la grâce de Dieu, écoutez votre raison, écoutez votre amour pour ce pays.
Dieu sauve le Sénégal.

Président Madicke NIANG

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