Le journal « Le Quotidien » célèbre ses 20 ans d’existence ce vendredi 24 février. Une occasion saisie par le directeur de publication pour dire son « seul regret » : celui du retard accusé dans la numérisation du canard.
Texte in extenso
Cher ami lecteur,
Le journal que tu as entre les mains a vingt ans aujourd’hui. L’aventure avait démarré le 24 février 2003. Ce jour-là, je t’avais interpellé à la deuxième personne du singulier, faisant le pari de la proximité, de la familiarité, de la constance et de la durée. 20 ans, c’est la consécration de l’âge adulte, mais c’est surtout le moment où l’impulsion de grandes réalisations d’une vie doit être effective.
Je voudrais faire acte de reconnaissance à ta fidélité, à ton soutien et surtout à la confiance toujours accrue que tu n’as de cesse d’apporter à ce journal. Notre équipe tâchera de mériter davantage de la confiance de ses lecteurs et annonceurs. C’est le lieu de féliciter l’ensemble de nos collaborateurs et leur témoigner notre gratitude. L’esprit Quotidien, la famille Quotidien disons-nous, est demeuré, en dépit des vicissitudes de la vie, des difficultés d’un environnement médiatique toujours plus précaire. Mais nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons réussi notre pari de tirer les choses vers le haut, non seulement pour renforcer l’offre médiatique avec un journal de qualité, devenu un journal de référence, mais aussi les conditions sociales et de travail de nos collaborateurs font envie. Encore une fois, pour avoir vu tout ce que cette aventure est, et demeure, depuis la genèse du projet jusqu’à son positionnement comme une des références au Sénégal et en Afrique, je ne peux que saluer le parcours et louer l’ensemble des personnes qui ont contribué à faire de ce journal ce qu’il est. Beaucoup, à nos débuts, nous prédisaient un avenir sombre et une impossible survie dans un des secteurs d’activités les plus ardus. Après plus de 6000 éditions publiées et vingt ans à nous acquitter de nos engagements initiaux auprès des lecteurs, je ne saurais ne pas revenir sur ce qui fait la spécificité du Quotidien et ce qui fait cet esprit qui, malgré le temps, nous permet d’être toujours debout, en tant que témoin fidèle de l’actualité et de l’histoire du Sénégal, au jour le jour.
Le Quotidien, c’est un esprit fait de constance, de liberté, d’engagement, de courage, de respect de la différence et de promotion des idées. Nous avons pu mettre en place une rédaction où tous les collaborateurs sont mus par une obligation d’informer juste et vrai, quoi que cela en coûte. Les procès d’intention, les a priori et les calomnies ne peuvent pas manquer quand on choisit cette voie de la vérité et d’un journalisme objectif basé sur les faits, avec un commentaire fait de lucidité et sans complaisance. Tous ceux qui sont passés ou évoluent présentement dans la rédaction du Quotidien peuvent témoigner de cet esprit de liberté et de démocratie à l’interne, et que traduit bien la liberté de ton de nos articles. Je ne le dirai sans doute jamais assez, aucun de mes collaborateurs ne peut se lever pour dire avoir été manipulé ou chargé par le patron du journal pour écrire à l’avantage ou en défaveur d’une quelconque personne ou groupe ou obédience. Que tout le monde se le tienne pour dit ! Je ne me suis jamais réfugié derrière la signature d’un de mes journalistes. Si j’ai des choses à dire, je l’écris moi-même et le signe.
Je peux dire que Le Quotidien, en deux décennies, est un témoin privilégié de l’histoire vivante du Sénégal. Il a abordé tous les changements majeurs de notre pays, éclairé la lanterne sur beaucoup de sujets d’intérêt, donné la parole à tous les pans de notre société et porté une certaine idée du Sénégal partout. C’est un titre qui s’est fait un allié indéfectible de la vérité et de la démocratie, face à toutes les formes d’adversité. C’est un journal qui n’a cessé de lutter pour un mieux-être et une meilleure construction nationale. Le chemin a pu être éprouvant, mais on ne peut qu’être fier de le voir bien haut et constant dans son esprit de départ. Si nous avons pu nous faire une vigie de la République et de la démocratie, c’est de la confiance tirée en nos lecteurs et d’une pleine mesure de l’importance de notre rôle dans la marche de notre pays.
Après vingt ans, si je peux émettre un regret, c’est sûrement le retard accusé dans la numérisation de ce journal, avec l’offre d’une rédaction entièrement digitale. Le pari dès le début en 2003 était d’être présent en kiosque et en ligne. C’était réussi avec un journal qui paraissait sur internet en même temps qu’il était vendu dans les rues. Un projet, que d’aucuns avaient considéré comme trop ambitieux ou même prétentieux, voulait, face aux mutations dans la presse, faire embrasser au Quotidien une numérisation totale avec une web Tv et une rédaction digitale, dès le premier jour de sa parution. L’opposition de certains membres de la rédaction sur la base de revendications syndicales grippera cette initiative. Ils considéraient que cela ferait un double travail, un double emploi et en conséquence, nécessitait un double salaire. Nous ne pouvions pas nous offrir ce luxe, et le leur avions fait savoir. L’histoire finit par rattraper les médias pour faire comprendre que la panacée, pour garder des médias viables et forts, reste de se tourner vers le numérique ; ce que je proposais il y a vingt ans… Nous nous serions engagés plus activement dans ce créneau, presque avant tout le monde au Sénégal, que nous aurions pris une bonne avance ! Malheureusement, notre volonté était tombée à l’eau et par la suite, des sites agrégateurs de contenus ont vu le jour dans le paysage médiatique sénégalais et africain, faisant du contenu de ce journal un de leurs éléments de notoriété. On pourra dire que nous avions raté un virage, mais il ne manque pas de ressources, d’ambition et d’énergie pour combler le gap. Cela, dans un esprit d’offrir du journalisme de qualité, du journalisme responsable, du journalisme véridique, à nos lecteurs de partout et de contribuer à notre manière à la construction de notre pays.
Nous n’avons pas tout réussi. Le Quotidien avait lancé l’initiative d’une Edition du Dimanche, une première au Sénégal, mais l’expérience n’avait duré qu’une seule année, du fait que les vendeurs de journaux n’étaient pas très enthousiastes à travailler ce jour, d’autant qu’ils n’avaient qu’un seul titre à distribuer. Notre volonté de diversification, notre ambition, nous avaient aussi poussé à lancer d’autres titres et une radio, qui avaient fini par être emportés par des actes d’hostilité de pouvoirs politiques, mais aussi par de graves travers dans la gestion managériale. Nous sommes à chaque fois retombés sur nos pieds, pour nous dédier à sauver le navire-Amiral, Le Quotidien. Joyeux anniversaire ! Une promesse : le meilleur est à venir ! Une pensée pieuse pour d’anciens collaborateurs disparus : Ibrahima Sakho, Koudédia Mar, Pa André Diouf, Grand Birane Gning, Soro Diop, Ndèye Fatou Diop.
Madiambal Diagne