De nos jours, le « diaxal, cette somme donnée à la famille éplorée, lors d’un décès pour alléger les dépenses des funérailles, a perdu tout son pesant d’or. Si l’on s’en tient à certaines confidences sur comment il est amassé et ce qui en est fait, on est forcément parcouru de frissons.
En effet, tous les moyens sont bons pour ramasser de l’argent. Dans le cadre de ses reportages sociétaux, Actusen.com a rencontré quelques Dakarois qui nous ont raconté des pratiques sur le phénomène à vous couper le souffle.
Il est dépouillé de son sens premier. Pour cause, remis aux familles éplorées, lors du rappel à Dieu d’un membre de celles-ci, pour les aider à faire face aux dépenses inhérentes aux funérailles, le « diaxal » est, de nos jours, source de déchirure entre parents. Surtout lorsque le défunt est un père de famille qui a laissé derrière lui plusieurs épouses. Pis, il épouse souvent les contours d’une tontine qui ne dit pas son nom.
Ndèye Diop, la quarantaine, teint noir, fait ses achats en plein centre-ville. Nous sommes à Sandaga. Un jeudi matin, aux environs de 11 heures. La dame encore célibataire est commerçante.
De taille fine, on l’a croisée avec plein de sachets en main, comme si elle venait de dévaliser toutes les boutiques. Concernant le « diaxal », cette Saint-Louisienne en a vu toutes les couleurs. « Lors des funérailles, à côté de la peine engendrée par la perte d’un être cher, il y a le réconfort de recevoir le diaxal.
Dans certaines familles, les gens ne sont intéressés que par l’argent qu’ils vont empocher. C’est devenu un fond de commerce. Puisque toutes tes connaissances sont obligées de mettre la main à la poche. Particulièrement ceux à qui tu as eu à remettre de l’argent pendant un événement malheureux ou heureux. Sinon, tu risques de les bouder à jamais », explique Ndèye Diop.
« C’est du donnant-donnant», explique-t-elle, affirmant que certains n’hésitent pas à faire main basse de l’argent du « diaxal » en le cachant aux autres membres de la famille.
Plus elle se confie à Actusen.com, plus elle étouffe de colère. «Je suis offusquée par certains comportements ici au Sénégal, surtout pendant les jours de deuil. On appelle les gens par téléphone, pour les informer du décès. Souvent, c’est pour que, même s’ils ne viennent pas présenter leurs condoléances, ils envoient le « diaxalé», déplore-t-elle.
Retour sur les Allées du Centenaire. Il est 13 heures, le soleil commence à se faire sentir. La chaleur s’installe peu à peu. Ibrahima Thioune est mécanicien à la retraite. Assis devant sa maison, il est en train de suivre les voitures dans leurs incessants va-et-vient.
Ibrahima Thioune : « c’est l’occasion pour les voisins de faire la noce. Ils se rendent chez la famille éplorée que pour manger »
Sexagénaire, Ibrahima Thioune a les cheveux tout blancs. C’est un papi, dans un caftan beige. Lui aussi, regrette certaines pratiques devenues monnaie courante à notre époque. figurez-vous qu’en plus du « diaxal », les voisins aussi sont attirés par les jours de deuil. N’est-ce pas Surprenant!!! C’est l’occasion pour les voisins de faire la noce. Ils se rendent chez la famille éplorée que pour manger », raconte-t-il.
Comme on prépare matin, midi et soir, ils viennent en profiter pour se régaler. Ils sont présents 24h/24, soit disant pour soutenir la famille», souligne Pa Thioune, comme l’appellent certains. Mais ils cachent leurs véritables intentions, selon lui. En réalité, «ils ne viennent que pour remplir leur ventre, trouver des ragots à colporter et vérifier si la famille a les moyens pour subvenir aux besoins des funérailles. C’est incroyable», s’étonne-t-il.
« De nos jours, que tu le peux ou pas, tu dois le donner même si tu dois aller t’endetter quelque part, sinon la famille éplorée risque de t’en vouloir pour toujours »
Décidé à nous apprendre davantage sur l’origine du « diaxal », Pa Thioune indique que : «c’est pour aider la famille à mieux gérer les dépenses lors des funérailles. Le « diaxal » est volontaire pour aider une famille éprouvée. Nous savons tous que la mort ne prévient pas. Il se peut qu’elle débarque à un moment où la famille n’a pas beaucoup de moyens et le diaxal servira à la soulager un peu ».
Mais « de nos jours, que tu le peux ou pas, tu dois le donner même si tu dois aller t’endetter quelque part, sinon la famille éplorée risque de t’en vouloir pour toujours », regrette-t-il.
Quelques minutes plus tard, on se retrouve à la Rue 25 de la Médina. Un quartier bruyant, à n’importe quel moment. Des enfants par-ci et par-là, jouent, au bord de la route, sans faire attention aux véhicules qui défilent. Les cordonniers s’attèlent à la fabrication de leurs chaussures « Made in Sénégal ».
Mariama Touré vend de l’arachide, juste à l’angle. Avec sa fille au dos, la dame, teint clair, taille fine, est sanglée dans son ensemble taille basse. Une chose particulière l’a choquée pendant le 8eme jour du rappel à Dieu d’un habitant du quartier. Elle se le rappelle jusqu’à présent, avec beaucoup de chagrin.
« Ce jour-là, je ne m’attendais pas à une telle chose. Les jeunes filles s’étaient déguisées en hôtesses. Elles ont acheté des uniformes. Elles disaient que c’était pour rendre hommage à la mémoire du défunt. C’était tellement honteux. Ces personnes ont vraiment des pierres à la place du cœur. C’est inhumain », qualifie-t-elle ces habitudes qu’elle n’arrive pas à comprendre.
Le « diaxal » déchire aussi les familles, surtout où le chef de famille laisse derrière lui plusieurs épouses
Le partage du « diaxal » cède la plupart du temps la place à la déchirure au sein de certaines familles. « Il y a souvent des histoires dans le partage du « diaxal », surtout lorsque le défunt est le chef de famille qui laisse derrière lui plusieurs épouses.
Chaque épouse réclame sa part, au nom de ses enfants. Ça cause énormément de problème», nous siffle un jeune homme qui s’est invité dans nos discussions.
Khadija Wade a vécu une situation personnelle qui l’a vraiment bouleversée. La jeune femme de 26 ans a perdu, il y a moins d’un an son père. Etudiante en Master1, elle est vêtue d’un pantalon super cent noir porté à merveille sur une chemise rose. Son histoire est touchante, elle n’a pas reçu un Franc du « diaxal » de son défunt père.
«Le jour même de son rappel à Dieu, il s’est passé une chose inimaginable. La fille que la deuxième femme de Papa a eue de son premier mariage a commencé à partager les affaires de Feu mon père. Au moment où certains pleuraient encore et d’autres sous le choc, elle pensait déjà à qui doit avoir quoi.
Khadija Wade : « la fille que la deuxième femme de Papa a eue de son premier mariage a commencé à partager les affaires de Feu mon père. Au moment où certains pleuraient encore et d’autres sous le choc… »
Poursuivant, Khadija Wade renchérit : « ma mère était tellement déçue qu’elle leur a dit de tout garder. Qu’on n’allait rien prendre des affaires de Feu mon Papa », narre-t-elle, les yeux en larmes.
«Jusqu’au jour d’aujourd’hui », poursuit-elle, « notre famille n’a rien reçu comme « diaxal ». J’ai même appris que la fille de ma belle-mère vendait peu à peu les affaires de mon défunt père, avant qu’il ne décède, lorsqu’il était très malade. C’est comme si elle était pressée qu’il meurt », accuse-t-elle, en priant pour le repos de l’âme de son regretté père.
Aissata Bathily