Macky Sall en appelle à la responsabilité des pays riches et pollueurs. Ils doivent apporter une contribution financière pour aider les pays pauvres à mener une politique environnementale, soutient le président sénégalais. Sinon, ce sera la « destruction certaine de la planète ». Entretien avec franceinfo.fr.
« Nous avons constaté que les rendez-vous n’ont pas été respectés malgré quelques efforts », pointe le président de la République du Sénégal, Macky Sall, lundi 7 novembre sur franceinfo, alors que les dirigeants du monde vont s’exprimer à Charm El-Cheikh (Égypte), pour le deuxième jour de la COP27. L’une des questions cruciales de cet événement a été rajoutée au dernier moment, le mécanisme des « pertes et dommages » : une aide financière de la part des pays riches et pollueurs, à destination de la politique environnementale des pays pauvres, peu responsables du réchauffement climatique.
franceinfo : En quoi cette COP qui se déroule en Afrique est particulière pour vous ?
Macky Sall : Nous avons constaté que les rendez-vous n’ont pas été respectés malgré quelques efforts. Depuis 2020, la communauté s’était engagée à mettre 100 milliards de dollars par an, jusqu’en 2030. On n’a pas encore les premiers 100 milliards. Alors que l’Afrique, à elle seule, a un besoin estimé par le Giec de 85 milliards par an d’ici à 2030, pour pouvoir respecter les objectifs de réduction de la température de la planète à moins de 1,5 degré. C’est dire que le moment est venu de mettre sur la table la responsabilité de chacun et qu’elle en ait une conscience collective mondiale. Soit, nous sauvons la planète, soit elle disparaît avec nous.
L’Europe a vécu un été caniculaire, on a comparé certaines températures à celles subies en Afrique. Est-ce que ça va, selon vous, permettre une prise de conscience ?
Je l’espère, car nul n’est à l’abri des changements climatiques. (…) Il est temps que tout le monde soit conscient. Il faut une solidarité internationale. Nous sommes obligés de nous endetter pour nous adapter, pour être dans des économies sobres en carbone. Cela n’est pas acceptable alors que nous aurions pu aller vers des solutions comme le charbon, ce qui est aujourd’hui en cours dans la plupart des pays industrialisés depuis la guerre en Ukraine. Si l’argent n’est pas là, nous allons recourir aux mêmes sources énergétiques pour les aspirations du développement de l’Afrique. Nous avons plus de 600 millions d’Africains qui n’ont pas encore accès à l’électricité. Allez dire à ces populations : ‘attendez que la transition énergétique soit faite’.
Ça fait des années que les pays riches ont le pied sur le frein sur la question du mécanisme des « pertes et dommages ». Est-ce que vous espérez les convaincre cette fois-ci ?
On va les convaincre. Je crois que si rien n’est fait, nous sortirons de Charm El-Cheikh avec un goût d’inachevé. Chacun retournera avec ses solutions nationales qui consisteront à développer par tous les moyens et quoi que cela puisse en coûter à la planète. C’est le risque. C’est non seulement au niveau des États, mais également au niveau des entreprises qui sont principalement les plus grands pollueurs. À ce niveau, je réclame une prise de conscience collective. Les Africains font des efforts.
Est-ce que vous dites aussi aux pays riches que si on ne vous aide pas, la question migratoire sera de plus en plus importante ?
Ce n’est forcément un argument. Parce que si vous n’avez que des îlots de prospérité dans le monde, devant une écrasante majorité de pauvreté, rien ne pourra arrêter la volonté de migration. C’est un phénomène naturel. Donc, autant diversifier la prospérité dans le monde (…), c’est ce qui peut fixer les gens. (…) Nous ne demandons pas l’aumône, nous pensons que c’est une responsabilité partagée. Les pays qui sont, depuis plus d’un siècle, les responsables de ce réchauffement doivent prendre conscience qu’ils doivent aussi apporter leur contribution pour que toute la planète ne suive pas le même chemin. Ce qui nous précipiterait vers une destruction certaine de la planète.