Times24.info : L’homme n’est plus à présenter dans le monde du hip-hop. Surnommé Gibson dans le show-biz américain où il évolue, Djibril Kagni de son vrai nom, est originaire du Sénégal, natif de la Casamance et vivant aux Etats-Unis. Le producteur de musique internationale est diplômé d’Harvard University. En séjour à Dakar pour un concert ce 29 mars de l’artiste nigérian Wizkid, le patron du label Gproduction a rendu visite à Times24.info et nous a fait l’honneur de nous accorder un entretien exclusif.
Times24.info : Quelles sont les activités que Gibson mène en Afrique et plus particulièrement au Sénégal ?
Gibson : Je suis là (au Sénégal) pour le concert de Wizkid, organisé par ma structure et Empire events, des jeunes Sénégalais qui se sont lancés dans une nouvelle aventure. Ils veulent profiter de mes relations avec les artistes pour faciliter les événements au niveau du Sénégal. Donc, on a décidé de faire un partenariat entre ma société Gproduction, ici au Sénégal, et leur société. C’est Momo qui me représente pour que les choses se déroulent bien.
Est-il facile de travailler en Afrique ?
Non ! Pas du tout ! Malheureusement, c’est dommage ! On a tout ce qu’il faut pour travailler facilement mais, chez certaines personnes, la parole, la plus part c’est Zéro ! Et les grosses entreprises n’ont aucun support… Toutes les compagnies de télécommunications, honnêtement, je ne sais pas ce qu’elles comptent faire pour la jeunesse sénégalaise.
Vous comptez réellement continuer ce travail au Sénégal avec… ?
(Il coupe) Ça ne me dérange pas, parce qu’on a réussi sans eux. Aujourd’hui, on a tout fait sans aucune grosse structure de télécommunication et c’est ce qui est dommage. Ce sont de jeunes Sénégalais qui veulent rapporter quelque chose d’exclusive à d’autres jeunes sénégalais. Et c’est sûr que si c’étaient d’autres personnes qui avaient demandé des «supports», elles l’auraient fait.
Pourquoi vous avez cet engagement vis-à-vis des Africains ?
Je dirais vis-à-vis du Sénégal parce que, si aujourd’hui on a une personne comme moi, qui est aussi bien dans l’industrie de la musique et qu’aujourd’hui on n’a des structures au Sénégal qui veulent se lancer dans tout ce qui est production de concert, et que moi, je peux faciliter la tâche pour avoir de meilleurs tarifs. C’est une «big expérimentation», c’est un gros challenge. Tu imagines (Times24), les gens (sénégalais) attendent de voir de grosses pointures comme (Wizkid). Donc c’est bien ! On les voit à la télé, on les écoute à la radio. Les faire venir une fois par année ou tous les 2 ans, ça fait plaisir non ?
Comment appréciez-vous la musique sénégalaise, notamment le hip-hop ?
Celui qui m’a profondément touché et beaucoup frappé et est très fort véritablement c’est Deep. Vraiment, il me rappelle le vrai hip-hop. Il a sa propre identité et moi j’aime ça. Je n’aime pas tous ces gens qui veulent copier tout ce que les gens font aux Etats-Unis, pensant qu’ils sont à Miami, Atlanta etc. Deep, il a son identité. Quand tu as ton identité, tu peux toujours percer. Par contre copier, imiter est égal à limitation.
Vous pensez que les grosses pointures du rap au Sénégal comme, Daara J family, PBS (Positive Black Soul) font dans l’imitation ?
Non, non, Daara J, ils ont leurs images. C’est des pionniers de la musique sénégalaise. Je parle plutôt de la nouvelle génération. Allez voir sur Trace Tv, ils veulent tous copier la musique américaine. Moi, je n’écoute pas trop le hip-hop sénégalais. On voit également ce phénomène en Europe. Ils veulent tous copier la musique du sud des Etats-Unis. Même Booba, (rappeur français), il rappe maintenant comme les Américains.
Parlez-nous du rap américain ?
Ha ! Ça va, c’est la nouvelle génération qui fait son chemin. C’est de la pourriture mais ça avance et c’est commercial ! Ce n’est pas comme à l’époque…
Et votre «grand frère» Akon ?
Il est là, il travaille sur son album. Il a signé un nouvel contrat avec Warner Bros, Atlantic Raquet, suivi par My Current, un des gars les plus puissants de l’industrie de la musique qui a « fait » beaucoup de grands artistes comme Jason Derulo, Florida et beaucoup, beaucoup de grosses pointures américaines. Donc c’est un plus pour Akon, pour aussi trouver le bon morceau. Tu sais, qu’il a aussi sorti quatre singles. Ça n’a pas trop pris… mais bon, qu’il essaye juste de trouver le bon morceau.
Et son projet Akon Lighting Africa ?
Je ne suis pas trop impliqué dans ce projet. J’ai eu à faire un à deux voyages avec eux, en Guinée Equatoriale et au Maroc. Je crois que c’est une très bonne initiative. Espérons que ça va beaucoup marcher pour le reste du continent africain.
Gibson est-il dans le domaine social comme Akon ?
Si, j’ai des activités dans ce domaine, je préfère les initier à une échelle plus basse. C’est-à-dire, si je commence à faire des choses comme ça, j’allais commencer par la Casamance dans ma région. Tout simplement parce que, c’est une région qui a besoin de beaucoup d’aides par rapport à d’autres régions du Sénégal. Je suis sûr qu’ils ont besoin d’aide. Je commencerai toujours par là où je viens. Je crois que la Casamance a été très négligée par le gouvernement. Oui, ça c’est quelque chose que j’aimerais faire personnellement. Si j’ai les moyens financièrement demain, j’installerai « la lumière dans tous les villages ». Je le ferai personnellement de ma propre poche.
Peut-on s’attendre de voir un jour Gibson dans l’arène politique ?
Je suis un très bon politicien. Mais bon ! Je n’aime pas la politique. Vous savez, J’ai fait des études et j’ai obtenu mes diplômes à Harvard University, en langues et relations internationales. Je sais bien dialoguer et négocier. La politique ne m’intéresse pas trop. Je veux faire du bien au profil de la population, pas pour pouvoir m’enrichir. Je veux faire du bien surtout pour la jeunesse. Si je peux le faire de mes propres moyens avec l’aide de la population et l’aide du gouvernement, pourquoi pas ? Moi mon concept c’est l’évolution ! La richesse, ce n’est pas ce qui me rend «Happy». Je me contente du minimum. Et je sais qu’il y a toujours pire… Vous savez, on ne peut pas aider le monde entier. Mais aujourd’hui, j’ai une voie qui pourra aider énormément de gens si j’avais le « support » de ce pays là. Je parle bien sûr de la nouvelle génération et surtout la musique.
Parlez-nous d’une collaboration entre Gproduction et les structures sénégalaises…
Sincèrement, je n’ai jamais travaillé avec elles. J’ai été quelquefois en studio avec Youssou Ndour quand Akon faisait son album avec lui.
Pourquoi le choix de Gproduction est plus porté sur la musique nigériane ?
Ce n’est pas une question de choix, mais plutôt de gens qui veulent travailler, qui veulent évoluer. Vous pensez que la musique nigériane est aujourd’hui anglophone, qu’on veut travailler avec des Anglophones ? Non ! Leur musique est internationale mais aussi il y a du talent. Ça na rien n’à voir avec la langue. (Le musicien camerounais) Franko, « coller la petite » c’est de l’anglais ou du français ? Alors, comment il a fait pour percer ? Parce que c’est son style de musique ! Dans la vie, il faut savoir alterner. Il faut savoir changer son style, c’est important. On ne peut manger du riz tous les jours, « Mouno lek thiép » (en Wolof) chaque jour. Par contre, d’autres jours, on est obligé de manger du poulet pour changer de métabolisme. Dans un business, on tente, et si ça ne progresse pas. On cherche, on ne trouve pas. On est alors obligé de chercher d’autres partenaires ou d’autres voix de réussite.
Vous pensez qu’il manque d’artistes talentueux au Sénégal ?
Dans la vie, il faut être discipliné et savoir écouter le conseil des autres. Car, on ne peut pas penser qu’on peut tout faire. Aucun artiste sénégalais n’est au niveau de Wizkid ou de P-square. Je parle du mieux urbain, hip-hop, aucun artiste ne touche dans un concert au Sénégal, un cachet de 100 000 ou 200 000 dollars (environ 50 où 100 millions de francs CFA). Qui peut nous citer un artiste du hip-hop qui touche la moitié ou même 10 000 dollars ?
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