Plus que les acteurs politiques, les activistes se sont accaparé l’espace politico-médiatique ces derniers jours. Et comme à leur habitude, ils s’invitent dans un dossier sensible en créant une polémique autour de la mort de l’imam Alioune Badara Ndao. Sans y aller par quatre chemins, certains ont rejeté la thèse d’une mort naturelle et accusé l’État d’être à l’origine du décès du guide religieux. Cette énième sortie à charge contre l’État du Sénégal, et de surcroit non documentée, remet en question le sens de l’engagement de cette catégorie de leaders d’opinion qui, bien que toujours suivis, sont souvent interpelés faute de pouvoir prouver leurs accusations. La mort soudaine de l’imam Alioune Badara Ndao a affecté plus d’un Sénégalais. Engagé jusqu’à la moelle, le guide religieux a eu à faire les frais de la lutte contre le terrorisme, acte dont il fut accusé avant d’être relaxé après 36 mois de détention. Depuis lors, nombre de ses concitoyens ont découvert un homme dévoué à l’islam, à cheval sur ses principes, et très concerné par le combat démocratique. Un leader d’opinion injustement incarcéré pour ses prêches si l’on se réfère au verdict des juges qui l’ont libéré après une si longue détention. Cette injustice dont l’imam a été victime lui a valu la sympathie de tous ceux qui ont découvert, de ses propres confessions, que le guide religieux a été maltraité et torturé par ses geôliers sans aucune raison. Suffisant pour que les tenants du pouvoir attirent l’attention suspecte de beaucoup de Sénégalais qui ne manquent pas de leur tenir rigueur de cette perte immense.
Des suspicions qui peuvent se justifier mais…
Si donc des activistes qui ont été au chevet de l’imam Alioune Badara Ndao ont été placés sous mandat de dépôt, cela peut interpeller plus d’un. En vérité, s’ils s’étaient limités à rappeler les propos du guide en question sur la matraitance qu’il aurait subie et qui aurait grandement contribué à la dégradation de sa santé, Cheikh Oumar Diagne et Abdou Karim Guèye n’auraient pas été poursuivis pour diffusion de fausses nouvelles. Parce qu’il est un secret de polichinelle que les séjours de prisons « tuent » souvent à petit feu, directement ou indirectement. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle beaucoup d’hommes politiques se sont empressés à dire qu’ils se portent comme un charme quand ils ont senti qu’ils allaient être envoyés au gnouf. Ce fut le cas de l’ancien ministre Idrissa Seck, dans le dossier des chantiers de Thiès et de l’ancien maire Khalifa Sall pour l’affaire de la Caisse d’avance. Tous deux avaient jugé nécessaire de tenir le peuple informé de leur état de santé avant d’être placés en détention. Même Ousmane Sonko avait sacrifié à cette « tradition » quand il devait aller répondre au juge d’instruction dans l’affaire Sweet Beauté. Ce qui donc donne raison à ceux qui pensent, à juste raison, que le séjour carcéral ne fait jamais bon ménage avec une bonne santé. L’histoire de Blondin Diop, décédé en détention à Gorée, et d’autres plus récentes mettant en relief des morts dans des commissariats ou en prison, poussent souvent les gens à soupçonner les tenants des régimes dès lors qu’il s’agit de personnes encombrantes pour eux.
…un manque de prudence qui risque de perdre les concernés
Cependant, de là à dire de façon claire et limpide que la mort d’untel, de l’imam Ndao en l’occurrence, a été provoquée par les autorités étatiques semble être trop imprudent. La prudence justement aurait voulu que les uns et les autres s’entourent du maximum de précaution avant de faire des accusations dont ils n’auront pas la preuve. Hélas, ce n’est pas la première fois que les activistes prêtent le flanc de cette façon. On se rappelle bien la sortie de certains d’entre eux lorsqu’il a été annoncé que Pape Mamadou Seck, de la fameuse « Force spéciale » à évadé. Karim Guèye, pour ne pas le nommer, avait affirmé et persisté que l’homme a été tué par les tenants du pouvoir. Aujourd’hui, c’est le même Karim et le professeur Cheikh Oumar Diagne qui sont interpellés pour avoir accusé l’État d’être la source du décès du défunt imam. Sans avoir besoin d’être pro ou anti Macky Sall, on doit s’accorder sur le fait que ces sorties sont trop zélées. On manque de plus en plus de retenue et de tenue dans la façon de s’opposer (pour les opposants), de militer (pour les activistes) et de diriger (pour l’État). Pourtant, il faut de la mesure dans toute chose. Autrement, c’est la stabilité sociale qui finira par prendre un sacré coup parce qu’on arrivera à une étape où chacun identifiera son prochain comme la source de ses problèmes.