Ce début de saison est compliqué pour certains héros de l’épopée camerounaise : Abdou Diallo et Gana Gueye ont été poussés vers la sortie au PSG ; Ballo Touré cire le banc à l’AC Milan ; Pape Gueye, buteur tout récemment, n’est pas aligné régulièrement à l’OM et Bamba Dieng, acteur du feuilleton de l’été, semble définitivement persona non grata sur la Canebière. Quant à Pape Matar Sarr, le coach italien de Tottenham, Antonio Conte, ne semble pour le moment pas miser sur lui.
Ce qui est intéressant, ce ne sont pas ces faits en eux-mêmes, mais l’interprétation qu’en font certains. Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre du Sénégal, homme politique de premier plan, devenu, hélas, twitto compulsif, suggère subrepticement la thèse du complot.
Consciemment ou non, les clubs européens ne seraient-ils pas en train de déstructurer l’équipe nationale championne d’Afrique dans la perspective de la coupe du monde? Les agents des joueurs doivent privilégier la recherche de temps de jeu dans leurs négociations.
— Abdoul MBAYE (@AbdoulMBAYE2019) September 5, 2022
Des coachs italien, français, croate, se sont ainsi réunis, avec la complicité des sélectionneurs européens, et sous le parrainage de l’Union européenne, sans doute, pour conspirer contre les hommes d’Aliou Cissé. Jolie trouvaille.
Avant Abdoul Mbaye, Babou Biram Faye, dans un contribution intitulée “Equipe nationale : Attention, l’Europe tente de neutraliser les Lions de la téranga” – ça ne s’invente pas- avait également embouché la trompette du complot européen pour casser la dynamique de l’équipe nationale.(Equipe nationale : Attention, l’Europe tente de neutraliser les Lions de la téranga (Par Babou Biram Faye)). “Le Sénégal est attendu par toutes les grandes nations de football, qu’elles le disent ou non, les lions de la Teranga font peur, analysait-il. Les combattre en amont serait la botte secrète des gourous de l’Occident, comme ils savent bien le faire. Le monde du football reste convaincu que, si le Sénégal est au top, il serait l’équipe la plus compliquée à battre et pourrait créer la surprise lors ce mondial qui pointe à l’horizon”. Cela se passe de commentaires.
Les sorties de Abdoul Mbaye et de monsieur Faye, aussi dérisoires qu’ils peuvent paraître, renseignent sur le climat moral et intellectuel de l’époque. Les faits, aussi anodins qu’ils soient, par l’entremise des réseaux sociaux, sont l’objet de débats, d’interprétations parfois fantaisistes, et de récits alternatifs. Internet a donné une caisse de résonance “aux ragots que propageaient les soulards et les commères dans les villages d’autrefois”, remarquait Umberto Eco.
Et c’est embêtant qu’un homme de la dimension de Abdoul Mbaye se laisse aller à la mode des conspirations fictives pour flatter une partie de son public et s’attirer les vivats de la meute sur les réseaux. Car le discours primaire et simpliste anti-occidental ou européen est devenu un créneau porteur au Sénégal.
