Les Sénégalais sont appelés aux urnes, ce dimanche 31 juillet 2022, pour élire les 165 députés qui siègeront à l’assemblée nationale les cinq prochaines années. Le pouvoir comme l’opposition sont à l’affût dans cette course aux suffrages ô combien cruciale en ce sens que ces élections législatives aux relents de premier tour seront décisives pour la présidentielle de 2024. En effet, en plus d’élire leurs représentants à l’hémicycle, les sénégalais trancheront, dans la foulée, le débat sur le troisième mandat. A cet enjeu, se greffe le spectre d’une cohabitation qui hante déjà le camp du pouvoir. Au-delà, quelques enjeux individuels se dessinent également. Seneweb a listé les 5 principaux enjeux du scrutin de ce dimanche
Les dés sont maintenant jetés ! Tout est fin prêt pour le jour-j. Les candidats et coalitions (ils sont 8 listes en compétition) en lice pour les élections législatives sont déjà dans les starting-blocks et n’attendent plus que le coup d’envoi de dimanche prochain pour le sprint final. L’objectif étant, aussi bien pour le pouvoir que pour l’opposition émiettée, de glaner le maximum de sièges possibles sur les 165 en jeu, attribués selon un mode de scrutin mixte : 112 sièges pourvus au scrutin majoritaire dans les départements (les 15 sièges alloués aux circonscriptions de la diaspora font partie du décompte) et 53 au scrutin proportionnel au niveau national.
3e mandat: 2024, c’est ce dimanche !
Au-delà du choix des profils des 165 députés de la prochaine législature, l’issue de ces joutes sera décisive pour la présidentielle de 2024. Le président de la République, Macky Sall, depuis sa réélection en 2019, garde le flou sur les intentions – qu’on lui prête- de briguer une troisième candidature. Une question qui ne cesse d’alimenter les débats et déchaîner les passions et pour la clarification de laquelle, le locataire du Palais a donné rendez-vous au lendemain de ces législatives. En juin dernier (2022), dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique, interpellé sur ses intentions de se présenter une troisième fois, contrairement aux engagements qu’il avait publiquement pris, Macky Sall avait encore esquivé la question. Cependant, à la place du fameux « ni oui, ni non » du 31 décembre 2019, cette fois-ci, il a pris date avec les Sénégalais pour évacuer la question du mandat également procéder à la nomination d’un premier ministre, un poste resté vacant depuis décembre 2021, date de son retour dans l’architecture institutionnelle. « Je répondrai à cette question après les législatives. Il sera alors temps de fixer le cap pour 2024», a-t-il rétorqué à propos d’une éventuelle 3e candidature.
Sur la base de cette réponse ainsi que celles qui l’ont précédé et à l’aune de la frilosité dont il fait montre à chaque fois que la question est soulevé par un de ses proches (Sory Kaba et Moustapha Diakhaté éjectés pour s’être prononcés sur le 3e mandat), le moins que l’on puisse dire à ce propos c’est qu’en cas de victoire avec à la clé une majorité forte, tout porte à croire que Macky Sall pourrait bien tenter le diable comme s’y était hasardé son prédécesseur et mentor, Abdoulaye Wade. Une hypothèse à ne point négliger puisque tous les loups aux dents longues qui se positionnent en numéro 2 de la mouvance présidentielle (Amadou Ba, Matar Cissé, Aly Ngouille Ndiaye, Mimi Touré), ont tous été cueillis à froid par un président pas du tout disposé à partager encore moins céder la plus petite parcelle de pouvoir.
Une posture d’accaparement qui finira, à coup sûr, par rameuter les démons de la division à Benno puisque ceux qui ont des ambitions présidentialistes se positionneront certainement à l’issue de ces législatives. Quoi que puisse décider Macky Sall sur son propre avenir politique.
Le spectre de la cohabitation
L’autre enjeu et pas des moindres c’est la probabilité d’une cohabitation conflictuelle avec l’apposition radicale incarnée par l’inter-coalition Yewwi-Wallu, au cas où celle-ci, malgré l’invalidation de la liste titulaire nationale de Yewwi, réussi à être majoritaire à l’assemblée. Affaiblie et en infériorité numérique, malgré tous les coups « irréguliers », l’inter-coalition a fait une démonstration de force lors de ces campagnes en drainant des marées humaines partout où la caravane de Ousmane Sonko est passée. Reste à savoir si ce même engouement sera ressenti dans les urnes dimanche prochain. Si l’opposition réussit son coup, ce serait inédit dans l’histoire du Sénégal. Un scénario qui hante le pouvoir au point que la tête de liste départementale de Benno Bokk Yakaar à Dakar, Alioune Ndoye, en pleine campagne, brandit ‘’l’arme’’ dont dispose le président de la République c’est-à-dire : le pouvoir de dissoudre l’assemblée nationale. « Il faut que les gens sachent qu’un député ne peut pas annuler des contrats. Tout ce que ces gens (les candidats de l’opposition) veulent, c’est de bloquer les travaux du Président. Mais il faut savoir que le Président a d’autres moyens pour contourner leur plan. Nous sommes dans un régime présidentiel. Les députés ne peuvent pas prendre le pouvoir du Président. S’ils tentent de le bloquer, il va dissoudre l’Assemblée. C’est la constitution qui le permet », souligne le maire de Plateau.
Aminata Touré à quitte ou double
Depuis l’avènement de Macky Sall, l’ancienne Première ministre enchaîne les traversées du désert et les retours en grâce. Cette fois-ci, elle est engagée dans un défi à quitte ou double. Propulsée tête de liste nationale de la coalition Benno Bokk Yakar lors des prochaines législatives, après des élections locales mitigées pour le camp présidentiel, Mimi son avenir et sa crédibilité politique. Le scrutin de dimanche est riche en perspectives pour l’ancienne Envoyée spéciale du chef de l’État, mais il comporte aussi quelques risques. En effet, en cas d’échec à obtenir une majorité confortable, Aminata Touré risque de voir ses ambitions personnelles contrariées. Et Mimi fourmille d’ambitions, elle qui déclarait : “En politique, l’ambition n’est pas un délit, au contraire. Dans un système politique concurrentiel, on ne reste pas assis à regarder passer les trains. Un politicien sans ambition, c’est un politicien qui ne vous dit pas la vérité. Bien sûr, encore faut-il que cette ambition ne soit pas dévorante et ne vous conduise pas à la déloyauté”. Par contre, un succès éclatant de BBY pourrait lui ouvrir la porte de fonctions prestigieuses. C’est un secret de polichinelle que Moustapha Niasse passe ses derniers mois à la tête de l’Assemblée nationale. Mimi pourrait prendre sa succession sur le perchoir devenant ainsi la première femme à occuper la fonction.
Ousmane Sonko : un statut de chef de l’opposition à conforter
Le maire de Ziguinchor et député sortant n’est pas candidat : la liste nationale de titulaires de Yewwi Askan Wi a été rejetée par le Conseil constitutionnel. Pourtant le maire de Ziguinchor a été omniprésent durant la campagne, enchaînant les meetings et les visites de proximité. L’ancien Inspecteur des Impôts a dicté le ton et fixé l’agenda du débat. Ses sorties clivantes ont souvent poussé ses adversaires du pouvoir comme de l’opposition à se réajuster selon les termes qu’il a fixés au. Arrivé troisième à la dernière élection présidentielle, et élu maire de Ziguinchor, lors des locales de janvier 2022, Ousmane Sonko est la locomotive et la figure de proue de l’opposition. Et si Yewwi Askan Wi parvient à contraindre BBY à la cohabitation, ses ambitions présidentielles seront décuplées.
Guy Marius Sagna, Pape Djibril Fall, Ahmed Aidara : vont-ils tirer leur épingle du jeu ?
Le jeu électoral n’est plus exclusivement l’affaire des hommes politiques professionnels. Dans le sillage des élections locales où des hommes de médias ont été élus maires, des figures connues de la vie publique pourraient faire leur entrée dans l’hémicycle dimanche : Guy Marius Sagna, Pape Djibril Fall, Ahmed Aïdara. La présence des trois personnalités connues pour leur franc parler risquent assurément d’animer le débat au sein de l’hémicycle. Guy Marius Sagna et Ahmed Aïdara ont pris des options moins risquées en s’adossant à une force politique d’envergure, l’inter-coalition Yaw Wallu. Quant à Pape Djibril Fall, il a initié un véritable pari en montant sa propre coalition, Les Serviteurs.