Le Sénégal est en train de vivre l’une des séquences les plus tragiques de son histoire. Avec l’installation depuis plus de deux mois sur son territoire, de cette étrange maladie causée par le covid-19 et qui, quotidiennement fait égrener aux autorités médicales du pays, leur chapelet de décompte macabre de victimes, sur les lits d’hôpital ou dans le secret des demeures familiales. Au moment où le Président Macky Sall joue au lido, son opposant le plus radical met de bonnes choses dans le ventre comme l’indique la photo. Ousmane Sonko n’est pas très visible au front.
Une guerre et une riposte face à la pandémie ont été lancées autour du président de la république. L’opposition sénégalaise a eu à répondre, au palais présidentiel, à l’appel des troupes, pour une union sacrée. Mais depuis, ceux- là (les leaders de l’opposition) dont la promptitude à occuper le devant de la scène (médiatique surtout), ont semblé déserter les rangs et se complaire dans un profond mutisme. Comme pour abandonner en plein gué, le navire Sénégal, qui tangue en eaux troubles. Dans cette présente crise sanitaire aux perturbations socio- économiques évidentes, où tous les segments de la vie sont secoués, l’opposition, devrait-elle être dans les marges de l’histoire ou devrai-elle attendre les prochaines compétitions électorales pour rebondir ?
Au- delà des failles et des insuffisances chroniques du secteur de la santé décelée du reste depuis les régimes politiques précédents, avec le manque d’infrastructures sanitaires, la disponibilité d’un plateau médical adéquat, d’agents et d’un personnel requis, la récession de l’économie sénégalaise dans ses différents niveaux (entreprises, industries, informel) s’est déjà installée. Autant de centres d’intérêts et de préoccupations d’un peuple en haleine et désemparé, où l’on attendait (à juste titre) les réactions, comme de coutume, de l’opposition sénégalaise.
Le peuple ne comprendrait pas, qu’au post- covid, que son opposition, ressurgisse, pour encore lancer des diatribes ou des dards à un régime qui s’est démené comme il peut, pour négocier des virages escarpés et pour surmonter l’épreuve. Ou pour, comme un disque rayé, refaire entendre les sempiternelles revendications liées par exemple à la fiabilité d’un fichier électoral ou à la transparence d’une élection, locale, législative ou présidentielle.
Le silence aujourd’hui des principaux leaders de l’opposition est étonnant, voire incompréhensible. Parce que l’opposition, dans un pays démocratique , est l’autre frange de la vie active (comme l’est aussi la société civile), pour impulser un certain dynamisme à la vie des idées, nécessaire au progrès et au développement. Aujourd’hui, les interventions et les contributions surtout de ces leaders qui aspirent à prendre les rênes du pays, comme Idrissa Seck de Rewmi, Ousmane Sonko de Pastef, Issa Sall de Pur, Karim Wade du PDS (s’il est toujours là), Khalifa Sall, pour ne citer que ceux-là, sont plus qu’attendues. Leurs sorties ne peuvent pas forcément se résumer à des critiques acerbes ou à déceler des cafards. Pour qu’une certaine perception ne continue de les prendre que comme de simples nihilistes, des sadomasochistes et des opportunistes préoccupés par l’échec du régime en place et leur remplacement ultérieurement.
Dans une crise multiforme comme celle- là, inédite, le Sénégal attend nécessairement la contribution de toutes ses forces vives, de sa société civile, de son opposition, une remarquable intervention. Si elle n’est pas financière ou matérielle, elle peut bien l’être au plan des idées, des propositions judicieuses et intelligentes, pour sortir de l’ornière.
Des membres de cette opposition significative tels l’ex- Premier ministre et président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail Abdoul Mbaye, l’ancien président de l’Assemblée nationale et leader de Bokk Guiss Guiss Pape Diop, comme pour sauver la face et ne pas faire prévaloir » le piège du mutisme » et de « la stratégie du silence », ont pu, par le biais de messages épistolaires adressés au premier magistrat du pays, faire part de propositions par exemple de baisse des factures d’électricité, de densification du pouvoir d’achat des ménages et des familles, de protection du secteur informel, de l’appui et des garanties bancaires pour les petites et moyennes entreprises. A ce tournant crucial de la vie du pays, l’opposition sénégalaise est ainsi, face à ses responsabilités. Saura- t- elle jouer le rôle assigné par l’histoire ? That is the question.
Mohamed El Amine THIOUNE et Pape Diogoye FAYE