Un euro va valoir 1200 eco (la future monnaie unique de la CEDEAO). Vous avez certainement entendu parler de cette information qui circule depuis juillet 2019 sur les réseaux sociaux. Des internautes ont contacté nos confrères d’Africa Check pour vérification autour de l’affirmation. L’information, publiée par le site Benin 24 Télévision, a été partagée plusieurs fois sur Facebook.
Nos confrères d’Africa Check ont envoyé un message à la rédaction du site web Bénin24 Télévision, cité comme source par l’essentiel des pages Facebook qui ont partagé l’information, pour entrer en contact avec l’auteur de l’article (Celui-ci n’a pas été signé).
joint par téléphone le responsable du site, Gontran Dagbeto, qui nous a fait savoir que l’article est une contribution – donc pas un texte de sa rédaction – et que son auteur, dont il ne nous a pas révélé l’identité, a déclaré qu’il répondra à notre requête plus tard. Une réponse pas encore reçue par nos confrères.
Le site Jeune Afrique rapporte, dans un article publié le 2 juillet 2019, que lors d’une réunion tenue à Abidjan en mi-juin, il a été retenu que « le régime de change sera flexible ».
L’économiste Chérif Salif Sy fait toutefois remarquer que jusque-là « on ne connait ni la banque centrale ni les autorités monétaires. De même, s’il a été dit que l’Eco sera flottant, nul ne sait encore par rapport à quelle monnaie ou à quel panier de devises ».
Toujours est-il qu’il a été mis sur pieds un sous-comité d’experts chargé de travailler sur le choix d’un régime de change pour la CEDEAO. Celui-ci est composé de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), de la Banque centrale du Nigeria (CBN), de la Banque centrale du Ghana et de l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO).
Africa Check a contacté l’économiste Ndongo Samba Sylla, co-auteur du livre L’arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA et qui a récemment écrit une tribune dans la presse pour exprimer des réserves sur la future monnaie de la CEDEAO.
Il a d’abord tenu à préciser n’être pas encore tombé sur « une source officielle confirmant que la parité 1 euro = 1200 ecos a été retenue ». Il rappelle que « le président ivoirien avait récemment déclaré que l’Eco aurait dans un premier temps une parité fixe avec l’Euro ». « Ce serait une sorte de franc CFA rebaptisé », commente-t-il.
Le président ivoirien, Alassane Ouattara, avait en effet annoncé en juillet dernier que c’est le taux de change de l’Euro par rapport au CFA qui allait s’appliquer à la nouvelle monnaie, l’Eco, pour le moment. Chérif Salif Sy, estime pour sa part que « cela n’a aucun sens ». Par ailleurs, souligne-t-il, aucune analyse économique ne peut à ce stade, concernant l’Eco, dire que c’est un scénario plausible.
Que disent les institutions monétaires concernées ?
Nos confrères d’Africa Check ont contacté par courrier électronique, la BCEAO, la Banque centrale du Nigeria, la Banque centrale du Ghana et l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest pour savoir si le régime de change de l’Eco a déjà été déterminé.
Ils n’ont ainsi reçu ni réponse ni accusé de réception. Nos tentatives de les joindre par téléphone ont également été sans succès. Toutefois, le site internet de l’AMAO indique que la question du régime de change de l’Eco est à l’ordre du jour des réunions statutaires de l’institution prévue à Conakry, en Guinée, du 16 au 21 août 2019.
Dans une interview au magazine Jeune Afrique (édition du 11 au 24 août 2019), le président nigérien Mahamadou Issoufou affirme que « le régime de change de l’Eco sera flexible et indexé sur un panier de devises ».
Il précise que ce panier « sera constitué des principales monnaies – Euro, Dollar, Yuan… – avec lesquelles nous commerçons ». Mahamadou Issoufou soutient que « la création de l’Eco signifie la sortie du franc CFA » et non « le CFA sous un autre non ».
Comment sont déterminés les régimes de change des monnaies ?
Ndongo Samba Sylla indique que les régimes de change des monnaies peuvent être déterminés de deux façons. Ils peuvent d’abord l’être « sur les marchés (par la confrontation entre l’offre et la demande) – dans ce cas on parle de changes flexibles ».
Ils peuvent également, dit-il, être déterminés « par une décision administrative – la banque centrale d’un pays X fixe la valeur externe de sa monnaie par rapport à la monnaie d’un pays Y ». « Dans ce dernier cas, qui est celui des pays qui utilisent le franc CFA, on parle de changes fixes », précise l’économiste.
Pourquoi on ne peut pas parler de dévaluation du Franc CFA
Par ailleurs dans le même texte publié par Benin24 Télévision, l’auteur se demande si la parité entre l’Euro et l’Eco n’est pas une dévaluation déguisée du franc CFA. L’économiste Ndongo Samba Sylla précise qu’ « en réalité, on ne peut pas parler de dévaluation du franc CFA tant que sa parité avec l’Euro reste inchangée ».
« On ne peut donc pas parler de dévaluation du franc CFA à supposer la parité suivante : 1 Euro = 655,957 FCFA = 1200 Ecos. Ici, en l’occurrence, le passage du CFA à l’Eco représenterait juste un changement d’unité de compte et non un changement de parité monétaire », souligne-t-il.