Cheikh Ahmadou Bamba cite encore parmi les évènements prodigieux de son exil qu’une fois il s’apprêtait à reprendre le service du Messager de Dieu (PSL) puis, dit-il, je me suis trouvé subitement paralysée par une douleur qui s’étendit à toutes les parties de mon corps. Au même moment, j’entendais un agent supérieur de l’administration coloniale éclater de rire avec ses collègues, et j’ai dit : « Seigneur, Tu sais à quoi je m’apprête et Tu sais ce qui m’en empêche ; je Te demande donc de transférer mon mal à celui qui associe à Dieu d’autres divinités ». Soudainement, j’ai entendu le dit agent gémir tandis que je m’étais remis à écrire… Il dit également qu’une fois, il se trouvait dans un endroit où la viande était rare et où la nourriture dominante était le poisson notamment des sardines en conserve. Une fois, dit-il, j’en ai mangé puis je me suis bien lavé les mains avec du sol, du savon et de tout ce qui est de nature à chasser les mauvaises odeurs. Pourtant [l’odeur du poisson resta] de sorte que, quand je me suis remis au service, l’on me dit : « il en est qui nuisent au Prophète… ! » (Le Coran 9 : 61) Ceci m’a extrêmement effrayé et troublé. Depuis lors, je ne mange plus de poisson ; je l’ai mis parmi les choses « vendues »43 à Dieu.
Le jour même de cette « vente », je reçus la part de mes adeptes des béliers qui constituaient une avance sur la récompense de mon abandon du poisson… Par ailleurs, les moines de la localité avaient l’habitude de choisir des domestiques parmi les enfants africains pour les servir et les accompagner dans leurs promenades du soir. L’administrateur de la localité, qui croyait que je désirais faire comme les mines, m’a dit : « Si tu veux, je te donnerai des enfants qui t’accompagneront dans tes promenades ». Je lui ai dit que je n’en avais pas besoin… Il était également une coutume chez les chefs de la localité de prendre des domestiques africains adultes. Une fois, j’en ai demandé un pour me servir. Mais quand il est venu, je l’ai envoyé immédiatement, car il avait une odeur nauséabonde. A partir de ce moment, je me suis détourné des enfants et des adultes de cet endroit comme je l’avais fait des petits et des grands poissons.
A ce propos, il dit :
« A la réception de la récompense de mon abandon des sardines
Et des domestiques, enfants et adultes, j’ai dit :
Muhammad, le meilleur imam, est mon voisin ;
Sa source alimente mon coeur constamment ».
« Pour mon refus de prendre des domestiques parmi les habitants de cette localité, j’ai été récompensé de ces adeptes qui m’ont envoyé les béliers susmentionnés qui constituaient une avance sur la récompense de mon abandon définitif du poisson ». Parlant enfin d’un autre évènement prodigieux de son exil, il dit : « Ayant considéré mes rapports avec mes ennemis, les ennemis de Dieu et vu qu’ils m’avaient infligé toutes sortes de maux conformément au décret divin et que ma situation était devenue extrêmement déplorable, je les ai laissés faire et me suis tourné à Dieu qui tient en main les affaires des créatures. Je l’ai entretenu ainsi à propos de mon cas : « Mon Dieu, Tu nous as créés pour t’adorer, car tu as dit : « Je n’ai crée les hommes et les djinns qu’afin qu’ils m’adorent ». (Le Coran 51 : 56) et « O hommes, adorez votre Seigneur » (le Coran 2 : 21). Ceux qui sont prédestiné au bonheur éternel, ont été assistés à obéir, et ceux qui sont prédestiné au malheur, ont été empêchés d’entendre l’appel et d’y répondre pour leur impiété. Quand à moi, Tu m’as assisté et m’as fait de ceux qui ont répondu à Ton appel : la communauté de Ton Prophète Muhammad, le chef des prophètes et messagers (PSE). De plus, Tu m’as fait son serviteur et lieutenant dans les affaires de sa religion et de sa communauté. Mais un groupe de tes ennemis, ses ennemis, se sont emparés de moi afin de me détourner de Ton adoration et de son service. Ils n’ont épargné aucun effort pour atteindre cette fin… Ton Prophète nous a rapporté d’après Toi que « tout homme a une place en paradis et une place en enfer et que s’il va au paradis, on lui montre sa place en l’enfer et lui dit : voici ta place dans l’enfer où tu serais allé si tu n’avais pas adoré ton Seigneur. Comme tu ne l’occuperas pas, on va la donner à une impie. En revanche, si l’homme va en enfer, on lui montre sa place dans le paradis et lui dit : voici ta place dans le paradis où tu serais allé si tu avais adoré ton Seigneur. Comme tu ne l’occupera pas, elle va être donnée à un croyant », S’il en est ainsi, Tu sais que ces ennemis me maltraitent et font de moi tout ce qu’il veulent. Je ne leur résiste pas et ne prie pas contre eux. Mais je Te demande leurs places dans le paradis. Quand j’ai eu la certitude que mon Seigneur avait exaucé ma prière et m’avait donné leurs places, je les ai offertes aux soldats de Badr ! »
A ce propos il dit :
« J’ai offert à ses compagnons les places
Des infidèles dans le paradis dont on éloignera les injustes.
Ces places reprises aux ennemis
Ont été offertes aux compagnons bien soumis
Pendant mon exil, mon Seigneur m’a offert
Ces places pour apaiser mon âme.
*J’en ai fait des présents aux compagnons.
Qu’ils soient agrées par celui qui m’a écarté les voiles ».
L’abreuvement du commensal
Traité historique et biographique sur Cheikh Ahmadou Bamba
écrit par Cheikh M.Lamine DIOP (Dagana)