Wade y voyait le symbole de la Renaissance africaine. Mais eux, ils y ont plutôt vu un endroit où ils pouvaient se soulager à longueur de journée. En effet, au pied du monument de la renaissance, une cabine devant faire office de billetterie, a honteusement été transformée en urinoir. Le manque de toilettes publiques peut-il excuser cette manifestation extraordinaire d’incivisme ?
Lundi, 12 heures passées de quelques minutes à Ouakam. En cette mi-journée, le soleil surplombe fièrement le monument de la Renaissance qu’il éblouit de ses rayons. Au pied de l’édifice, un vent frisquet, gorgé de poussière, balaie les lieux. Sur l’esplanade du monument, quelques rares visiteurs côtoient commerçants et photographes. A l’entrée, précisément au rond-point du monument, des chauffeurs de taxi et de clandos attendent impatiemment des clients. Mais, non loin d’eux, l’odeur d’urine empeste. Pis, elle agresse désagréablement les narines des passants.
Ici, les conditions d’hygiène se dégradent de jour en jour, du fait d’un comportement foncièrement incivique. La billetterie qui se trouve en face du rond-point du monument sert désormais d’urinoir. Ses murs ont été balafrés de tâches chroniques d’urine. «Les chauffeurs de taxi et de clandos stationnent ici quand le besoin de se soulager les tenaille», souligne Matar Samb conducteur de taxi. Ce chauffeur de taxi depuis une dizaine d’années, est un habitué des lieux. Il tente de se défausser sur le manque de toilettes publiques pour expliquer ce comportement. «Nous parvenons très difficilement à accéder aux toilettes des maisons environnantes. Et quand le besoin se fait pressant, nous sommes obligés de trouver des endroits isolés pour nous soulager. Bien vrai que ce que nous faisons est ignoble», reconnait le conducteur. Selon lui, pour mettre fin à ce spectacle insoutenable, la mairie de Ouakam doit construire «un garage doté de toilettes».
Chaque jour, des chauffeurs comme Matar assaillent les alentours du monument. L’incivisme, les conduit à cet endroit qui porte les stigmates de leurs forfaits. Moustapha est l’un d’eux. Lui, aussi est chauffeur de taxi. Il vient juste de terminer d’uriner à quelques pas de cette fameuse billetterie, quand nous l’avons accroché. Bouteille d’eau à la main, l’homme, qui venait de commettre son forfait se montre réticent au premier contact. Puis, il tonne: «l’idéal serait qu’il y ait des toilettes publiques ici. Ce serait mieux si on nous construisait des toilettes que nous pourrions utiliser moyennant 25 francs Cfa par exemple». Moustapha reconnait cependant, que «ce n’est pas convenable pour un adulte de se soulager au vu de tout le monde.»
Du côté des riverains, ce spectacle révulse. Pour Boubacar Sow, ouakamois, «ce n’est même pas commode pour un adulte qu’on l’aperçoive en train de pisser dans la rue». «Les adultes doivent montrer le bon exemple», peste-t-il. «La propreté est la base de toute chose. Chacun doit assumer sa part de responsabilité pour veiller à la propreté des lieux publics», enchaine-t-il.
Au niveau de ma commune, une telle situation révulse. Aux conducteurs de taxi qui demandent la construction de toilettes publiques sur les lieux, Fatou Diaw Faye, directrice du service technique de la Mairie de Ouakam, précise : «Le fait de n’avoir pas de toilettes ne doit pas être une excuse pour uriner aux alentours du monument». «Je trouve cela déplorable. Le monument n’est pas un espace de stationnement qui leur est destiné pour y revendiquer des toilettes. Ils stationnent de manière illégale et irrégulière et aussi ils y urinent de manière illégale», dénonce Mme Faye. Elle estime que le service national d’hygiène doit venir ‘‘régler’’ cette situation.
Racine Senghor (Administrateur du monument): «Nous sommes peinés»
Aussi, Racine Senghor, l’administrateur du monument de la Renaissance africaine n’est pas insensible à ce spectacle. Au contraire, il le déplore: «C’est un problème qu’on vit au Sénégal depuis très longtemps. Le public a tendance à se soulager dans les espaces ouverts, publics. Et on ne se gène pas. C’est toujours une image désagréable de voir des espaces comme ça, ouverts, pollués salis du fait des hommes. Et nous le ressentons comme ça au monument. C’est vrai que ce n’est pas dans le monument, mais en dehors. Mais tout ce qui se passe autour du monument de la renaissance intéresse le monument de la Renaissance africaine. Et de ce point de vue, nous sommes particulièrement peinés», a-t-il regretté.
Quant aux causes d’un tel comportement, M. Senghor estime que ce type de comportement révèle une carence, notamment dans l’éducation: «Je pense que tout cela est lié à l’éducation des citoyens. Il faut une bonne éducation pour que les gens puissent éviter ces comportements là. C’est l’éducation et pas autre chose. Quand les gens sont bien éduqués, ils ne vont pas aller se soulager dans les rues, ils ne vont plus jeter des papiers et autres n’importe où», indique-t-il. Il annonce cependant, pour décourager de tels types de comportement, qu’ils comptent, avec la commune de Ouakam, aménager les lieux: «Ce qu’on envisage, avec la commune, c’est d’aménager cet espace en faire un jardin, un espace vert, de manière à pouvoir décourager ceux qui seraient tentés de s’y soulager», indique-t-il.