Soupçon de corruption à l’AIBD : ce qu’a découvert la justice allemande

 

La Justice allemande détient des éléments attestant que trois mois après la sélection du consortium Fraport AG / Contrac Flughafen Konzessions GmbH pour gérer et exploiter l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD), un jeu d’actionnariat à Luxembourg a permis de nouer un lien affairiste secret entre les adjudicataires du marché et… Bibo Bourgi, ami et prête-nom présumé de Karim Wade selon l’arrêt de la CREI – à travers sa société écran Afriport.

A la suite de la perquisition effectuée au siège du groupe Fraport, le parquet de Frankfort s’apprête à lancer une vaste offensive contre les personnes mises en cause, en Allemagne et au Sénégal, dans l’affaire de corruption présumée qui entoure l’Aéroport international Blaise Diagne.
Selon les informations de Libération, si la Justice allemande a ouvert une enquête depuis 2013, c’est parce qu’elle a été intriguée de constater que Fraport avait ouvert des filiales dans des paradis fiscaux comme Malte ou le Luxembourg.
Al’époque, le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung révélait, sur la base des ‘’Panama Papers’’, que l’exploitant de l’aéroport de Francfort, dont l’actionnariat est majoritairement public, se servirait curieusement de sociétés écrans au Luxembourg.

L’alliance contre-nature qui intrigue le parquet de Frankfort

C’est justement au Luxembourg que les autorités allemandes ont déniché le lien secret établi par Bibo Bourgi, ami et prête nom présumé de Karim, et le consortium qui avait gagné sous Wade le contrat pour AIBD. Une alliance contre-nature qui a intrigué le parquet allemand. Trois mois après la signature de contrat, Afriport, société écran contrôlée par Bibo Bourgi a bénéficié d’un jeu d’actionnariat dans lequel les Allemands ont été formellement ferrés.
En effet, l’Etat du Sénégal avait conclu le 8 juin 2006 avec le consortium Fraport AG / Contrac Flughafen Konzessions GmbH une convention cadre relative à la conception,
la réalisation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation et de développement de l’Aéroport International Blaise Diagne.
Il a par ailleurs été arrêté au titre de ladite Convention Cadre qu’au plus tard au jour de la mise en service de l’Aéroport, le consortium sous traitera la totalité de l’exploitation de l’Aéroport à une société gestionnaire de premier rang et de réputation internationale. Cette société, comme on le sait, sera Daport, émanation hybride de l’alliance entre Afriport de Bibo Bourgi et les Allemands.

Le premier jalon du deal posé trois mois après la convention

Le premier jalon de ce deal est posé trois mois après la signature de cette monstrueuse convention. Ce jour-là, le 22 octobre 2006, par-devant Maître Jean Seckler, notaire de résidence à Junglinster (Grand-Duché de Luxembourg), comparait Alnair Finance SA – contrôlée par Bibo Bourgi – ayant son siège social à L- 2730 Luxembourg, 67, rue Michel Welter pour constituer Afriport SA. Puis le 7 mars de la même année et devant le même notaire, se réunit « l’Assemblée générale » de Afriport. Lors de cette « rencontre », l’Assemblée décide d’attribuer les mille (1.000) actions de Classe A à la société Fraport AG Frankfurt Airport Services World wide, une société constituée et existant sous le droit allemand, établie et ayant son siège social à Frankfurt Airport Services Worlwide et les neuf mille (9.000) actions de Classe B à la société Contrac Flughafen Konzessions GmbH. En clair, les allemands venaient ainsi de nouer un lien secret avec Bibo Bourgi.
Qui plus, le même jour, l’Assemblée a décidé de créer et d’insérer dans les statuts de la Société un capital autorisé d’un montant d’un million d’euros (1.000.000,- EUR) qui sera représenté par cent mille (100.000) actions, divisées en dix mille (10.000) actions de Classe A et quatre-vingt-dix mille (90.000) actions de Classe B, toute d’une valeur nominale de dix euros (10,- EUR) chacune, et décide d’autoriser le Conseil d’administration de la Société d’augmenter le capital social souscrit en tout ou en partie, dans le cadre de ce capital autorisé pour une période de cinq ans (5) à dater du 1er mars 2007, en réservant expressément aux
actionnaires existants de la Société un droit préférentiel de souscription lors de chaque émission d’actions nouvelles dans chaque classe.
Dans la foulée, Florian Mahler, project manager, né à Mühlacker (Allemagne), le 23 juillet 1973, demeurant Laubestr. 4, D-60594 Francfort-sur-Main et Wolfgang Plutniok, administrateur de société, né à Bischfeim (Allemagne), le 28 avril 1952, demeurant Liebfrauenstrasse 51, D- 65479 Raunheim – deux cadres de Fraport – sont nommés administrateurs.

Un jeu complexe de statuts pour brouiller les pistes

Pour verrouiller le deal, un autre acte est posé le 17 avril 2008 tou- jours chez le même notaire au Luxembourg. Le Conseil d’Administration de Afriport accepte la souscription de la totalité des mille (1’000) nouvelles actions de Classe A et neuf mille (9’000) nouvelles actions de Classe B toutes d’une valeur nominale de dix Euros (10.- EUR) chacune, par les actionnaires existants, comme suit: les mille (1’000) actions nouvelles de Classe A par ‘’Fraport AG Frankfurt Airport Services Worlwide’’, une société constituée et existant sous les lois de l’Allemagne, avec siège social à Fra- port AG. Building 664c, D-60647 Frankfurt et les neuf mille (9’000) actions nouvelles de Classe B par Contract Flughafen Konzessions GmbH’’, une société constituée et existant sous les lois de l’Allemagne, avec siège social à Dürener Strasse 350, D-50935 Köln. Bibo et ses « amis » venaient de réaliser le deal du siècle. Il fallait maintenant mettre tout cet ensemble dans Daport, société de droit sénégalais qui sera présentée comme une filiale de Fraport. Ce qui n’est pas le cas. Pour brouiller encore les pistes, un autre prête-nom allait faire son entrée en scène en ignorant les vraies motivations de ceux qui l’avaient engagé et qui avaient juste besoin de sa carte d’identité devant le notaire… (à suivre).

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