Réseaux sociaux et politique: Assane Diouf, opposant engagé ou simple bonimenteur ?

J’avais décidé de ne pas réagir sur ce phénomène. Mais, quand on est Sénégalais et fier de l’être, se taire devant un tel drame vous rend coupable devant l’Histoire. Nous avons tous vu, au moins une fois sur internet, ces nombreuses vidéos YouTube qui circulent sur la toile, largement partagées par des fans fanatiques qui aspirent à un changement du paysage politique sénégalais mais qui sans doute manquent de modèles et de références pour y arriver.

En effet, la bande à Assane Diouf ou Françoise Hélène Gaye ont très récemment pris d’assaut les réseaux sociaux et ont fait de Facebook et de YouTube leurs bastions. Par le biais des réseaux sociaux, ils lancent des invectives au gouvernement sénégalais, à des personnalités politiques de premier plan et à nos très chères institutions.

Assane Diouf, un migrant sénégalais vivant au Pays de l’Oncle Sam, est devenu le fer de lance de cette nouvelle contestation politique 2.0. Il est suivi par des milliers de personnes en live, il se revendique représentant du peuple et ne manque pas de s’en glorifier. Ses insultes et son langage vulgaire ont placé, ces derniers jours, sa cote de popularité à un niveau record sur les réseaux sociaux. Il est jeune, plein d’entrain, il a la verve, mais très peu d’arguments probants.

Ce sont des milliers de personnes qui gobent tout ce qu’il dit et qui le prennent pour un héros national, celui par qui devrait passer le salut de notre cher Sénégal. Il a d’ailleurs trouvé une protectrice du nom de Françoise Hélène Gaye qui appelle les internautes à partager largement les vidéos du Sieur Assane sur la toile, sous le seul prétexte qu’il est devenu incontestablement la star sénégalaise des réseaux sociaux.

Je me réjouis de voir à quel point les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant dans le changement du paysage politique sénégalais. C’est le signe d’une évolution de notre société vers une plus grande liberté d’expression. La liberté d’expression est un acquis et c’est avec une immense joie que, moi journaliste, j’accueille tous ceux et toutes celles qui les utilisent pour exprimer librement leurs idées, avec cohérence et pertinence. Mais aussi avec Respect.

Quand je vois des milliers de Sénégalais prendre Assane Diouf pour le Messie du Peuple, je me dis qu’il y a certainement quelque chose qui ne va pas dans notre société sénégalaise. Je ne lui reproche pas de prendre la parole et de dire, en bon citoyen, ce qu’il pense du pays. Mais, sa façon de faire et ses invectives adressées à des personnalités politiques et religieuses me gênent très profondément.

En ce qui me concerne, je doute de son engagement politique et de sa volonté de sortir le Sénégal de l’ornière. Et je m’explique. Rappelons qu’Assane est un migrant sénégalais qui a débarqué aux Etats-Unis en 2001. Après 16 années passées au Pays de l’Oncle Sam, le Sieur, qui n’a toujours pas obtenu ses papiers, s’affole de voir une administration Trump en guerre contre l’immigration clandestine s’emparer du pouvoir.

Assane est en effet très intelligent. S’étant rendu compte que son expulsion des Etats-Unis pourrait se produire à tout moment, il a adopté une stratégie simplissime : taper constamment et d’une manière féroce et virulente sur le gouvernement sénégalais afin de le pousser à bout. Une telle situation pousserait ainsi les autorités politiques sénégalaises à commettre une erreur de calcul, en déposant un mandat d’arrêt contre lui.

Dans une de ses vidéos, nous l’avons tous vu se rendre dans un commissariat de la Nouvelle-Orléans (ville américaine où il dit habiter en ce moment) demandant aux officiers sur place si son nom est sur la liste des personnes recherchées par Interpol. Il se vante que ce soit le contraire, mais je vous dis qu’il serait l’homme le plus heureux au monde de voir son nom apparaître sur cette liste.

Ceci lui permettrait ainsi de se rapprocher des associations de défense des droits de l’Homme afin de bénéficier d’un asile politique et d’obtenir la nationalité américaine (ou au pire le Green Card) sous le simple prétexte qu’il est menacé et persécuté par l’Etat sénégalais.

Voir des milliers de Sénégalais ne jurer que par Assane Diouf, en allant jusqu’à louer sa pertinence et son intrépidité me fait halluciner. Ses vidéos sont certes très animées et ne manquent pas d’humour (à l’image de son auteur), mais il y a très peu d’arguments pertinents et convaincants. Les diffamations, les calomnies et les insultes y sont monnaie courante.

Je tiens à préciser que je n’ai absolument rien contre Assane Diouf et que je ne suis non plus un soutien de Macky Sall. Pour preuve, à quelques jours des législatives, j’avais moi-même publié un édito disant que cette élection était « la plus grosse farce de l’Histoire politique du Sénégal ». Dans une de mes vidéos sur YouTube, j’avais demandé qu’un audit soit ouvert pour que le gouvernement de Macky Sall explique aux Sénégalais où sont passés les 50 milliards de FCFA destinés à confectionner des cartes d’électeurs que beaucoup de Sénégalais n’ont jamais reçues.

Défendre ce gouvernement qui s’adonne à de l’amateurisme me rendrait coupable. Ce que j’ai envie de dire ici est que le Sénégalais doit arrêter de se faire influencer. Nous ne sommes pas dupes et nous sommes beaucoup plus intelligents et perspicaces que ces soi-disant opposants 2.0 qui se réfugient derrière les réseaux sociaux pour déverser un message de haine contre des personnalités politiques, des institutions et parfois des personnes d’ethnies différentes.

Si Assane est si patriote qu’il le dit, qu’est-ce qui l’empêche de quitter les Etats-Unis et d’aller mener son combat au Sénégal ? Si Assane Diouf a des arguments, qu’il les démontre avec courage et respect en se débarrassant de ses insultes. Si des arguments, il n’en a pas, alors qu’il se taise. Je n’ai rien contre ses vidéos et son opposition virulente contre le pouvoir en place. Il est dans ses droits et a tous les droits d’exprimer sa position au nom de la liberté d’expression.

J’aimerais juste que ces milliers de fans (dont le fanatisme frôle désormais l’hystérie) qui ne jurent que par lui lui demandent d’élever un peu le niveau du débat. Faire des vidéos qui dépassent les 50 000 vues en un laps de temps très court ne vous garantit pas la pertinence. Avec Assane Diouf, il faut bien reconnaître que l’audience est bien là, le buzz est bien là, mais malheureusement le niveau du débat reste encore très, très bas.

Edito signé : Cheikh Tidiane DIENG

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