Un parti peut-il retirer son mandat à un député qu’il n’a pas investi ?

 

 

Un responsable du Parti socialiste (PS) du Sénégal a déclaré que les membres de ce parti investis sur des listes rivales pour les législatives du 31 juillet perdront leur mandat, s’ils sont élus. Il a évoqué la Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Cette déclaration est-elle conforme à la loi?

Moussa Bocar Thiam, porte-parole adjoint du PS, a soutenu, le 31 mai dernier sur la radio RFM, que les responsables de ce parti investis sur des listes rivales perdront leur mandat de députés, s’ils sont élus au soir du 31 juillet 2017. Il s’est appuyé sur l’article 60 de la Constitution combiné avec l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Des responsables socialistes, dont le maire de Dakar Khalifa Sall, sont investis sur des listes qui vont rivaliser avec celles de la coalition au pouvoir dont leur parti est membre lors des législatives de juillet 2017.

Les propos du porte-parole du PS sont-ils conformes à la loi ? Africa Check a vérifié les lois qui régissent la démission du député au Sénégal.

Sur quoi fonde-t-il son argument ?

« S’ils sont élus ils seront des députés du PS. S’ils ne posent des actes de démission non équivoques avant leur élection, ils risquent de s’exposer à un problème juridique. On sait tous que l’article 60 de la Constitution combiné avec l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dit clairement qu’un député qui démissionne de son parti en cours de législature, ou qui est exclu de son parti en cours de législature perd son mandat», a-t-il déclaré.

Il a ajouté que si ces dissidents « ne manifestent pas leur démission [du PS] avant d’être élus à l’Assemblée nationale […], ils perdront leur mandat, ils ne siégeront jamais à l’Assemblée nationale, ils seront inéligibles […]. Ça, c’est une réalité juridique ».

Africa Check a contacté Me Thiam, par appel téléphonique puis par SMS, pour avoir une explication détaillée. Il a répondu par SMS qu’il allait nous rappeler mais ne l’a pas fait. Nos multiples relances sont restées vaines.

La Mason du Parti -- siège du PS-- au quartier Colobane à Dakar. Photo PS.

La Mason du Parti — siège du PS– au quartier Colobane à Dakar. Photo PS.

Qu’en dit la loi ?

Les articles 60 de la Constitution et 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale régissent la question de la démission du député.

L’article 60 de la Constitution dit tout simplement que « tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat ».

Quant à l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, il est plus détaillé. Il dispose que « tout député peut se démettre de ses fonctions. Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat (article 60 de la Constitution) […]».

Un parti peut-il faire perdre son mandat à un député qu’il n’a pas investi ?

Maître Thiam a également affirmé, qu’au regard des articles 60 de la Constitution et 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, si le PS exclut de ses rangs les responsables socialistes élus sur des listes rivales, ceux-ci perdront leur mandat de député.

Seulement, ni l’article 60 de la Constitution, ni l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne disent qu’un député exclu des rangs de son parti perd son mandat.

Africa Check a contacté par téléphone Babacar Guèye, professeur de droit constitutionnel à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est formel.

Selon lui, « la loi parle du député qui démissionne de son parti en cours de législature et non d’un responsable politique qui est investi sur une liste rivale au parti dont il est membre ».

En d’autres termes, ajoute-il, « un parti ne peut pas retirer son mandat à un député que lui-même n’a pas investi ».

Africa Check a également contacté l’analyste politique Abdou Khadre Lô, docteur en Sciences Politiques qui souligne que les articles 60 de la Constitution et 7 du règlement intérieur sont très clairs. «La loi parle du député qui démissionne de son parti en cours de mandat», déclare M. Lô, spécialiste du droit constitutionnel.

Il précise que «nous sommes non seulement dans le cadre d’un nouveau mandat, mais un mandat dont le détenteur n’a pas été investi par son parti ».

Conclusion : la loi ne permet pas à un parti de retirer le mandat à un député qu’il n’a pas investi

Le porte-parole adjoint du Parti socialiste, Moussa Mocar Thiam, a déclaré que les responsables socialistes investis sur des listes rivales à celle de leur formation politique pour les législatives du 31 juillet perdront leur mandat, s’ils sont élus.

Les articles 60 de la Constitution et 7 du règlement intérieur, cités comme référence, disposent clairement que « tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat». Ces articles sont toutefois muets sur ce qui peut arriver  si un parti exlut un député.

Par ailleurs, le constitutionnaliste Babacar Guèye soutient qu’un parti « ne peut pas retirer son mandat à un député qu’il n’a pas investi ».

Par conséquent, la déclaration n’est pas conforme à ce que disent les textes législatifs qu’il a cités en référence. Les responsables socialistes investis sur des listes rivales ne perdront pas leur mandat, s’ils sont élus.

Par Samba Dialimpa Badji

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