Modou Diagne Fada : « Difficile pour l’opposition d’imposer la cohabitation si… »

Modou Diagne Fada, président du parti Les réformateurs (Ldr-Yessal) et ancien président du groupe parlementaire du Pds est formel. Il est extrêmement difficile, pour l’opposition, avec le mode de scrutin en vigueur au Sénégal, d’imposer la cohabitation à l’Assemblée nationale. A moins qu’elle ne soit totalement unie sur le plan national et sur le plan départemental ainsi qu’à l’extérieur du pays. Dans cet entretien accordé à Sud quotidien, l’ancien ministre de la Santé sous l’ère libérale revient également sur l’alliance de son parti avec la formation de l’ancien Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye pour les prochaines législatives. Comme sur bien d’autres sujets comme la refonte partielle du fichier électoral, le mode d’élection des députés et la répartition des 15 sièges aux Sénégalais de l’extérieur.

Quel bilan tirez-vous des opérations de refonte partielle du fichier électoral qui viennent de prendre fin le 23 avril dernier ?

Je pense qu’il faut attendre la publication des listes sur toute l’étendue du territoire national pour voir si toutes les personnes qui se sont inscrites ont leur nom effectivement sur les listes. Maintenant, ce qu’il faut déplorer, ce sont les partis pris de l’administration centrale qu’on nous a signalés, en faveur de certaines localités réputées Apr ou encore en faveur de certains responsables du parti au pouvoir. Mais, en tout état de cause, c’est à la publication des listes provisoires qu’on pourra réellement faire des appréciations définitives sur la conduite des opérations d’inscription, de modification et de changement des lieux de vote sur les listes électorales.

Votre parti se retrouve-t-il dans le nouveau code électoral, notamment les points relatifs aux modalités d’élection et la répartition des sièges destinés aux députés des Sénégalais de l’extérieur ?

Ma position par rapport au code électoral reste intacte. Je prône le changement du mode du scrutin depuis très longtemps. Nous avons un mode de scrutin archaïque, dépassé parce qu’au Sénégal, nous avons 60 députés élus sur la liste nationale et 105 élus sur des listes départementales. Et, tout le monde sait que ces listes départementales majoritaires favorisent les grandes coalitions, notamment les partis au pouvoir. Nous nous attendions à ce que le président Sall fasse faire un bond à la démocratie sénégalaise mais tel n’a pas été le cas. Il a maintenu le statu quo en ce qui concerne le mode de scrutin. Bien entendu, cela met en difficulté les partis qui n’ont pas de moyens financiers ou qui ne bénéficient pas de la complicité de l’administration de façon générale. C’est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, j’ai toujours prôner la proportionnelle intégrale ou alors un système de vote à deux tours au niveau des circonscriptions électorales départementales pour nous permettre une meilleure représentation des populations. Je donne souvent l’exemple du département de Dakar où vous avez sept (07) députés à élire. Si deux listes sont en compétition, la liste qui parvient à devancer l’autre d’une seule voix, rafle tous les 07 députés du département de Dakar. Mais, il reste clair que ces députés qui vont à l’Assemblée nationale  ne peuvent pas prétendre représenter l’ensemble des populations de Dakar.
Donc, c’est un mode de scrutin bancal, un peu dépassé qu’il faudra nécessairement revoir. Ce que je dis pour le département de Dakar est valable pour le département des Sénégalais de l’extérieur. On a vu un décret qui donne l’avantage à un pays puisque les gens pensent que dans ce pays-là, ils sont plus forts que les autres et qu’ils minorent les chances de l’opposition dans d’autres départements de l’extérieur. Mais, ce qui est important, c’est qu’en définitive, ce sont les Sénégalais qui vont se prononcer, c’est eux qui vont se rendre aux urnes. Et, comme il est quasiment impossible de détourner le suffrage des Sénégalais, l’Alliance pour la République même peut perde le département de l’Europe de l’ouest et du centre, malgré toutes les manigances et toutes les manœuvres autour de ces circonscriptions des Sénégalais de l’extérieur.

L’ancien Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, avec qui votre parti travaille depuis quelques temps pour les prochaines législatives, a finalement décidé de répondre à l’appel du président de la République. Comment appréciez-vous cette décision ?

Le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, a décidé de serrer la main tendue du président de la République, c’est sont droit le plus absolu. Nous n’avons pas de commentaire à faire sur cette décision, il a un parti souverain, il est une personnalité politique souveraine, il a le droit de serrer la main de qui il veut. On n’a pas de problème à ce niveau puisque chaque parti est libre de mettre en place sa stratégie mais également de prendre ses positions.

Nonobstant de cette décision, Souleymane Ndéné Ndiaye se dit toujours disposé à continuer à travailler avec votre parti pour les prochaines législatives. Est-ce le cas pour vous ?

Nous ne pouvons plus continuer à travailler ensemble avec son parti. Ce n’est plus possible. C’était clair que nous étions deux partis d’opposition qui discutaient pour s’entendre autour d’une liste. Nous, au niveau de Ldr-Yessal, le mandat que nous avons reçu de notre parti, c’est de ne s’allier qu’avec des partis membres de l’opposition. Et, dès l’instant que lui a décidé de répondre favorablement à l’appel du président Macky Sall, de notre point de vue, il sort de l’opposition. Par conséquent, nous ne pouvons plus continuer à chercher à nous allier avec lui. C’est la raison pour laquelle, après concertation et avis des responsables du notre parti, nous avons décidé de rompre les discussions que nous avions entamées avec lui en vue de la mise en place d’une alliance électorale entre Ldr-Yessal et le parti de Me Souleymane Ndéné Ndiaye, l’Unp.

Peut-on s’attendre à un rapprochement avec vos camarades de Mankoo après cette décision de l’ancien Premier ministre ?

Ldr-Yessal est un parti à part entière de Mankoo Wattu Senegaal. Il y a des partis qui sont en contact avec nous, avec lesquels nous discutons, avec lesquels nous échangeons autour de la création d’une liste commune. Je ne sais pas ce qui va se passer après, mais les comptes sont établis et on verra bien  est-ce qu’ils vont aboutir  à quelque chose ou pas. En tout cas, notre volonté c’est de prendre part à toute coalition de l’opposition pour pouvoir imposer la cohabitation au président Sall. Maintenant, si entretemps des partis de Mankoo se concertent tout en excluant d’autres partis de Mankoo, il va de soi qu’en ce qui nous concerne, nous sommes préparés à toutes les éventualités. Nous sommes aujourd’hui prêts. Au cas où on ne serait pas allié à un autre parti, nous sommes prêts à aller seuls aux élections législatives.

Êtes-vous pour la désignation du président Wade comme tête de liste de l’opposition ?

Quand on a annoncé son retour, j’ai applaudi des deux mains. J’ai dit que tous les Sénégalais avaient la nostalgie du président Wade, j’ai dit qu’il fallait qu’il revienne le plus tôt possible, parce que c’est quand même un personnage fantastique, quelqu’un qui rassure et qui assure surtout quand il est au Sénégal. Nous de l’opposition, nous avons besoin de sa caution morale, de sa sagesse, de sa clairvoyance pour pouvoir conduire certaines opérations. Maintenant s’agissant de la tête de liste, je pense que Wade dépasse ça, il mérite mieux que ça, il mérite plus que ça. Et c’est la raison pour laquelle je ne serais pas favorable à ce qu’il soit réduit à une simple tête de liste. 

Que pensez-vous d’un Khalifa comme tête de liste de l’opposition à Dakar ?

Si lui il veut être tête de liste de l’opposition à Dakar, il n’y a pas meilleur profil que lui pour diriger la liste de l’opposition dans la capitale.

De plus en plus, des gens évoquent la possibilité d’une cohabitation à la sortie des prochaines législatives. Pensez-vous que l’opposition a une chance d’y parvenir ?

Je ne veux pas me donner dans la langue de bois. Il est extrêmement difficile dans un pays comme le Sénégal, avec le mode de scrutin que je viens de décrire pour l’opposition d’imposer la cohabitation si elle n’est pas totalement unie sur le plan national et sur le plan départemental. Autrement dit, si nous n’avons pas une unité totale de toutes les forces de l’opposition dans tous les départements du Sénégal et sur le plan national ainsi qu’à l’extérieur du pays, cela va être extrêmement difficile d’imposer la cohabitation au président Macky Sall. C’est la raison pour laquelle je crois que des partis de Mankoo Wattu Sénégaal qui travaille à exclure certains partis de ce front ont intérêt à élargir le champ d’intervention et d’action mais aussi à impliquer l’ensemble des forces politiques de l’opposition. 

Peut-on s’attendre un jour à ce que le président Modou Diagne Fada décide lui aussi de répondre à l’appel du président Macky Sall ?

(Rires). Cela, c’est une question qui n’est pas à l’ordre du jour. Moi, le chef de l’État ne m’a pas appelé. Pourquoi voulez-vous que j’aille répondre à son appel ? Aujourd’hui, ma préoccupation en tant que chef de parti, c’est de travailler à massifier et à implanter Ldr-Yessal et d’obtenir le maximum de députés à l’Assemblée nationale. C’est ma seule préoccupation au moment où je vous parle.

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