MACKY SALL : SUUL BUKI SULLI BUKI OU LE GROS « MACKYLLAGE » (Contribution par Moussa Touré)

Aujourd’hui que la crise gambienne est, pour l’essentiel,  derrière nous, il y a lieu de se féliciter de l’action des différents acteurs qui se sont impliqués dans sa résolution heureuse : les Nations Unies, la CEDEAO  et ses différents chefs d’Etat, le gouvernement du Sénégal, la Société civile de  nos pays, et le peuple gambien dont il faut saluer le courage et la détermination.

Toutefois, même si  le Président Macky Sall doit être personnellement cité parmi ces acteurs, comme se plaisent à le ressasser à volonté ses habituels thuriféraires, force est de reconnaitre que la palme, indéniablement, revient aux Présidents de la Guinée ( Conakry) et de la Mauritanie, dont le calme, la sérénité et la patience ont permis d’empêcher la victoire des va-t’en guerre de tous bords, qui  n’ont  pas hésité à vouloir provoquer un bain de sang, qui aurait laissé des séquelles durables années, dans nos relations de fraternité, de voisinage-inclusion, avec le peuple de Gambie.

Cependant, même si  nous ne pouvions ne pas parler de ce drame évité, loin s’en faut,  l’objet de notre réflexion est tout autre et remonte au 31 décembre 2016.

Lorsque le soir de ce jour, le Président de la République annonce qu’à compter du  1er  bimestre 2017, donc à compter du 1er janvier 2017, il serait opéré une baisse de 10% sur la facture d’électricité des Sénégalais, soit un montant de 30 milliards de francs ( montant dont le calcul, à l’examen, ne repose sur aucune base sérieuse) , certains de ses obligés ( pas seulement des membres de l’APR, ce qui serait compréhensible, mais aussi et surtout ceux des partis satellites, si grands et si respectés hier) se sont plu à qualifier cette décision de «  cadeau de nouvel an », avec tellement de légèreté, comme si ces 30 milliards sortaient des  poches  personnelles  de Macky Sall « himself » et non du patrimoine des Sénégalais, de la Nation : Nous avons, comme tous ceux qui déplorent les difficultés que vivent les Sénégalais , salué et applaudi cette décision de pure  justice.

Lorsqu’arrive maintenant la réflexion, nous relevons que cette décision souffre de 3 limites au moins.

1 / A partir de la mi- 2014, le prix du baril de pétrole, qui était de l’ordre de 120 dollars, a connu une baisse vertigineuse, pour tomber sous les 40 dollars, soit une perte de plus des 2/3 de sa valeur. Lorsque l’on sait que sur les quelque 440 milliards  de charges annuelles de la Senelec, le combustible représentait 210 milliards, soit presque la moitié, on peut estimer à près de 150 milliards  l’économie ainsi obtenue, ce qui, pour les 2 dernières années, correspondent à 300 milliards d’économie. Le gouvernement aurait dû procéder à des baisses successives et importantes du prix de l’électricité dès la fin 2014 comme nous l’avons amené à le faire pour les carburants. Cette baisse aurait dû, finalement, sur la base des éléments que voilà, représenter 1/3 de nos factures, soit entre 30 et 35%, et non les 10% consentis. Donc, aujourd’hui, le compte n’y est pas du tout : Macky nous a pris 300 milliards et  ne nous rend que 30 milliards soit le 10ème : Qui est fou dirait l’autre.

2/ Le Président de la République dans le florilège de «grâces» qu’il a annoncé le 31 décembre a sans doute oublié, pour ne pas nous faire de la peine, de nous faire part de 2 mesures au moins :

__La nouvelle (ou augmentation, c’est selon) taxe sur les produits miniers, a frappé de 3 000 francs la tonne de ciment.  En évaluant à quelque 6 millions de tonnes la production de nos 3 cimenteries (Sococim, Ciments du Sahel et Dangote), le montant ponctionné sur les Sénégalais s’élèvera à 18 milliards de francs : il faudra noter que beaucoup de victimes de ce renchérissement sont des « gorgolous » qui s’évertuent, comme on le voit le long de l’autoroute de Pikine à Diamniadio, à avoir leur propre logis.

__ La nouvelle taxe à l’exportation  de 40 francs et de 15 francs le kilogramme d’arachide décortiquée ou en coques, outre qu’elle est anachronique parce qu’elle sape notre compétitivité, devrait rapporter, si l’on croit les déclarations du Ministère de l’Agriculture sur le volume de 300 000 tonnes exportées en 2015/2016 au moins 12 milliards de francs. L’argument invoqué dans le Budget 2017, qui viserait à freiner les exportations pour que nos huileries puissent être approvisionnées ne tient pas, celles-ci étant plombées par des problèmes structurels et non par la disponibilité des graines. Une fois encore, ce sont nos pauvres paysans-producteurs qui feront les frais de cette taxe qui leur sera répercutée en tout ou partie par les acheteurs étrangers en position de force.

Le Budget 2017 évalue à 250,1 milliards de francs les revenus attendus de ces deux taxes et de la nouvelle Contribution pour le développement économique qui frappe tous les usagers des télécommunications, c’est-à-dire vous et nous. En faisant abstraction de l’alourdissement induit par les autres nouvelles mesures fiscales, on  peut, rien que sur le ciment et l’arachide, retenir que le Gouvernement va engranger 30 milliards de francs (18  et 12)  soit exactement le même montant que le « cadeau » : SUUL BUKI SULLI BUKI.

3/ Si le cadeau du Président prend effet le 1er janvier, pour figurer sur les factures de mars,  alors quid des Sénégalais de plus en plus nombreux qui ont adhéré au nouveau compteur Woyofal, achetant et payant  comptant le courant, au jour le jour.  Pour avoir vérifié hier seulement, nous affirmons que le tarif reste inchangé à ce jour : pour 10 000 francs, on continue à avoir entre 72 et 84 kwh (ce taux pouvant changer dans la même journée, la même heure, pour des raisons qui dépassent notre modeste intelligence).

Si la parole du Président de la République, Chef de l’Etat, a  encore un sens et un crédit, la correction doit être immédiate, sinon «  Wa woyofal yi », exigez par tous moyens légaux qu’elle soit faite et exigez même, selon le principe d’équité, que vous soient remboursés tous les surplus qui vous sont imposés depuis le 1er janvier 2017.

Pour conclure, nous voudrions accorder un peu de charité au gouvernement et à la Senelec, en acceptant que les prétendues et importantes réformes qui y ont été opérées, en font aujourd’hui une entreprise saine, performante, voire, bénéficiaire. Nous espérons que ce ne sera pas un feu de paille entretenu par les plus de 300 milliards économisés avec la baisse du baril, qui s’évaporerait, à petit feu, dès que ce baril commencera à remonter sensiblement, ce que nous ne saurions souhaiter.

Bonne et heureuse année, chers compatriotes, où que vous soyez.

Dakar, le 25 janvier 2017

 

Pour CET/JARIÑ SAMA REEW                                                                     

Le Président
Moussa TOURE, ancien Ministre de l’Economie et des Finances, ancien président de la Commission de L’UEMOA

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