Injustice internationale? (Par Amadou Tidiane Wone)

Injustice internationale? (Par Amadou Tidiane Wone)

Depuis quelques années et insidieusement, un système dit de la « Justice internationale » s’est mis en place pour connaître de faits pourtant commis à l’intérieur de frontières supposées êtres dotées de juridictions…nationales. Celles-ci, sensées juger tous les actes répréhensibles commis sur le territoire en question, sont mises entre parenthèses, et parfois même cannibalisées par le recrutement, à l’international, de leurs meilleurs serviteurs.

Au fil du temps, des mécanismes de plus en plus sophistiqués voient le jour pour étendre le champ d’action de ces « juridictions internationales » au point de juger, hors de leur territoires, des anciens Chefs d’Etat qui devraient être comptables, d’abord devant leurs peuples: Charles Taylor et Laurent Gbago à la Haye, Hissene Habre à Dakar. Même si pour le cas de ce dernier la parure « africaine » était de mise… Pour leurs « crimes », supposés ou réels, et dont les qualifications semblent taillées sur mesure pour entrer dans le champ d’action des Tribunaux internationaux, ces personnalités sont jugées avec un renfort indécent de moyens financiers et médiatiques. On se demande s’il n’était pas plus indiqué d’investir les sommes ainsi mobilisées dans la formation des magistrats des pays concernés, la construction de tribunaux dignes de ce nom et la mise en place d’une chaîne de valeurs judiciaires qui y perdurent. Cela aurait été le meilleur moyen de doter chaque pays d’une justice indépendante qui serait dissuasive, à long terme, pour les délinquants potentiels. Mais les intérêts des pays africains sont-ils seulement au cœur des préoccupations de la Justice internationale?

Car, voyez-vous ce qui est de plus en plus gênant, c’est que l’Afrique (et quelques pays impuissants)  semblent être le seul terrain de jeu des « juges internationaux! » Les responsables africains déchus semblent être les seuls susceptibles d’être traqués et poursuivis. Cela commence à ressembler à une Injustice internationale ! Si expéditive lorsqu’il s’agit des Africains, elle sait prendre son temps lorsque des crimes sont commis, au vu et au su de tous les médias du monde, par des « grandes puissances » en Lybie, en Syrie, en Irak, à Gaza… Cette « justice » à géométrie variable commence à devenir, pour dire le moins, suspecte ! D’autant plus qu’aucune retombée positive sur le quotidien des africains n’est intervenue, suite à tous ces procès en mondovision. Au contraire! Tout porte à croire à des règlements de comptes au sommet, sur fond de partage de ressources ou de répartition de zones d’influence stratégique entre puissances. La méthode est éprouvée: des ONG internationales, jouant le rôle de procureur, créent des succursales locales pour assiéger les dirigeants à mettre au pas, les accusent de non-respect des « droits humains » et les clouent au pilori. Et lorsque le fruit est mûr, à la faveur d’une « élection » ou d’un « soulèvement populaire » les Puissances tutrices viennent, tels de preux chevaliers, pour rendre la « Justice » par les armes au besoin. Et les peuples sont priés d’applaudir face à tant de générosité. La ficelle finit par être trop grosse et l’emballage fripé!

Sur un autre registre, et relativement aux scandales de corruption dans le milieu du sport international, tout le monde sait que des pratiques malsaines y ont court
depuis…toujours. Cependant, l’acharnement sur le Président Lamine DIACK de l’IIAAF est bien loin des arrangements trouvés pour Michel PLATINI et Sepp BLATTER ancien Président de la FIFA. À côté de ce dernier, le Président Lamine DIACK ferait plutôt figure d’artisan. Si les faits qui lui sont reprochés étaient avérés. La gêne, ici, est encore plus perceptible: on parle plus des accusations de dopage portant sur la Russie et si peu des rancœurs liées à plusieurs échecs de la candidature française au jeux olympiques sous l’ère Lamine Diack. On en oublie ses dizaines d’années de bons et loyaux services. Règlement de comptes? On en oublie également les dessous de cartes ( et de tables!) de la futur coupe du monde au Qatar. Les sommes en cause dans le second cas sont sans commune mesure avec celles qui circulent sur le cas Lamine Diack…Et pourtant…
Le sport au niveau international, à l’image de la gouvernance mondiale d’ailleurs, est infiltré par des organisations criminelles, ou des individus qui le sont tout autant. L’argent du sport lave à grandes eaux les sommes illicites perçues ailleurs…C’est connu. En réalité, la vertu n’est plus le signe distinctif des temps actuels. Arrêtons de nous la jouer!

Tout cela étant dit, et pour faire bonne figure, la Justice Internationale devrait se pencher sur le cas de la Lybie et de l’assassinat de son chef de l’Etat. Au vu de la destruction totale d’un pays souverain pour des intérêts pétroliers et géostratégiques dont on sait ceux qui en tirent profit. Si Justice il y’a, elle devrait faire la lumière sur ce qu’est passé à Benghazi! On devrait aussi éclairer l’opinion publique internationale sur les sommes astronomiques supposées détenues par le Président Khadaffi qui était à la veille de mettre sur orbite un satellite africain pour les Africains… Qui a mis la main sur ce trésor? À quelles fins? Pour soulager ce qui reste de la conscience humaine, il est temps de rendre justice à Mouammar Al Khadaffi qui se révèle, au fil du temps, ne pas être le monstre préfabriqué par une campagne de propagande impitoyable pour une mise à mort indiscutable.

Pendant que nous y sommes, et en matière de résolution de conflit et d’apaisement des tensions à l’intérieur d’un pays, l’Afrique du Sud de Nelson Mandela avait mis sur pied une Commission « Vérité et réconciliation ». Des crimes qualifiés de « crimes contre l’humanité » ont été passés par pertes et profits au bout de quelques mois de paroles échangées sous forme de catharsis sociale. Ce qui est gênant ici, c’est que l’on finit par se demander si ce mécanisme n’a pas été trouvé que parce que les mis en cause pour tous ces crimes odieux étaient…blancs. Au bout du compte, ils mènent une vie tranquille en Afrique du Sud et continuent à jouir de privilèges indus alors que la majorité noire continue à souffrir. On finit par se demander également si les attaques médiatiques incessantes contre Jacob ZUMA ne finiront pas par produire l’effet escompté: dégoûter la majorité noire d’une Présidence qui lui ressemble.

Si toutes ces observations sont le fruit du hasard, alors le hasard est raciste et anti africain!

En tout état de cause, l’Afrique souffre terriblement de l’ordre actuel du monde. Depuis trop longtemps. Pire, les dirigeants actuels du Continent ne nous donnent aucun signe d’espoir. De plus, les élites africaines bien placées, pour ainsi dire, ne regardent pas suffisamment vers le Continent. Elles contemplent, pour la plupart, les mirages de l’occident en tournant le dos au vaste chantier qui les attend. L’Afrique souffre en effet de l’absence d’un leadership continental ayant une vision globale et coordonnée des pièges qui lui sont tendus. Elle a besoin de l’engagement de tous ses enfants. L’Afrique a un besoin impérieux de leaders, moins portés sur l’enrichissement personnel, mais nourrissant une véritable ambition pour leurs peuples. L’Afrique a besoin de renouer avec le fil de son génie ante-colonial pour se réinventer un destin. L’Afrique doit se doter d’une Vision continentale du développement et assumer un dessein à sa propre mesure. Pour cela, l’Afrique est en attente de leaders courageux, visionnaires et déterminés. Des leaders qui pensent, par delà les frontières dessinées à Berlin, et qui tiennent en compte la discrimination raciale qui est un facteur non écrit bien des fois déterminant dans la conduite des affaires de ce Monde…
Les modèles ne manquent pas dans notre Histoire proche et lointaine. Sachons les mériter, non par la contemplation placide, mais par l’action efficiente dans la durée.

Amadou Tidiane WONE

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