Infrastructures : La grande interview du chef de l’Etat, Macky Sall !

C’est un président de la République relaxe, visiblement heureux et comblé de joie  quelques heures après la désignation de Dakar pour abriter les Jeux Olympiques de la Jeunesse en mai et juin 2022 qui s’est adressé aux sénégalais.

Le chef de l’Etat, Macky Sall, a livré en exclusivité, aux lecteurs de Sud Quotidien, internautes de sudonline.sn et aux auditeurs de Sud FM, les sentiments qui l’ont animé après cette brillante et historique victoire du Sénégal mais aussi de l’Afrique. Il a par ailleurs appelé ses compatriotes à relever le défi de l’organisation en montrant à la face du monde que l’Afrique est capable d’accueillir la jeunesse mondiale.

A cet effet, il entend saisir cette opportunité pour remodeler le visage du Sénégal d’ici 2022, au niveau des infrastructures sportives, routières et hôtelières (construction de deux hôtels de cinq étoiles). Entretien.

Dakar, la capitale du Sénégal, vient d’être désignée par acclamations par des membres du CIO pour abriter les Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2022, une première pour le continent africain. Quel sentiment vous anime à cet instant (l’entretien a été réalisé lundi soir-Ndlr) ?

Je suis animé par un sentiment de fierté en tant qu’africain d’abord parce que vous l’avez rappelé, c’est la première fois dans l’histoire de l’olympisme que le continent africain va organiser des JO sur son sol. Au-delà de la fierté des Sénégalais, c’est toute l’Afrique en vérité qui a eu cette fierté. Et d’ailleurs, les témoignages éloquents des comités nationaux olympiques africains que ce soit le comité sud-africain, zimbabwéen mais aussi botswanais, tunisien et nigérian qui étaient pour ces trois pays (Botswana, Tunisie, Nigéria) candidats au même titre que le Sénégal, ont montré qu’il y a eu une unanimité de l’Afrique autour de cette candidature sénégalaise. Donc, nous sommes aujourd’hui, au nom de tous les Africains, le pays qui va recevoir la jeunesse du monde entier en 2022. C’est un signe de reconnaissance. C’est un signe également d’amitié et j’ai tenu à remercier les membres du comité international olympique, tous pays confondus, puisque nous avons eu un plébiscite. Nous avons eu l’unanimité et les gens mêmes ont demandé qu’on change les règles pour ne pas voter et finalement, ils n’ont même pas voté. Donc, c’est à l’unanimité. Je vois que cela a été décidé parce que simplement le CIO a estimé que l’olympisme qui était marqué par les cinq anneaux qui représentent les cinq continents jusque-là n’avait pas encore donné la chance au cinquième anneau qu’est le continent noir d’organiser des jeux sur son sol. C’est en fait une responsabilité confiée à l’ensemble des Sénégalais et c’est donc tous les Sénégalais qui doivent se mobiliser autour de ce défi qui nous est lancé. Je suis sûr que nous allons relever, avec responsabilité, avec solidarité, que ce soit les membres du comité national olympique sous la direction de Mamadou Diagna Ndiaye que je félicite au passage pour l’excellent travail qu’il a abattu mais derrière lui aussi, c’est tout le comité national olympique sénégalais qui a été vraiment à la tâche et à côté d’eux, il y a la ville de Dakar qui va abriter les jeux ainsi que la commune de Diamniadio et la commune de Saly-Portudal. Donc, c’est l’ensemble de ces acteurs, évidemment avec le soutien de l’Etat totalement acquis. J’ai eu à prendre l’engagement devant le CIO que nous pourrons réussir ce pari qui est aussi un pari pour l’Afrique.

Ce pari commence d’abord par les infrastructures sportives, routières parce que quand même c’est plus de 4.000 jeunes qui vont se déplacer, environ 800 officiels. Comment est-ce que vous allez entreprendre tout ça pour que, d’ici 2022, le Sénégal soit fin prêt pour accueillir les jeunes du monde entier ?

Oui, vous savez que grâce au Plan Sénégal Emergent (PSE), cette candidature a pu faire la différence avec peut-être les autres pays qui étaient en compétition. Or, le PSE dans sa dimension première, dans son axe premier, insiste sur la transformation structurelle de l’économie. Et dans ce premier axe, nous avons déjà largement entamé le volet infrastructures dont l’infrastructure routière, autoroutière et ferroviaire qui permettra d’assurer un transport facile, fluide, sécuritaire entre Dakar, le nouvel aéroport, la ville de Diamniadio. Vous voyez déjà que nous avons anticipé. Qu’il y ait jeux olympiques ou pas, nous sommes déjà dans cette dynamique. Sur le plan hôtelier également, nous nous sommes engagés pour réaliser deux grands hôtels de cinq étoiles au courant de l’année 2019-2020 puisque notre pays a besoin de cela, au-delà de l’existant qu’il faut rénover, qu’il faut mettre à niveau. Et je félicite déjà tous les promoteurs hôteliers puisque le Sénégal est devenu attractif, il est devenu en plus un pays pétrolier. Donc, il faut se rendre à l’évidence que la destination va attirer davantage de monde et il faut que nous soyons au standard international. Nous ne pouvons pas avoir une ambition d’émergence et ne pas répondre à ce0rtains critères. Donc, qu’il ait d’ailleurs à ce niveau Jeux olympiques ou pas. Bientôt, nous aurons en 2021, le forum mondial de l’eau. C’est plus de 10.000 personnes. Nous aurons dans la même année la réunion du Focac (Forum Chine Afrique) et nous aurons les Jo de la jeunesse. Donc, le pays doit se mettre aux normes très rapidement. Nous devons régler la question de la propreté de Dakar, de nos villes, de nos rues. Nous devons respecter un certain nombre de critères dans l’environnement et enlever tout ce qui est encombrement afin que notre ville soit respirable, qu’elle soit accueillante, qu’elle soit propre. C’est comme ça qu’on peut attirer les gens et c’est comme ça que les gens laisseront un sentiment et des souvenirs extrêmement importants. Je vous rappelle que déjà les gens se posent des questions, à chaque fois qu’il s’agit de l’Afrique sur certaines maladies, est-ce qu’il n’y a pas de risques élevés sur telle ou telle maladie tropicale ? Ils pensent au paludisme, à la dengue, etc. C’est à nous, de par notre politique volontariste, de montrer qu’on soit à Dakar, à Buenos Aires, à Tokyo ou à Paris qu’on est exactement dans les mêmes conditions. Voilà le pari, en tout cas, que je veux relever avec les Sénégalais et nous sommes sur la bonne voie.

Monsieur le Président, les Jeux Olympiques de la Jeunesse, c’est effectivement du sport mais c’est aussi l’éducation, la culture. Ces deux volets-là, comment est-ce que le Sénégal va les relever aussi ?

Dans le domaine de l’éducation et de la culture, là aussi, je reviens sur le PSE qui est le cadre de référence unique de notre politique publique. Vous savez que nous avons pris des mesures extrêmement volontaristes pour l’éducation et la formation ainsi que la recherche et l’innovation. Dans ces domaines, non seulement, il y a de nouvelles facilités et infrastructures qui permettront d’ailleurs notamment pour l’université Amadou Moctar Mbow de pouvoir mettre à disposition, pour le village olympique, les facilités d’infrastructures d’hébergement et nous avons beaucoup investi dans ce volet formation. Cela rentre dans le cadre du développement du capital humain et nous sommes déjà très avancés et vous savez que beaucoup de ressources ont été mobilisées dans ce cadre. Ce qui justifie d’ailleurs, aussi bien sur le volet pédagogique que sur le volet social, que mon gouvernement ait mis tous les efforts. Récemment, vous avez suivi l’inauguration des pavillons avec les 5800 nouveaux lits déjà opérationnels mis à la disposition des étudiants et 3000 lits déjà en chantier mais nous ne nous arrêterons pas là. Nous allons continuer à faciliter l’accès à l’éducation, à la formation, à l’enseignement supérieur à la jeunesse sénégalaise. Puisqu’en définitive, c’est le volet le plus important pour la jeunesse parce que pour donner du travail aux jeunes, il faut les former d’abord. C’est comme ça, qu’ils peuvent valoriser leurs talents de façon à avoir une valeur ajoutée forte. Donc, sur tous ces domaines, nous sommes bien partis et nous maintiendrons le cap.

Dans la perspective de décrocher ces Jeux Olympiques, le président Mamadou Diagna Ndiaye avait mis en place une task-force composée d’Ibrahima Wade, Babacar Mactar Wade et Baidy Agne. Vous, vous avez adressé une lettre au CIO lors de votre dernier voyage en Chine. Pouvez-vous nous faire l’économie de cette lettre ? Qu’est-ce qui l’a justifiée ?

Vous savez, un pays ne peut pas réussir une candidature, s’il n’a pas le soutien plein et entier des autorités du pays. Il fallait que je montre au CIO que le comité national a entièrement le soutien du Chef de l’Etat et du gouvernement du Sénégal. Donc, cette lettre avait pour but de soutenir la candidature du Cnoss, de m’engager personnellement d’ailleurs en tant que président de la République pour dire que l’Etat sera aux côtés du comité national olympique et sportif sénégalais et aussi que nous mettrons ce qu’il faut pour que la responsabilité qui sera celle de l’Etat soit entièrement assumée puisque chaque pays qui reçoit a un certain nombre d’obligations. Evidemment, ces obligations sont déjà dans ce que nous, nous avons tracé. J’avais annoncé déjà le stade olympique de 50 mille places bien avant ces évènements-ci. Parce que là aussi, c’est l’ambition que nous avons prouvée pour la jeunesse de notre pays.

Monsieur le Président, je vous rappelle que la dernière fois que notre pays a abrité des compétitions d’une dimension continentale, c’était la Coupe d’Afrique de 1992. Pensez vous faire postuler le Sénégal pour l’organisation la Can en 2025, 2027 voire 2029 ?

Vous savez, les Jeux Olympiques de la jeunesse vont offrir d’importantes opportunités pour notre jeunesse. D’abord des opportunités d’emplois, l’emploi sur le chantier, sur le comité d’organisation avant, pendant et après les jeux. Ensuite, les infrastructures justement qui sont déjà réalisées permettront même, si nous ne les demandons pas à la Can, de dire que nous souhaitons les organiser au Sénégal car tout est sur place. C’est ça l’enjeu. C’est un produit d’appel et à partir du moment où vous aurez cette Can, il ne faut pas exclure d’autres évènements puisque les Jeux Olympiques c’est à l’échelle du monde mais pas seulement à l’échelle du continent. Quand vous organisez des Jeux Olympiques et que vous réussissez, vous pourrez organiser n’importe quelle autre manifestation sportive ou culturelle ou économique. Et ces infrastructures permettront aussi, que les Assemblées générales de toutes les grandes institutions du monde (Fonds monétaire International, Banque mondiale, etc.) puissent se tenir très facilement chez nous. Et c’est ça qui fait tourner l’économie en vérité. Donc, nous avons tout à gagner dans cette ambition mais cette ambition, c’est celle du PSE. C’est-à-dire, faire en sorte que le Sénégal par le travail, par les réformes et par l’adhésion de toutes les populations, de toutes les forces vives de la nation, du secteur public, secteur privé, société civile, au-delà des divergences de vue sur tel ou tel aspect, ce qui n’est pas très important, soit en mouvement et que les Sénégalais soient les principaux bénéficiaires. Donc, c’est cela le plus important. La Can sera largement à notre portée après.

Monsieur le Président, les activités de Dakar 2022, vont se dérouler à Dakar, Diamniadio et Saly-Portudal. Est-ce qu’il n’y a pas de crainte par rapport à la mobilité d’autant plus qu’on est confronté à Dakar à des embouteillages. Sur ce plan-là, qu’est-ce que vous comptez faire ?

Vous savez, le CIO avait mis en place une commission d’évaluation qui a visité l’ensemble du pays et croyez-moi, ce sont des professionnels pas des enfants de chœur qui ont vu évidemment le dossier de candidature du Sénégal. Heureusement que j’avais un programme comme le Train Express Régional (TER) et d’ici 2022, nous ferons le tout pour que ce train aille à AIBD. Ce qui veut dire que le transfert à partir de l’aéroport jusqu’au village olympique, jusqu’à la ville de Dakar etc., va être assuré de façon appropriée. Entre temps aussi, nous avons le projet du BRT (Bus Rapide Transit) qui va être un projet multi-moderne devant relier la ligne du TER qui est une dorsale Dakar-Diamniadio-Aibd à l’intérieur, notamment à Pikine, Guédiawaye, etc., dans les autres quartiers de Dakar. Il y aura une organisation de la circulation, des corridors spéciaux de circulation seront édifiés. Dans tous les pays du monde qui organisent, il en est ainsi pendant les Jeux sur deux semaines. Alors, on revoit le système de circulation et justement, on a tenu à ce que trois villes puissent être des centres. Tout n’est pas concentré à Dakar. Il y aura une bonne activité à Saly. Entre Saly et Aibd, il y a une autoroute. Entre Diamniadio, l’aéroport ou Diamniadio Dakar, il y a une autoroute, il y a une ligne ferroviaire.

Avant de prendre le pouvoir, vous aviez promis à la jeunesse sénégalaise, au mouvement sportif d’amener le budget du ministère des Sports à 1%. Aujourd’hui, si on vous reposait la question, qu’allez-vous répondre?

Mais je crois que nous avons dépassé très largement ce 1%. Il n’y a qu’à voir le budget d’investissement, c’est ce qu’on a fait. Ça n’a rien à voir. Donc, j’ai dépassé largement cet engagement. Il ne faut pas que les gens y voient le budget de fonctionnement du ministère des Sports ou par rapport à ce qu’on met dans les sports. Ça n’a rien à voir. Si vous prenez l’enveloppe globale, on dépasse de très loin, peut-être même qu’on a doublé le 1%. Je n’ai pas les chiffres exacts mais vous pouvez être certain que cette ambition a été très largement dépassée. Ça se voit d’ailleurs à travers l’organisation et la préparation de nos équipes (football). Elles sont mises au standard international et nous avons des infrastructures majeures. Il y a l’arène nationale de lutte. Il y a l’Aréna. Il y aura un stade olympique neuf. Tout ça s’est fait en combien de temps ? Il faudra aussi une rénovation du stadium Marius Ndiaye. Le stade Léopold Sédar Senghor sera rénové. Nous avons le stade Lat Dior de Thiès qui va être rénové et tous les autres stades. On est très loin des ambitions que j’avais dégagées.

Oui, mais là d’aucuns reprochent à l’Etat de faire la part belle au football. Ils vous demanderaient un tout petit peu d’équité pour les autres disciplines sportives.

Non ! Non ! Il ne faut pas nous faire ce procès. Ce n’est pas l’Etat qui fait la part belle au football. C’est le football qui est le sport roi. Ça, c’est la réalité. Le football est particulier en ce sens qu’il suscite une telle passion de jeu. Il n’y a aucun autre sport au monde, c’est un des plus importants qui charrie autant d’émotion et autant de passion. Donc, le football, c’est une discipline particulière. C’est comme au Sénégal quand vous parlez d’agriculture, il y a une activité tout de suite qui se détache : c’est l’arachide. Quand vous parlez des infrastructures, tout de suite ce sont les routes. Or, il n’y a pas que les routes dans les infrastructures. Le sport aussi, c’est pareil. Quand vous parlez du sport, vous avez d’abord le football tout de suite qui vient à l’esprit mais ça ne veut pas dire que les autres sports évidemment n’ont pas leur valeur. Au contraire, nous, notre plus grande réussite, ce n’est pas le football. C’est le basket. Ce sont les arts martiaux. C’est la lutte sénégalaise qu’il faut accompagner, qu’il faut moderniser. C’est pourquoi j’avais tenu absolument à ce que le Sénégal dispose d’une arène nationale dédiée à ce sport qui est unique en Afrique, qui est donc une création sénégalaise. Donc, tous les sports sont importants. C’est pourquoi, il y a le comité national olympique mais le football, c’est le football.

Et votre appel aux Sénégalais ?

J’appelle l’ensemble des mes compatriotes à se mobiliser, à faire de ce choix leur choix personnel et à considérer d’ailleurs qu’audelà du Sénégal, c’est toute l’Afrique qui a été choisie. C’est comme ça que j’ai lu aujourd’hui, avec beaucoup d’émotion, le témoignage d’une grande athlète comme Nawal El Moutawakel (Maroc), qui a dit qu’elle attendait depuis longtemps ce rêve qui vient de se réaliser. Et il y a les autres athlètes comme Paul Targat (Kenya) ainsi que de grands dirigeants du Botswana mais aussi l’Afrique du Sud qui ont tellement plaidé pour le Sénégal. Le Nigéria dit que c’est notre nomination qui a été faite. Donc, j’invite tous mes compatriotes particulièrement la jeunesse, le secteur privé qui était bien représenté, le président Baidy Agne du Patronat, mais aussi Gérard Sénac (PDF Eiffage) et André Froissard (Directeur de la CSS), tout le comité national, tout le PSE, avec Ibrahima Wade qui est membre du comité olympique, à relever le défi. Bref, c’est tout le Sénégal qui est engagé et j’invite vraiment les populations, les élus déjà qui joueront un rôle important, les villes choisies mais aussi au delà des villes choisies, à savoir que c’est l’ensemble de la population sénégalaise qui doit adhérer, accompagner et soutenir l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2022.

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