Affaire Mimi Touré: « La justice et l’Assemblée nationale doivent ouvrir … »

Ministre de la Justice au moment des faits, puis Premier ministre, enfin envoyée spéciale du président de la République, Aminata Touré parle de la traque des biens mal acquis en connaissance de cause. Le 19 décembre, sur RFM Matin, elle a déclaré que cette opération anti-corruption de poursuite des délinquants financiers a rapporté « plus de 200 milliards » à l’Etat sénégalais. Devant la vague de protestations soulevée par cette révélation pour le moins surprenante, elle est revenue à la charge, le 21 décembre, pour détailler, jusqu’à hauteur de 254 milliards, les montants recouvrés et les personnes physiques et morales sur lesquelles ils ont été perçus. De vives controverses s’en sont suivies. Birahim Touré de Transparency International, une voix autorisée, a contesté les chiffres avec force détails. Abdoulaye Baldé, décrit comme ayant transigé, a démenti. Aïda Ndiongue, apparue dans la liste de l’ancien Premier ministre comme ayant payé 47 milliards, a contesté.

Le 24 décembre, dans un communiqué insistant, Aminata Touré a persisté et signé, je la cite: « La reddition des comptes a même rapporté plus de 200 milliards à l’Etat du Sénégal car le décompte ne prend pas en compte les amendes individuelles de 138 milliards 239 millions chacun de Karim Wade, Bibo Bourgi, Mamadou Pouye et leurs sept autres complices qui sont des avoirs dus à l’Etat du Sénégal. »

Ces propos, d’une limpidité qui se passe de tout commentaire, soulèvent une question d’une importante capitale: où est passé tout cet argent censé avoir été recouvré ? De toute évidence, pas par le budget de l’Etat. De mémoire d’observateur, nulle loi de finances rectificative n’a été votée pour affecter ces importantes ressources. Les interrogations soulevées par les déclarations de Mme Touré n’en sont que plus légitimes. Et interpellent avec force les institutions de ce pays.

Il n’existe aucun pays démocratique au monde où des propos aussi précis puissent être tenus par une personnalité de ce rang sur un enjeu aussi important sans que, illico presto, la justice ouvre une information judiciaire et que l’Assemblée nationale constitue une commission d’enquête parlementaire.

Le procureur de Dakar, qui avait été si prompt à poursuivre le maire de Dakar pour 1,8 milliard de francs CFA, et l’Assemblée nationale, qui s »était empressée de lever l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, doivent faire preuve d’une plus grande diligence pour élucider le sort de plus de… 200 milliards de nos francs.

Dans un pays comme la France, il a suffi d’un article étayé du Canard Enchaîné pour que le Parquet national financier ouvrît contre François Fillon une information judiciaire qui a évité à l’opinion de se tromper sur le candidat de la droite à la dernière présidentielle française.

« La gouvernance sobre et vertueuse repose sur la reddition des comptes », a martelé jusqu’à la saturation le régime de Macky Sall. Voici une belle opportunité pour traduire ce slogan en actes. Toute la lumière doit être faite sur cette somme faramineuse déclarée recouvrée par une voix autorisée et qui aurait pu suffire à régler tous les problèmes d’un secteur aussi sinistré que notre Education nationale.

Cheikh Yérim Seck, [email protected]

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